Troubles affectant la santé mentale
L’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2013) propose de concevoir les troubles affectant la santé mentale comme un « ensemble anormal de pensées, de perceptions, d’émotions, de comportements et de relations avec autrui », un état dont les manifestations peuvent être limitatives, voire incapacitantes, sur le plan du fonctionnement et de la participation sociale. La gravité de ces troubles peut d’ailleurs être établie en fonction de leurs répercussions fonctionnelles (Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec [MSSS], 1989, 2005), suivant un continuum se déclinant en 1) personnes vulnérables et susceptibles de développer un trouble mental; 2) personnes aux prises avec un trouble courant ou modéré et dont le fonctionnement habituel est entravé; et 3) personnes aux prises avec un trouble grave, lesquelles rencontrent des incapacités significatives sur le plan des capacités fonctionnelles et des compétences sociales.
Au Québec, c’est environ 20 % de la population qui, dans leur vie, ont été affectés par au moins un trouble de santé mentale (Institut de la statistique du Québec, 2012). De ces personnes, 18 % ont été touchés par un trouble dit « léger ou modéré» (lesquels sont souvent des troubles dépressifs ou des troubles anxieux) et entre 1 et 3 % ont été touchés par un trouble dit « grave» (généralement des troubles bipolaires et apparentés ou des troubles relevant du spectre de la schizophrénie) (Rouillon, 2008).
Portrait des conditions d’hébergement et d’habitation des personnes vivant avec une problématique affectant la santé mentale
Au Québec, comme ailleurs en Occident, les conditions et les milieux de Vie privilégiés pour les personnes vivant avec un trouble qui affecte la santé mentale ont beaucoup évolué au fil du temps. La section qui suit dresse d’ abord un survol historique des conditions d’hébergement des personnes qui vivaient au Québec avec un trouble affectant la santé mentale. Elle s’attarde ensuite aux modèles résidentiels actuels.
Survol historique de l’hébergement des personnes avec un trouble qui affecte la santé mentale
De la colonisation à la première moitié du XIXe siècle, les personnes aux prises avec un trouble affectant la santé mentale qui vivaient sur le territoire qui est aujourd’hui la Province de Québec étaient essentiellement prises en charge par la communauté. En effet, près de 80 % de la population vivait alors en milieu rural, là où le réseau d’ entraide collective « arrivait encore à absorber les indigents [telles que les personnes aux prises avec un trouble affectant la santé mentale] » (Cellard & Nadon, 1986, p. 350). Gardés par leur famille ou la communauté religieuse, les « fous» dits « dociles» contribuaient alors aux tâches et à la subsistance (Cellard, 1991), tandis que ceux qui étaient considérés « fous indigents ou furieux» étaient dirigés soit vers les prisons communes, soit vers certains hôpitaux où, à partir de la fin du XVIIe siècle, un nombre restreint de places (ou loges) leur est réservé (Cellard & Nadon, 1986; Wallot, 1998).
De façon analogue à ce qui s’était observé en Europe et dans le reste de l’Amérique du Nord, c’est sur un fond de crise économique et démographique grave que les premiers asiles, le Montreal Lunatic Asylum (1839-1845), puis l’Asile de Beauport (1845-1893), furent créés (Cellard, 1991 ; Keating, 1993). La thérapie d’usage correspondait au départ à ce qui se pratique en Europe et en Amérique du Nord (inspirée des principes édictés par Pinel et impliquant travail et activités en plein air), mais la surpopulation fait en sorte que les conditions de vie et la qualité des soins se dégradent (Cellard & N adon, 1986). Bien que le modèle asilaire évolue par la suite suivant la médicalisation de la « folie » ainsi que la demande d’une intervention étatique accrue dans le domaine de l’assistance (Wallot, 1998), l’institution demeure le modèle d’hébergement privilégié pour les personnes vivant avec un trouble qui affecte la santé mentale.
Au milieu du XXe siècle, l’avènement des premiers traitements pharmacologiques qui permettent une certaine gestion des symptômes associés aux troubles qui affectent gravement la santé mentale contribue à rendre possible une nouvelle forme de prise en charge (Beaudry, 1996; Krieg, 2001 ; Sedgwick, Cockburn, & Trentham, 2007). Au Québec, ce sera toutefois la prise de conscience collective des conditions réservées aux patients en institution (Dorvil & Guttman, 1996; Wallot, 1998) et la tenue de la commission Bédard sur les hôpitaux psychiatriques qui donneront le coup d’envoi à la désinstitutionnalisation (Dorvil & Guttman, 1996). Les changements amorcés avec la désinstitutionnalisation s’opérationnalisent autant par la déshospitalisation que la noninstitutionnalisation (Dorvil & Guttman, 1996; Nour et al., 2010), des processus qui, dans les mêmes années, ont également cours ailleurs au Canada (Sealy, 2012; Unité de recherche et de soutien communautaire du Centre de toxicomanie et de santé mentale & Conseil canadien de développement social, 2016). Au pays, la déshopitalisation aura jusqu’à ce jour mené à la fermeture de plus de 80 % des lits réservés à une clientèle psychiatrique (Unité de recherche et de soutien communautaire du Centre de toxicomanie et de santé mentale & Conseil canadien de développement social, 2016). La noninstitutionnalisation aura pour sa part permis d’éviter ou d’écourter la durée de nouvelles hospitalisations (Dorvil & Guttman, 1996).
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