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Transport quantique dans les gaz bidimensionnels d’élec-trons
Je vais présenter ici quelques notions fondamentales sur le transport quantique en ré-gime continu dans les gaz bidimensionnels d’électrons obtenus dans les hétérostructures GaAs/AlGaAs. A l’interface entre les deux semiconducteurs, on peut piéger les électrons dans un plan ce qui permet :
– de les manipuler aisément en déposant des grilles à une centaine de nanomètres de la surface du gaz permettant de modifier localement la densit´ électronique par effet de champ.
– d’obtenir à basse température un libre parcours moyen et une longueur de cohérence de phase de l’ordre de la dizaine de microns pour les échantillons très purs. On peut alors étudier le transport de charges dans le régime balistique cohérent pour lequel les propriétés ondulatoires des électrons deviennent primordiales.
Les grilles métalliques déposées en surface de l’échantillon permettent de contrˆoler les dimensions du circuit à l’échelle de la longueur d’onde de Fermi de l’ordre d’une cinquantaine de nanomètres dans les gaz bidimensionnels. En réglant finement la largeur du circuit, on peut contrˆoler le nombre de modes électroniques transmis. C’est le principe du contact ponctuel quantique qui permet d’observer la quantification de la conductance.
Contact Ponctuel Quantique et quantification de la conductance
D’après la formule de Landauer [11–13], la mesure du courant entre les deux contacts d’un conducteur quantique balistique est une mesure directe de la transmission des ondes électroniques dans le circuit. Pour un conducteur bidimensionnel de longueur L et de largeur w, la conductance est donnée par : G = h Xσ Dn,σ (1.1)
Les indices σ et n désignent respectivement le spin des électrons et les différents modes transverses de la fonction d’onde électronique résultant du confinement suivant la largeur w. Dn,σ est la valeur de la transmission du mode n de spin σ. Si les deux espèces de spin sont dégénérées, les conductances associées aux deux spins s’ajoutent, on a alors : G = Xn Dn (1.2)
La conductance est donc une mesure du nombre de modes transmis en unités de 2e2 si les spins sont dégénérés et eh2 si cette dégénérescence est levée. On peut parvenir simplement à ce résultat dans le cas d’un mode parfaitement transmis. Le conducteur peut alors ˆetre considér´ comme unidimensionnel. Lorsque l’on applique un potentiel statique eV à l’extrémit´ gauche du conducteur, les électrons dont l’énergie est comprise entre 0 et eV s’écoulent sans diffusion (puisque le conducteur est balistique) vers l’extrémit´ droite. Ce sont, à température nulle, les seuls électrons contribuant au courant. On obtient alors facilement l’expression du courant en comptant le nombre de charges traversant une section du conducteur dans un temps δt.
I = e ρ(ǫf ) eV v(ǫf ) (1.3) ρ(ǫf ) est la densit´ d’états à l’énergie de Fermi, on la suppose constante dans la gamme 0 → eV , et v(ǫf ) est la vitesse de Fermi. Pour un conducteur unidimensionnel dégénér´ en 2L . On obtient alors ;
spin, ρ(ǫf ) = hv(ǫf ) 2e2 (1.5)
Ceci permet de définir le quantum de conductance e2 .
Si l’on peut contrˆoler graduellement le nombre de modes transverses (encore appelés canaux) transmis, on s’attend à observer des plateaux de conductance de valeur pour un conducteur dégénéré, eh2 dans le cas contraire.
Cette quantification de la conductance a et´ observée pour la première fois dans les gaz d’électrons à l’aide de contacts ponctuels quantiques [14, 15]. Le contact ponctuel permet, à l’aide de deux grilles déposées de part et d’autre du gaz d’électrons, voir figure 1.1, de contrˆoler la largeur du gaz par l’application de tensions négatives qui repoussent les électrons. On peut ainsi varier très précisément la largeur de cette constriction jusqu’à repousser complètement les électrons. Le courant circulant dans l’échantillon est alors nul, ce régime est qualifié de régime pincé. Lorsque la largeur est égale à la moitié de la longueur d’onde de Fermi, un seul mode transverse peut exister dans la constriction, on passe à deux modes pour une largeur égale à la longueur d’onde et ainsi de suite. Le CPQ se comporte donc comme un guide d’onde électronique de largeur réglable.
