TROUBLES HEREDITAIRES DE LA COAGULATION

TROUBLES HEREDITAIRES DE LA COAGULATION

SYMPTÔMES ET DIAGNOSTIC DE L’HÉMOPHILIE

Manifestations cliniques :

Les symptômes de l’hémophilie A sont dus aux conséquences de manifestations hémorragiques plus ou moins sévères ; celles-ci dépendant beaucoup de l’activité du facteur VIII:C. L’expression clinique de cette maladie dépend donc du pourcentage en facteur VIII:C plasmatique de l’animal hémophile que l’on peut rapporter au pourcentage en facteur VIII chez un animal normal (Tableau 13) :
Tableau 13. Classification clinique de l’hémophilie A chez le Chien
Stokol et collaborateurs (1994) ont présenté une autre classification fondée sur l’activité du facteur VIII:C ; la référence utilisée pour un chien normal étant située entre 56 et 180 unités canines par décilitre (CU/dL) (Tableau 14).
Ainsi dans les cas les plus sévères (moins de 1 % d’activité du facteur VIII), les premiers symptômes apparaissent très rapidement après la naissance et dans certains cas sont responsables de mort prématurée dans les premières semaines de la vie [7]. Cependant dans les cas les moins graves, les premières hémorragies n’apparaissent que chez des animaux adultes notamment chez le Chat, animal plus agile et parfois confiné à l’intérieur des appartements et maisons.
Le premier symptôme mis en évidence dans les cas grave d’hémophilie A est une persistance du saignement du cordon ombilical. Les premiers déplacements du chiot et du chaton sont les moments d’apparition des premières hémorragies consécutives à divers traumas. Toutefois aucun passage transplacentaire de facteur VIII n’a pu être mis en évidence pour expliquer l’absence des symptômes avant les premiers déplacements. L’augmentation de l’activité semble être la seule hypothèse pour expliquer ces hémorragies. Il semblerait également que les chiens âgés soient moins exposés aux traumatismes, grâce à une adaptation comportementale [51].
Chez le chiot, l’éruption des dents définitives ou la première vaccination peuvent également être à l’origine de crises hémorragiques. En effet l’utilisation de vaccin vivant induit des anomalies quantitatives et/ou qualitatives plaquettaires 2 à 7 jours après l’injection. Ce phénomène passe inaperçu chez les animaux en bonne santé mais dans le cas d’un défaut d’hémostase cet effet peut suffire à causer une hémorragie importante.
Suite à certains actes chirurgicaux considérés comme mineurs (castration, coupe de queue …) des hémorragies ont été rapportées après les opérations, notamment lors de castration chez le Chat chez qui sont rapportés des saignements 12 à 36 heures après l’intervention voir des hématomes abdominaux suite à la rétraction des vaisseaux spermatiques.
Les hématomes sous-cutanés ou intramusculaires sont le signe le plus fréquent lors de l’hémophilie A [73]. Ceux-ci sont généralement d’origine traumatique ou iatrogène (injections diverses) et permettent ainsi la découverte fortuite de la maladie lors de la visite chez le vétérinaire.
Les hématomes musculaires sont très fréquents chez les animaux hémophiles et sont responsables de douleurs plus ou moins importantes qui amènent les propriétaires de ces animaux à consulter le vétérinaire traitant pour des boiteries [118]. L’apparition de masses fluctuantes de taille parfois importante est également souvent un motif de consultation ; la localisation est très variable (thoracique, abdominale, faciale, …).
D’autre part, des saignements gastro-intestinaux sont parfois présents : coloration sanguine des selles, méléna, vomissements de sang frais ou digéré … Les épistaxis sont moins fréquentes chez l’animal que chez l’Homme. Chez les femelles hémophiles, des saignements utérins post-partum peuvent causer la mort. Enfin des saignements urinaires ont aussi été rapportés.
Les hémarthroses sont fréquemment rencontrées chez le Chien ; ces hémorragies ne sont pas sans conséquences délétères sur le fonctionnement articulaire. Elles entraînent des boiteries ou des hypertrophies articulaires. Ainsi, lors de boiteries intermittentes, une hémophilie est à suspecter. Des hémorragies épidurales (autour de la moelle épinière) peuvent induire une compression de cette dernière et sont alors responsables d’ataxie, de déficits moteurs allant du déficit proprioceptif à la paralysie.
Les hémorragies internes ont été rapportées mais leur diagnostic est difficile précocement ; l’apathie, l’anorexie ou la dysorexie sont généralement les seuls symptômes que présentent l’animal dans un premier temps. Des hémorragies pulmonaires consécutives à la migration des larva migrans, des hémorragies pleurales ou des hémorragies diffuses du cou et du médiastin sont parfois à l’origine de détresse respiratoire majeure conduisant éventuellement à la mort de l’animal.
Associée à ces désordres sanguins, une anémie peut se mettre en place soit brutalement dans le cas d’une hémorragie aiguë importante (l’anémie sera alors normocytaire, normochrome et régénérative) soit de manière chronique en cas d’hémorragies fréquentes (elle sera alors microcytaire, hypochrome et faiblement régénérative). Un ictère apparaît parfois, notamment après la formation d’un hématome de taille importante.
La corrélation, chez le Chien, entre les signes cliniques observés et l’importance du déficit en facteur VIII:C ne semble pas vérifiée chez le Chat. Certaines observations cliniques laissent penser que l’expression clinique de l’hémophilie A est moins sévère chez le Chat.

