Trypanosomose bovine
Données générales sur les trypanosomoses animales africaines
Définition et répartition géographique
D’une façon générale, les trypanosomoses sont des maladies infectieuses, inoculables, désignant un groupe d’affections dues à la présence et à la multiplication dans le sang et dans divers tissus ou l iquides organiques d’animaux, de protozoaires du genre Trypanosoma. Ces protozoaires se rencontrent chez de nombreuses espèces animales, mais ils semblent n’être pathogènes que pour les mammifères, y compris l’homme. L’évolution de ces affections en fonction de l’espèce de parasite, varie d’une forme aiguë à une forme chronique. Elles sont de durée et de symptomatologie variables en fonction de l’espèce animale affectée et de l’agent pathogène en cause (ITARD, 2000). Ainsi, on distingue : • La Nagana qui regroupe des affections dues aux trypanosomes « animaux » typiquement africains (Trypanosoma congolense, T. brucei, T. vivax, T. simiae, T. suis), qui sont tous transmis cycliquement par les glossines. Ce nom désignait à l’origine, une affection probablement due à T. brucei qui sévissait chez les animaux domestiques au Zoulouland en Afrique du Sud et dont l’étiologie fut élucidée en 1895 par Bruce ; • Le Surra ou trypanosomose des camelidés, des équidés et parfois des bovidés, dû à T. evansi, qui est transmis par des insectes piqueurs autres que les glossines ; • La Dourine ou trypanosomose vénérienne des équidés causée par T. equiperdum ; • La « maladie du sommeil » encore appelée Trypanosomose Humaine Africaine (THA) due à T. brucei gambiense ou à T. brucei rhodesiense ; • et la « maladie de Chagas » ou trypanosomose humaine américaine causée par T. cruzi et dont le vecteur est un réduve. Ces trypanosomoses sévissent principalement dans les régions tropicales et intertropicales d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie (EUZEBY, 1986). En Afrique, les trypanosomoses sont transmises par divers insectes hématophages dont les plus importants sont les glossines ou mouche tsé-tsé, insectes exclusivement africains, qui constituent l’hôte intermédiaire des espèces parasites. Ces glossines, qui en sont les principaux vecteurs, occupent une superficie de près de 10 millions de kilomètres carrés, soit un tiers du continent africain, s’étendant entre les 15° de latitude nord et 20° de latitude sud de part et d’autre de l’équateur (figure 1). Leur distribution revêt une importance primordiale dans l’épidémiologie de ces maladies.
Importance socio-économique
Les trypanosomoses animales africaines transmises par les glossines ne sévissent qu’en Afrique au sud du Sahara. Elles affectent 37 pays situés dans les régions potentiellement les plus productives d’Afrique dont 7 millions de km² de savane humide. Dans ces régions, les incidences médicales et socio-économiques sont très graves faisant ainsi des trypanosomoses animales une contrainte majeure de l’élevage. Les pertes directes liées à ces trypanosomoses animales sont représentées par la mortalité des animaux, la baisse de la productivité (viande et lait) et les perturbations de la reproduction (CHICOTEAU et al., 1990 ; BOLY et al., 1991). Ces pertes sont estimées à 3 millions de têtes de bétail mort par an, une perte de 26% du rendement laitier et une réduction de 50% du nombre de troupeaux dans les zones à haute potentialité agricole (HURSEY et SLINGENBERGH, 1997; CODJIA et DE LA 4 ROCQUE, 2001). Les mortalités ne sont pas trop fréquentes chez les races locales, alors qu’elles peuvent prendre des proportions importantes chez les races améliorées trypanosensibles. Les conséquences indirectes de ces trypanosomoses sont considérables. Ces dernières conduisent à : – La limitation de l’introduction du bétail amélioré plus performant mais plus sensible à la maladie, ceci dans le cadre d’une amélioration génétique des races locales ; – L’abandon des zones de pâturage infestées par les glossines. En effet, fuyant les zones infestées par les glossines, l’élevage tend à se concentrer dans les zones semi-arides aux ressources fourragères limitées, entraînant la dégradation progressive des pâturages ; – La réduction du rendement agricole des animaux. En effet, l’utilisation des animaux pour l’agriculture (engrais, traction) est également affectée ; – L’importation massive des viandes, des produits laitiers et des trypanocides aggravant ainsi le déficit de la balance commerciale ; – Le coût des mesures de lutte (traitements trypanocides). Le déficit annuel de productivité représente plus de 1,03 millions de tonnes d’équivalent- viande et 1,6 millions de tonne de lait. Les projections économiques prédisent que le cheptel bovin, en l’absence de glossine, pourrait être accru de 33 millions de têtes supplémentaires (CIPEA, 1988 ; SIDIBE et DESQUESNES, 2003). I.3- Agents pathogènes : les trypanosomes
Définition
Les trypanosomes sont des organismes unicellulaires, microscopiques, de forme allongée, dont la locomotion est assurée par un seul flagelle dirigé vers l’avant, près de la base duquel se trouve une structure particulière, le kinétoplaste. Ce sont des parasites obligatoires ayant le plus souvent deux hôtes : – un hôte vertébré, chez qui ils se multiplient dans les liquides physiologiques, le sang en particulier ; – un hôte invertébré, généralement un insecte piqueur, chez lequel ils vivent dans le tractus digestif.