On a tracé sur la figure 1.2 la conductance d’un tel dispositif mesurée dans notre labora-toire lorsque l’on varie la tension VG appliquée aux grilles du CPQ. Partant du régime pincé de conductance nulle pour les tensions très négatives, on observe des plateaux de conductance de valeur 2e2 lorsque l’on augmente progressivement la largeur de la constriction en augmentant la tension VG (les mesures ont et´ effectuées à champ magnétique nul, les deux espèces de spin sont dégénérées).
Comme nous le verrons par la suite, le contact ponctuel est une des briques elémentaires de notre source d’électrons uniques puisqu’il permet pour les tensions de grille très néga-tives, d’isoler une portion du conducteur du reste du circuit. On peut alors régler finement la transmission des charges par effet tunnel d’un cˆoté à l’autre en modifiant légèrement la tension de grille. Si la portion isolée du conducteur est de petite taille, on définit ainsi une boite quantique pour laquelle les effets de confinement sont importants. Nous y reviendrons en section 1.3.
Le contact ponctuel permet aussi de réaliser une manipulation quantique elémentaire de la fonction d’onde. Lorsque la tension de grille est réglé de manière à transmettre le premier mode avec une probabilité 12 , on peut réaliser une superposition cohérente des états transmis et réfléchis que l’on peut mettre en évidence par le phénomènes d’interférences quantiques (voir figure 1.5 et texte correspondant). Le CPQ agit alors comme une lame semi-réfléchissante électronique. Le régime privilégi´ pour observer ces effets liés à la cohérence de phase est le régime d’Effet Hall Quantique car il permet de préserver cette cohérence sur sur plusieurs centaines de micromètres. C’est ce régime que je vais brièvement décrire dans le paragraphe suivant.
Effet Hall Quantique Entier
En appliquant un champ magnétique fort perpendiculaire au plan du gaz bidimensionnel, on entre dans le régime d’Effet Hall Quantique [16, 17] qui modifie profondément le transport électronique. Sous l’action d’un champ magnétique, les électrons viennent peupler des niveaux de Landau équidistants de ~ωc où ωc = meB∗ est la pulsation cyclotron. On peut comprendre qualitativement le transport électronique en régime d’Effet Hall Quantique en revenant au mouvement cyclotron classique d’un électron dans un champ magnétique.
– au centre de l’échantillon, les électrons décrivent un mouvement de rotation sur les orbites cyclotron (voir figure 1.3), le rayon cyclotron (et par conséquent l’énergie ciné-tique) dépend du niveau de Landau occupé. Ces états ne permettent pas le transport du courant d’une extrémit´ à l’autre de l’échantillon.
– sur les bords de l’échantillon, le mouvement classique des électrons décrit une cyclo¨ıde. Les électrons se déplacent par rebonds successifs à chaque fois qu’ils se heurtent à la barrière de potentiel infinie définissant le bord de l’échantillon (voir figure 1.3). Ces états de bord sont les seuls permettant le transport du courant, le transport est unidi-mensionnel et chiral.
Le nombre de modes occupés est égal au nombre de niveaux de Landau remplis à l’éner-gie de Fermi. Ce nombre est appel´ facteur de remplissage ν = N ΦΦ0 , où N est le nombre d’électrons, Φ0 = he est le quantum de flux et Φ = B.S est le flux du champ magnétique au travers de l’échantillon. A densit´ d’électrons constante, le facteur de remplissage dépend donc du champ magnétique. Les valeurs entières du facteur de remplissage correspondent à l’Effet Hall Quantique Entier. La localisation des états électronique transportant le courant sur les bords permet alors de contrˆoler très exactement leur trajectoire et de les manipuler plus facilement.
Les propriétés les plus remarquables du transport électronique en régime d’Effet Hall Quantique proviennent de la chiralité imposée par le champ magnétique. En effet, les électrons se propageant dans deux directions opposées sont situées de part et d’autre de l’échantillon (voir figure 1.3). Cette séparation a deux conséquences :
– elle supprime la rétrodiffusion des électrons, la résistivité longitudinale est donc consi-dérablement diminuée.
