Selon Levy et Scala (2015), entre 9 et 15% de la population générale et environ 40% des patients en services externes souffrent d’un trouble de la personnalité. Ceux-ci se caractérisent par des difficultés à s’adapter socialement de manière flexible et efficace, en utilisant par exemple des stratégies autodestructrices de l’ordre de l’automutilation et de l’usage de drogues (Carcione et al., 2011). Selon Dimaggio, Nicolò, Semerari et Carcione (2013), une des raisons expliquant ces difficultés d’adaptation sociale est leur faible conscience de leurs propres émotions. Une seconde raison est qu’ils ont une faible compréhension des états mentaux des autres, ce qui accroît leurs difficultés d’adaptation sociale (Bateman et Fonagy, 2012). Par conséquent, les personnes souffrant de troubles de la personnalité ont également des difficultés à utiliser leurs connaissances de leurs propres états mentaux et de ceux des autres pour trouver des solutions à leurs problèmes et à leur détresse (Carcione et al., 2011).
Malgré l’amélioration des psychothérapies au fil du temps, la communauté scientifique soutient que les traitements psychologiques destinés aux personnes souffrant de troubles de la personnalité doivent encore être améliorés (Clarkin, Cain et Livesley, 2015; Hopwood, Swenson, Bateman et Yeomans, 2014; Dimaggio, 2015; Levy et Scala, 2015; Links, 2015; McMain, Boritz et Leybman, 2015; Paris, 2015). À preuve et selon Levy et Scala (2015), bien qu’entre 50 et 60% des individus souffrant d’un trouble de la personnalité améliorent leur condition psychologique dans le cadre d’une psychothérapie, leur échelle d’évaluation globale du fonctionnement (GAF) se situerait en moyenne entre 60 et 69 à la fin de leur traitement. Un tel résultat au GAF représente des symptômes légers et relativement stables, ainsi qu’un dysfonctionnement social, professionnel ou scolaire (APA, 1994). Par ailleurs, Kröger, Harbeck, Armbrust et Kliem (2013) ont évalué que la condition psychologique de 30,6% des patients hospitalisés souffrant d’un trouble de la personnalité limite ayant complété une thérapie dialectique comportementale de trois mois était demeurée inchangée. La thérapie dialectique comportementale se compose de séances individuelles et de groupes, avec notamment pour objectif l’apprentissage et l’utilisation de stratégies de régulation émotionnelle (Linehan, 2015). Cette psychothérapie est dite intégrative, c’est-à-dire qu’elle intègre entre autres des concepts philosophiques, dialectiques, d’intervention de crise et de psychologie sociale (Heard et Linehan, 1994), tout en ayant des composantes similaires aux notions de conflit (Linehan, 2015) et de transfert (Paris, 2015). Toujours selon l’étude de Kröger, Harbeck, Armbrust et Kliem (2013), la condition psychologique de 11% des patients participant à une thérapie dialectique comportementale s’est détériorée au cours de cette thérapie. Pour leur part, Bateman et Fonagy (2009) ont observé à l’aide de l’index global de sévérité du SCL90-R que les individus avec un trouble de la personnalité demeurent parfois dans un état de souffrance psychologique à la fin de leur psychothérapie basée sur la mentalisation, et ce, malgré des résultats psychothérapeutiques positifs. Ces observations et ces résultats à propos de l’efficacité relative des psychothérapies actuelles témoignent du fait que la compréhension des troubles de personnalité est à ce jour incomplète (Dimaggio, Nicolò, Semerari et Carcione, 2013). D’ailleurs, l’étude de Bateman et Fonagy (2009) corrobore le volet de compréhension incomplète des troubles de la personnalité, puisque les facteurs à l’origine du maintien d’un tel état de souffrance après une psychothérapie basée sur la mentalisation sont demeurés indéterminés. Ainsi, il est essentiel de poursuivre les recherches afin de développer une meilleure compréhension de ces troubles. Celleci permettra en retour de développer des psychothérapies adaptées aux patients qui ne répondent peu ou pas aux traitements, à ceux qui abandonnent prématurément leur psychothérapie de même qu’à ceux qui ont besoin de traitements de plus longue durée (Dimaggio, Nicolò, Semerari et Carcione, 2013).
En étudiant les différentes formes de psychothérapies pour les troubles de la personnalité, Paris (2015) en est venu à la conclusion que celles-ci utilisent toutes des techniques et des concepts plus ou moins similaires. Selon Dimaggio, Nicolò, Semerari et Carcione (2013), une des avenues explorées pour améliorer les diverses psychothérapies pour les troubles de la personnalité est justement l’établissement d’une forme de psychothérapie intégrée. Cette forme de psychothérapie intégrée regrouperait notamment des facteurs communs qui contribuent à l’efficacité de ces différentes psychothérapies (Dimaggio, Nicolò, Semerari et Carcione, 2013). L’utilité d’intégrer de tels facteurs communs est de pouvoir traiter les multiples aspects d’une même psychopathologie (Paris, 2015). Comme tous les troubles de la personnalité ont des caractéristiques uniques à traiter, l’attachement à une seule forme de psychothérapie risquerait de nuire à l’efficacité de ces psychothérapies (Livesley, 2012). C’est pourquoi Levy et Scala (2015) soulignent qu’il est maintenant important de se centrer sur les similitudes entre les différentes formes de psychothérapie et non de se cloisonner dans un jargon scientifique stérile.
En 2006, Castonguay et Beutler ont publié une recension de facteurs communs validés empiriquement en psychothérapie, y compris pour les troubles de la personnalité. Ces facteurs communs s’appliquent à l’ensemble des différentes formes de psychothérapie basées sur des données probantes et incluent notamment l’alliance thérapeutique, la réparation des ruptures d’alliance thérapeutique, l’empathie, la collaboration, le regard positif, la gestion du contretransfert et la qualité des interprétations relationnelles. Parmi les différents facteurs communs identifiés dans la littérature scientifique pour traiter le trouble de la personnalité limite se retrouvent l’utilisation d’un cadre thérapeutique explicite, l’établissement d’une alliance thérapeutique, l’utilisation des représentations mentales et la reconnaissance consciente des modes relationnels rigides et répétitifs (Clarkin, Cain et Livesley, 2015; Dimaggio, 2015; Paris, 2015).
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