Traumatismes psychiques
Impact psychique des traumatismes précoces
. Traumas narcissiques Les traumatismes de l’enfance peuvent être de différents ordres ; ils peuvent relever de la négligence ou de la maltraitance, mais aussi de relations précoces plus subtilement inadaptées. J’insisterai ici plus particulièrement sur ces derniers, qui sont des traumatismes passant souvent inaperçus et ne laissant pas de traces dans la mémoire explicite. Je considérerai donc ce qui, au temps de la construction du lien premier, peut faire traumatisme, Traumatismes psychiques 66 à savoir les inadéquations ou les défaillances de l’environnement vis-à-vis de l’individu immature, pris dans la dépendance extrême de la phase du narcissisme primaire. Dans le champ de la psychanalyse, plusieurs auteurs ont travaillé cette question, à commencer par Ferenczi qui, dans le prolongement de la pensée de Freud, a fait l’hypothèse de traumatismes qui ne seraient pas uniquement d’origine sexuelle mais des traumas narcissiques liés aux empreintes psychiques laissées dans l’enfance du sujet par les réponses inadaptées de l’objet à ses besoins. Il conçoit « le mécanisme de la traumatogénèse d’abord [comme] la paralysie complète de toute spontanéité, puis de tout travail de pensée, voire des états semblables aux états de choc, ou même de coma, dans le domaine physique, puis l’instauration d’une situation nouvelle — déplacée — d’équilibre. » 100 Pour Ferenczi ce n’est pas l’évènement traumatique lui-même qui est le plus pathogène, mais l’attitude de l’entourage de l’enfant face à cet évènement. Il écrit : « Le pire, c’est vraiment le désaveu, l’affirmation qu’il ne s’est rien passé, qu’on n’a pas eu mal, ou même d’être battu et grondé lorsque se manifeste la paralysie traumatique de la pensée ou des mouvements ; c’est cela surtout qui rend le traumatisme pathogène » 101 . Ces attitudes de l’entourage ignorent les besoins psychiques d’un sujet en situation traumatique et empêchent ainsi l’élaboration ultérieure du traumatisme. Winnicott va plus loin en considérant qu’au-delà de la survenue d’un évènement traumatique temporellement circonscrit, c’est le mode de réponse ordinaire de l’environnement aux besoins du moi du nourrisson, au long cours, qui peut être traumatique. Pour cet auteur, c’est au cours de la période du développement précoce, correspondant aux toutes premières semaines de vie, que le narcissisme primaire commence à se construire presque passivement du côté du bébé, mais grâce à l’activité de soin de la mère, dans le sens où « au stade le plus précoce, il n’y a aucune trace de prise de conscience chez le nourrisson et c’est pour cette raison que la dépendance est absolue » 102 . C’est donc à cette étape que la menace de détresse traumatique est la plus grande. Ainsi, l’attention de Winnicott se porte sur le traumatisme « subtil », plus que sur le traumatisme « flagrant », c’est-à-dire sur le processuel du « trauma originel » plus que sur le trauma-évènement103 . Il utilise le terme d’empiètement par l’environnement pour parler de ce type de trauma, dont les conséquences perturbent le développement ; « l’individu est obligé de se modifier tout entier en réaction à cet envahissement » (Winnicott, 1952). Ailleurs, il souligne « que la chose la plus importante c’est le traumatisme que représente la nécessité de réagir.
Attachement et besoin de sécurité
La théorie de l’attachement de Bowlby, bien qu’ayant suscitée de nombreuses controverses dans le milieu de la psychanalyse, est actuellement considérée comme un apport conceptuel important dans les modélisations théorico-cliniques en psychopathologie. Missonnier propose un résumé lapidaire du cœur de la théorie de Bowlby : « Chez l’humain comme chez l’animal, l’attachement est un besoin primaire, inné, biologiquement déterminé de la même façon que tous les autres besoins fondamentaux liés à la survie » 110 . Les prémisses de cette théorie découlent d’ailleurs de la considération du réflexe primaire d’agrippement. De ce point de vue, il appartiendrait donc au registre de l’autoconservation et le besoin spécifique dont il s’agit ici est celui de sécurité, l’attachement représentant la base interne de sécurité de l’individu. Si dans une perspective éthologique Bowlby fait l’hypothèse que le comportement d’attachement a une fonction de protection à l’égard des prédateurs111 , soulignant ainsi le registre de l’autoconservation corporelle, ce qui nous intéresse ici est la nécessité de sécurité psychique que nous proposons de rapprocher du concept winnicottien de besoins du Moi. En appui sur les développements proposés par Roussillon sur cette question112 , on pourrait dire que la sécurité est une des conditions externes nécessaire au sujet pour qu’il puisse faire son travail d’intégration des expériences auxquelles il est confronté, sécurité liée à la fiabilité de l’objet d’attachement, à sa capacité d’assurer à l’enfant le bénéfice d’un environnement sécurisé, et, en d’autres termes, à un « holding » suffisamment bon déterminé par l’empathie de la mère à l’égard de son nourrisson.