– si on applique une différence de potentiel eV entre les deux extrémités de l’échantillon, les électrons se propageant de la gauche vers la droite n’ont pas le mˆeme potentiel chi-mique que les électrons se propageant dans l’autre sens. Puisqu’ils sont spatialement séparés en régime d’effet Hall Quantique, on mesure une différence de potentiel trans-verse VH = V entre les deux bords de l’échantillon.
En conséquence, lorsque la valeur du champ magnétique correspond à un facteur de rem-plissage entier (Effet Hall Quantique entier), la résistance longitudinale s’annule et la résis-tance transverse (ou encore résistance Hall) est inversement proportionnelle au nombre de niveaux de Landau occupés : RH = νeh2 (on ne trouve pas de facteur 2 ici car la dégénérescence de spin est levée pour des facteurs de remplissage ν ≤ 20). On peut mesurer la variation de la résistance transverse et longitudinale d’un gaz d’électrons en fonction du champ magnétique en utilisant un dispositif appel´ croix de Hall représenté sur la figure 1.4.
Lorsque l’on connecte une source de courant entre le drain et la source de la croix de Hall, on peut mesurer la résistance longitudinale en mesurant la différence de potentiel entre les contacts 1 et 2 et la résistance Hall entre les contacts 1 et 3. Ces mesures permettent de mesurer la densit´ et la mobilité d’un gaz d’électrons. De telles mesures de caractérisation ont et´ effectuées sur le gaz d’électrons utilisé dans ce manuscrit. Elles sont décrites en annexe A. On peut y observer les oscillations de la résistance longitudinale (oscillations de Shubnikov-De Haas) qui s’annule pour ν entier et les plateaux de la résistance Hall de valeur e2hν .
Fig. 1.4 – Représentation schématique d’une croix de Hall. Lorsque l’on impose le courant I entre les contacts de drain D et de source S, on peut mesurer la résistance longitudinale Rxx liée à la différence de potentiel entre les contacts 1 et 2, Rxx = V1−V2 ainsi que la résistance Hall, Rxy = V1−V3 .
L’Effet Hall Quantique entier permet, par la suppression de la rétrodiffusion des ondes électroniques, d’augmenter considérablement le libre parcours moyen et la longueur de co-hérence de phase qui peuvent alors atteindre plusieurs centaines de microns. Le temps de cohérence de phase correspondant est de quelques nanosecondes. Si l’on parvient à injecter une unique charge sur un temps subnanoseconde, on peut ensuite effectuer des manipulations cohérentes et effectuer des opérations de logique quantique sur une charge unique.
Des chercheurs du Weizmann Institute for Science [18] ont effectu´ une expérience illus-trant la grande cohérence de phase des ondes électroniques dans le régime d’Effet Hall Quan-tique. Ils ont réalis´ un interféromètre de Mach-Zehnder dans un gaz bidimensionnel d’élec-trons pour un facteur de remplissage ν = 1 (le système est alors purement unidimensionnel, un seul état de bord transporte le courant). Une description schématique de l’interféromètre est représentée sur la figure 1.5 a), ainsi qu’une image réalisée au microscope électronique, figure 1.5 c). Les lames séparatrices sont réalisées à l’aide de contacts ponctuels quantiques réglés à transmission 12 . Les ondes électroniques sont donc transmises vers un des bras de l’interféromètre ou réfléchies vers l’autre avec des probabilités égales. Après des trajets dis-tincts d’une dizaine de microns, les deux bras sont recombinés à l’aide d’un autre contact ponctuel. Comme on peut l’observer sur la figure 1.5 b), la mesure du courant sur une des sorties exhibe des oscillations très prononcées lorsque l’on varie le déphasage entre les deux voies. Le déphasage peut ˆetre occasionné par l’application de tensions négatives sur une grille située à une centaine de nanomètres au dessus du gaz (grilles MG1 et MG2 sur la figure 1.5 a)), le trajet des électrons est alors modifié, de mˆeme que la phase accumulée. On peut obtenir le mˆeme résultat par la dérive naturelle du champ magnétique au cours du temps qui varie le flux Aharonov-Bohm entre les deux trajets. Les effets d’interférences quantiques se manifestent donc toujours de manière très spectaculaire après des trajets d’une dizaine de microns dans un gaz bidimensionnel d’électrons.
