Trouble du spectre de l’autisme: définition et prévalence
Depuis les dernières années, la définition de l’autisme a été modifiée (Wong et al., 2014), tel qu’en témoignent les dernières versions du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV et -V) publiées par l’association américaine de psychiatrie (APA, 1994 et 2013). Bien que les principales caractéristiques demeurent, la plus récente version du manuel (DSM-V) a apporté des changements concernant les symptômes cliniques et la nomenclature. À cet effet, les déficits socio-communicatifs sont reconnus par le DSM-V comme faisant partie d’une même dimension, alors que le DSM-IV faisait la distinction entre le domaine social et la communication. De fait, le trouble est désormais caractérisé par des altérations significatives dans deux domaines, soit a) les difficultés persistantes sur le plan de la communication et des interactions sociales et b) les comportements, activités ou intérêts stéréotypés, restreints ou répétitifs (APA, 2013). Compte tenu des différences individuelles dans l’expression des symptômes cliniques (Charman et al., 2011), la communauté scientifique a introduit la notion de trouble du spectre de l’autisme (TSA) (Bolduc, 2013). Cette nouvelle appellation utilisée dans le DSM-V comprend trois niveaux de sévérité associés au degré de soutien requis: 1) requérant un soutien, 2) requérant un soutien important, 3) requérant un soutien très important (APA, 2013). Le TSA fait partie de la grande catégorie des troubles neurodéveloppementaux, dont les symptômes sont présents depuis la petite enfance, mais sont parfois décelés de façon tardive (APA, 2013).
Au Canada, selon le rapport de 2018 sur le Système national de surveillance du trouble du spectre de l’autisme (SNSTSA), environ un jeune sur 66 (15,2/1000) âgé de 5 à 17 ans avait un diagnostic de TSA en 2015 (Ofner et al., 2018). Au Québec, un accroissement constant du taux de prévalence annuel du TSA chez les enfants de 1 à 17 ans est observé depuis les dernières années. Ce taux était évalué à 1/1000 en 2000-2001 et passe à plus de 4/1000 en 2014-2015 (Diallo, Rochette, Pelletier et Lesage, 2017). Des différences sont constatées selon le genre, de sorte que les garçons (7,3/1 000) sont près de quatre fois plus diagnostiqués que les filles (1,8/1000) (Diallo et al., 2017). Cette augmentation constante du TSA peut s’expliquer en partie par une plus grande sensibilisation des professionnels de la santé et de meilleures méthodes de dépistage ou de diagnostic (ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2003). L’établissement du premier diagnostic serait généralement posé avant l’ âge de 5 ans depuis le début des années 2000 (Diallo et al. , 2017).
Déploiement des services spécialisés en intervention précoce
Devant cette importante croissance du taux de TSA diagnostiqué dans la province, la demande de services s’intensifie, exerçant par le fait même une forte pression sur le système de santé public (Institut national d’ excellence en santé et en services sociaux [INESSS], 2014). Dans ce contexte, de nombreux défis sont reliés à l’implantation d’un continuum de services qui pourra répondre à la diversité des besoins des enfants qui présentent un TSA et leur famille. À la lumière des données probantes disponibles, des comités indépendants formés de professionnels et de parents ont recommandé l’application d’interventions fondées sur l’analyse appliquée du comportement (AAC) (MSSS, 2003). Dès lors, l’intervention comportementale intensive (ICI), tirant profit des techniques de l’AAC, a pris son essor.
Depuis 2003, le MSSS a mandaté les Centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement (CRDITED) d’offrir l’ICI à tous les enfants âgés de 2 à 5 ans qui ont reçu un diagnostic d’autisme sur la base d’une évaluation approfondie (Fédération québécoise des CRDITED, 2010). L’année 2015-2016 a été marquée avec l’entrée en vigueur de la loi 10, qui a apporté des modifications dans l’organisation et la gouvernance au sein du réseau de la santé et des services sociaux. Les CRDITED sont désormais désignés Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS).
Variabilité dans l’offre de service
Dans le plan d’action « Un geste porteur d’ avenir » rédigé par le MSSS (2003), les principes généraux liés à l’application de l’ICI ont été précisés. Toutefois, les orientations ministérielles demeurent assez larges et aucun programme spécifique d’ICI n’ est alors proposé. Cette situation engendre des défis d’arrimage entre les établissements spécialisés offrant l’ICI aux jeunes enfants ayant un TSA. Plus particulièrement, Garnache, Joly et Dionne (2011) ont relevé des disparités quant au choix des modèles d’ICI au sein des établissements en ce qui concerne, entre autres, les stratégies d’intervention privilégiées et les lieux où s’articule l’intervention. Parmi les facteurs pouvant intervenir dans la variabilité de l’offre de services, Gamache et al. (2011) ainsi que Dionne et al. (2016) soulignent le manque de documentation pour décrire les modalités d’intervention spécifiques dans le cadre de l’ICI.
Une des responsabilités essentielles confiée aux intervenants dans le cadre de l’ICI consiste à choisir des objectifs et des moyens à mettre en place, c’est-à-dire des stratégies d’intervention efficaces et appropriées aux besoins développementaux de l’enfant (Greer et Ross, 2008; Romanczyk et Gillis, 2011). Dans leur étude, Dionne et al. (2016) font ressortir que les intervenants ont recours à différents curriculums et à un large éventail de stratégies pour construire le programme éducatif de chaque enfant. Jusqu’à ce jour, peu de recherches documentent les orientations qui sous tendent les prises de décision en regard du choix des stratégies (Stahmer, Schreibman et Cunningham, 2011).
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