Taxonomie
Les trypanosomes appartiennent à l’embranchement des Sarcomastigophora, à l’ordre des Kinétoplastida, à la famille des Trypanosomatidae et au genre Trypanosoma. Le genre Trypanosoma est divisé en deux sections : – La section Stercoraria : comporte les trypanosomes à évolution postérograde chez le vecteur. Leur transmission chez l’hôte vertébré s’effectue par déjection contaminante ; – La section Salivaria : comporte les trypanosomes à développement antérograde chez le vecteur. La transmission est effectuée par inoculation, lorsque le vecteur injecte sa salive au moment de la piqûre qui précède immédiatement la prise d’un repas sanguin. Cette section comprend tous les trypanosomes pathogènes d’Afrique, dont la plupart sont transmis par des mouches tsé-tsé, ou glossines, qui constituent leur hôte intermédiaire véritable.
Morphologie et Structure (Figures 2)
Le trypanosome, comme tout protozoaire, est formé d’une cellule unique qui constitue un organisme autonome. La forme classique est celle d’une cellule fusiforme et aplatie, avec une membrane ondulante plus ou moins enroulée autour du corps, prolongée vers l’avant par un flagelle libre. Cette forme varie cependant d’une espèce à une autre, mais aussi au cours du cycle évolutif (CHARTIER et al., 2000). Figure 2: Types morphologiques d’évolution des trypanosomatidés (n= noyau ; k= kinétoplaste ; f= flagelle ; m=membrane ondulante
Pathogénie
La pathogénicité de ces parasites se définit par leur aptitude à provoquer des troubles physiologiques ou des lésions avec apparition de la maladie et mort éventuelle de l’hôte. La durée et la gravité de la maladie, qui résultent des infections causées par ces parasites, varient en fonction de la souche de trypanosome infectant et de l’état de résistance naturelle de l’hôte.
Symptômes
Après une période d’incubation variant de quelques semaines à quelques mois, la maladie débute par des poussées fébriles séparées par des intervalles d’apyrexie. Ces poussées fébriles provoquent des altérations sanguines avec comme conséquences : de l’anémie, des œdèmes, une splénomégalie, une polyadénite, des troubles nerveux avec parésie des membres postérieurs, le pica et des troubles oculaires. L’amaigrissement et la cachexie précèdent presque toujours la mort de l’animal.
Hyperthermie
L’hyperthermie est concomitante à la poussée parasitaire. La première phase correspond au premier pic de parasitémie. La présence d’un grand nombre de trypanosomes dans le sang détermine une forte élévation de la température le plus souvent supérieure ou égale à 40°C. Trypanosoma vivax est responsable des parasitémies les plus élevées (107 trypanosomes/millilitre de sang) alors que Trypanosoma congolense (106 trypanosomes/ml de sang) et Trypanosoma brucei brucei (105 trypanosomes/ml de sang) donnent des parasitémies plus modérées (MURRAY, 1989).
Anémie
L’anémie est visible au niveau des muqueuses et constitue le symptôme majeur observé dans les trypanosomoses bovines. Elle intervient deux à trois semaines après la piqûre infectante et est plus ou m oins sévère suivant le mode d’évolution de la maladie. Elle est due à la chute du nombre des hématies, ce qui équivaut à une chute du taux d’hémoglobine et de l’hématocrite. D’une valeur normale supérieure ou égale à 30 p.100 chez les bovins (HOSTE et al., 1982), l’hématocrite (ou PCV, packed cell volume) chute jusqu’à des valeurs de l’ordre de 20 p.100 après trois à huit semaines d’infection par Trypanosoma vivax ou Trypanosoma congolense. L’hématocrite peut continuer à décroître jusqu’à la mort de l’animal, mais le plus souvent, il se stabilise à des valeurs basses et fluctuantes (15 à 20 p.100). Dans les cas les plus favorables, l’hématocrite commence à se rétablir après six à douze semaines d’infection et recouvre progressivement une valeur normale alors que, dans le même temps, les parasitémies deviennent intermittentes.
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