L’Effet Hall Quantique permet donc d’augmenter la longueur de cohérence de phase élec-tronique et de bien contrˆoler le trajet des électrons dans un circuit le long des bords. C’est donc le régime idéal pour la manipulation cohérente des charges électroniques uniques.
Nous avons vu dans cette section quelques manifestations de la nature quantique du transport électronique dans les gaz bidimensionnels. Je vais maintenant décrire les principes gouvernant la manipulation de charges uniques et présenter notre dispositif qui permet l’in-jection contrˆolée d’un électron dans un canal de bord de l’Effet Hall Quantique.
Dispositifs à un électron
Si la manipulation d’un unique électron est facile à réaliser dans le vide [19], le contrˆole du courant électrique à l’échelle de la charge elémentaire dans la matière est plus difficile. Les électrons se comportent alors comme un fluide et le caractère discret de la charge est très difficile à mettre en évidence. Si l’on considère une capacité C portant une charge q reliée à la différence de potentiel U entre les deux armatures : U = Cq . Cette charge q varie continˆu-ment avec la différence de potentiel U et peut ˆetre une fraction ǫ arbitrairement petite de la charge elémentaire. En effet, soit S la surface de l’armature de la capacité, un déplacement δ de l’ensemble du fluide électronique par rapport à sa position d’équilibre génère une charge q = ρSδe = ǫe sur l’armature, où ρ est la densit´ d’électrons. Le courant électronique ne révèle pas naturellement la nature discrète des porteurs de charge dans un circuit électronique.
Afin d’observer la granularité de la charge, il est nécessaire d’utiliser un dispositif ne reposant pas sur le transfert continu de charge mais sur le transfert discret. Une jonction tunnel constituée d’une petite région isolante de quelques nanomètres (voir figure 1.6 a)) séparant deux parties conductrices d’un circuit permet le transfert d’électrons un par un par effet tunnel. Si l’on applique une différence de potentiel V aux bornes de cette jonction, le courant I = VR est constitué du transfert de charges discrètes se produisant en moyenne tous les ReV ( R est la résistance de la barrière reliée à la transmission des ondes électroniques qui dépend elle mˆeme de la longueur de la région isolante). On peut observer sur la figure 1.6 la représentation schématique d’une telle jonction constituée d’une résistance tunnel en parallèle d’une capacité Cj . En effet, cette jonction est analogue aux deux plaques d’un condensateur admettant un courant de fuite par effet tunnel. De telles barrières ont permis de mettre en évidence la granularité de la charge en mesurant le bruit de grenaille du courant [20] (voir aussi la revue [21]). Toutefois, les processus tunnel interviennent de manière aléatoire, il est impossible avec une simple barrière de réaliser le transfert contrˆolé d’un nombre quantifié de charges.
Si l’on considère un conducteur isolé, la charge totale portée par ce conducteur est quan-tifiée. Si l’on cherche à extraire des charges une par une de ce conducteur pour réaliser une source de charges quantifiées, il est nécessaire de coupler très faiblement ce conducteur au reste d’un circuit électronique. A l’équilibre à la température T , le reste du circuit se com-porte comme un réservoir dont les fluctuations thermiques de charge tendent à supprimer la quantification de la charge. Deux effets vont permettre de rendre cette quantification robuste aux fluctuations :
– le confinement quantique qui oblige à payer une énergie Δ égale à l’écart entre niveaux pour ajouter une charge dans le conducteur. On parle alors de blocage de Pauli car ce coˆut energétique est lié à l’impossibilité d’entasser les électrons dans un mˆeme état.
– les interactions entre électrons qui obligent à payer l’énergie électrostatique ou encore énergie de Coulomb Ec = eC2 . On parle de blocage de Coulomb.