Diagnostic :

Clinique et biologique

Lors de tout désordre de l’hémostase, un bilan sanguin comprenant une numération et une formule sanguine, une mesure du temps de Quick, une mesure du temps de céphaline activée, une mesure du temps de saignement et une mesure du temps de thrombine est à réaliser.
L’hémogramme ne montre généralement qu’une thrombocytose ; toutefois une anémie est parfois mise en évidence [131].
Lors d’hémophilie A, le temps de Quick n’est pas modifié ce qui montre que la voie extrinsèque ou la voie commune de la coagulation ne sont pas touchées. Attention néanmoins aux modifications du temps de Quick qui sont, dans de rares cas, un indicateur d’un second problème notamment une maladie de Von Willebrand parfois associée dans certains cas à cette maladie [90].
Le temps de céphaline activée est prolongé lors du déficit en facteur VIII, puisque ce dernier intervient dans la voie intrinsèque de la coagulation et son activité réduite affaiblit la formation du caillot.
Une fois que le prolongement du TCA est mis en évidence et afin de savoir de quel facteur vient le déficit il est nécessaire de mesurer chacun de ces facteurs (VIII, IX, XI, XII). En pratique seuls les facteurs VIII et IX sont testés en première intention, les hémophilies A et B étant les troubles les plus fréquents dans cette situation.
Le dosage différentiel de l’activité du facteur VIII est réalisé à l’aide de méthodes chronométriques utilisant soit un plasma commercial d’hémophile humain sévère (donc très pauvre en facteur VIII:C) soit un plasma de Chien (ou de Chat) déficient en facteur VIII (COATEST Kit) [147, 181]. Il convient néanmoins de faire attention à la différence majeure qui existe entre les pourcentages d’activité du facteur VIII:C de l’Homme et du Chien. Ainsi un chien peut présenter 100 % d’activité en système humain mais seulement 10 % dans l’espèce canine. Il faut donc toujours rapporter les valeurs d’activité du facteur VIII:C à celle d’un chien témoin. Ce dosage permet le diagnostic et précise l’intensité du déficit en comparant le plasma du malade à un animal sain (ou mieux à plusieurs animaux). Ainsi Langdell et collaborateurs, en 1953, ont proposé la méthode suivante : 0,1 mL de plasma du patient hémophile sont ajoutés à 0,1 mL de citrate et à 0,1 mL du plasma test dilué au cinquième ou 0,1 mL de plasma de chien normal dilué au 1:5, au 1:40, au 1:80, au 1:200 et au 1:500 [132]. Après 6 secondes d’incubation, 0,1 mL de CaCl2 M/4 sont ajoutés et le temps de coagulation est mesuré (apparition d’un caillot). Les résultats permettent alors de donner une idée de l’activité du facteur VIII:C.
Le dosage immunologique du facteur VIII:Ag par un test ELISA non spécifique donne des résultats comparables à ceux obtenu par les méthodes chronométriques [91]. Il existe également en médecine humaine des dosages immunologiques à l’aide de test ELFA (Enzyme Linked Fluorescent Assay) ou de test IRMA (Immune-RadioMetric Assay) [189]. L’application au Chien n’a pas été retrouvé durant nos recherches.
Néanmoins dans le cas d’une maladie de von Willebrand on observe la même diminution d’activité du facteur VIII:C. Mais dans la maladie de von Willebrand on observe également une adhésion et une agrégation plaquettaire anormale. Aussi il existe plusieurs méthodes pour différencier ces deux maladies :
– un test d’agglutination à la ristocétine des plaquettes. In vitro le facteur de von Willebrand ne réagit pas spontanément avec les plaquettes. L’intervention d’un modulateur exogène, la ristocétine, un antibiotique glycopeptidique induit un changement de conformation du facteur de von Willebrand conduisant à une agglutination des plaquettes [16],
– un test au polybrène (bromide de héxadiméthrine) qui utilise le même principe que le test précédent [92],
– un test au venin de Bothrops jararaca (une vipère d’Amérique du Sud). Des études ont montré que de nombreux venins de serpent, notamment de l’espèce Bothrops jararaca
sont à l’origine d’une coagulation sanguine majeure sauf en l’absence de facteur de von Willebrand [92]. Ce test consiste donc à vérifier la présence d’une agglutination plaquettaire en présence de ce venin.
On comprend donc qu’un résultat normal ou augmenté (agglutination plaquettaire) est signe d’une hémophilie A [55]. Le calcul d’un ratio entre l’activité du facteur VIII et la concentration de l’antigène du facteur de von Willebrand peut être utilisé pour détecter les porteurs de l’hémophilie A.

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