En raison de ces deux effets, l’énergie Δ∗ = Δ + eC2 nécessaire pour ajouter ou soustraire une charge de la boite peut excéder les fluctuations thermiques de charge déterminées par kB T . On appelle cette énergie l’énergie d’addition de la boite. Afin de maximiser les effets de blocage de Pauli et de blocage de Coulomb, il est nécessaire d’utiliser des conducteurs de très petite taille. On parle de boites quantiques dans les dispositifs semiconducteurs pour lesquels l’écart entre niveaux Δ joue un rˆole important. On parle de boites ou ilots métalliques dans les métaux pour lesquels seul le blocage de Coulomb intervient.
Je vais décrire dans cette section les premiers dispositifs à un électron développés depuis une quinzaine d’années qui ont permis de mettre en évidence la quantification de la charge dans les circuits électroniques et générer un courant quantifié d’une charge à intervalles ré-guliers, cette description est très largement inspirée de la référence [22].
Je présenterai tout d’abord le plus simple des dispositifs permettant le transfert de charges quantifiées, la boite à électrons constituée d’un ilot couplé au reste du circuit par une seule jonction tunnel. Ce dispositif modèle à une jonction ne permet pas la circulation d’un courant continu ou basse fréquence, des dispositifs plus complexes ont donc et´ etudiés expérimen-talement. Je présenterai le dispositif le plus simple permettant la circulation d’un courant continu, il est constitué d’un ilot couplé au reste du circuit par deux barrières tunnel, il est dénomm´ transistor à électron unique (SET en anglais) et constitue le meilleur électromètre existant actuellement. Son équivalent dans les gaz bidimensionnels d’électrons est la boite quantique. Afin de réaliser une source de courant continu permettant le transfert contrˆolé de charges discrètes à intervalles réguliers, il faut encore complexifier le système et considérer des dispositifs à deux ilots et trois barrières tunnel, appelés pompes à électron. Elles feront l’objet de la troisième partie de cette section. Enfin, je présenterai notre système injecteur de charges, la boite quantique à électrons.
La boite à électrons
La boite à électrons est constituée (voir figure 1.7) d’un ilot (ou boite) pouvant transférer des charges au reste du circuit par une barrière tunnel et couplé électrostatiquement par une capacité C à une source de tension U qui permet de varier le potentiel de la boite. Cette capacité C étant complètement isolante, l’ilot ne peut ˆetre traversé par un courant continu, on peut donc faire le schéma électrostatique équivalent suivant du circuit (figure 1.7). Les charges q et qj peuvent prendre des valeurs arbitraires. En revanche, puisque l’ilot est très faiblement couplé au reste du circuit par la jonction tunnel, la charge totale en excès sur l’ilot égale à la différence q − qj est un multiple entier de la charge elémentaire, q − qj = N e. L’énergie électrostatique des deux condensateurs connectés à une source de tension U est donnée par :
(N e − CU )2
E(N ) = (1.6)
où on a omis des termes indépendants de N . CΣ = C + Cj est la capacité totale de l’ilot.
Afin de déterminer le nombre d’électrons N en excès sur l’ilot, il faut minimiser le grand potentiel thermodynamique : Ω(N) = X ǫi + E(N ) − (N0 + N )Ef (1.7) i=1
Ef est l’énergie de Fermi du réservoir et ǫi est l’énergie du ime niveau dans la boite. N0 est le nombre d’électrons dans la boite à tension de grille U = 0. Selon la valeur de la tension de grille U une ou deux valeurs de N minimisent le potentiel. Pour une seule valeur de N minimisant le potentiel, la charge est stable et le transfert de charges de la boite au réservoir est interdite. Lorsque deux valeurs consécutives le minimisent, on peut varier la charge de la boite et transférer des charges de la boite au réservoir. Cette situation se produit lorsque Ω(N ) = Ω(N − 1), la charge de la boite peut alors varier entre N − 1 et N . Cette condition impose pour la tension UN vérifiant cette condition : ǫN0+N + (N − ) − eUN = Ef (1.8)
Afin de transférer une nouvelle charge à la boite, il faut varier la tension U de UN à UN +1 vérifiant :
1 ) e2 − C eUN +1 = Ef (1.9) ǫN0+N +1 + (N + 2 CΣ CΣ
L’écart en tension de grille entre ces deux états est alors de : e(UN +1 − UN ) = CΣ (ǫN0+N +1 − ǫN0+N ) + e2 (1.10)
En introduisant l’écart entre niveaux Δ = ǫN0+N +1 − ǫN0+N , on obtient : UN+1 − UN = (1 + ) = (1.11) C e2/CΣ C C où on a introduit la capacité électrochimique de la boite C définie par : e2 = Δ + e2 . La capacité électrochimique C résulte de l’addition en série de la capacité géométrique CΣ et d’une capacité reliée à la densit´ d’états dans la boite que nous appellerons capacité quan-tique Cq = eΔ2 . Dans les systèmes métalliques, la capacité quantique est infinie et elle ne joue aucun rˆole. Dans les systèmes semiconducteurs en revanche, sa contribution est essentielle.
En partant d’une charge en excès nulle à tension de grille U nulle, on peut transférer un quantum de charge du réservoir à la boite et passer ainsi de N − 1 à N chaque fois que la tension de grille U est égale à : UN = (N− 1 ) CΣ e (1.12)
Entre ces valeurs, la charge de la boite est stable. On a representé sur la figure 1.8 l’évolution -2(Δ + e 2 ) – ( Δ CΣ n 2 + e 2 ) 1 CΣ 0 0 ( Δ + e 2 ) 2(Δ+ e 2 )e CU -1 CΣ CΣ C Σ -2 de la charge moyenne de l’ilot lorsque l’on varie la tension U . La charge décrit des paliers successifs de charge quantifiée.
Lorsque la charge est fixe, par exemple N = 0 pour U = 0, les conditions permettant de rajouter ou soustraire une charge sont données par :
ǫN+1 + e2 = Ef + C eU (1.13)
2C CΣ
ǫN−1 − e2 = Ef + C eU (1.14)
2C CΣ
Il faut donc varier le potentiel électrochimique de ±12 (Δ + eC2 ) pour ajouter ou soustraire une charge au lieu de Δ2 pour un système sans blocage de Coulomb. L’énergie de Coulomb ouvre un gap de valeur eC2 au niveau de l’énergie de Fermi (voir figure 1.9).
Le coˆut energétique Δ∗ = Δ + eC2 nécessaire pour passer de N − 1 charges à N charges est appel´ énergie d’addition. C’est ce gap égal à l’énergie d’addition qui protège la quanti-fication de la charge des fluctuations thermiques. Ces effets ne subsistent donc que lorsque kB T << Δ∗. Dans le cas contraire, on retrouve une variation linéaire de la charge de l’ilot avec la tension U (courbe en pointillés de la figure 1.8).
La boite à électron est le dispositif le plus simple permettant de contrˆoler le transfert de charges vers le réservoir électrons par électrons. Toutefois, étant couplé capacitivement, il ne permet pas le transport du courant continu.
Le transistor à électron unique
Le dispositif le plus simple permettant la circulation d’un courant continu au travers de l’ilot est représent´ sur la figure 1.10, il est constitué de deux barrières tunnel entre lesquelles on applique une différence de potentiel V permettant la circulation du courant.
Nous supposerons que la tension appliquée est très faible : >> eV → 0. Par ailleurs, l’ilot est couplé électrostatiquement par une capacité C à une source de tension U qui permet de modifier le potentiel de la boite. Si N charges en excès sont présentes sur l’ilot, la circulation du courant peut se faire suivant deux procédés.
– un électron peut traverser la jonction 1 et entrer dans la boite puis quitter la boite par la jonction 2. On a alors la séquence N → N + 1 → N .
– un électron peut quitter la boite par la jonction 2 puis un électron entre dans la boite par la jonction 1. On a alors la séquence N → N − 1 → N .
Pour obtenir un courant non nul, il faut donc que charges soient équiprobables. Ceci se produit pour UN les états à N et N + 1 (ou N − 1) = (N − 12 ) CCΣ Ce . En dehors de ces valeurs (lorsque la charge de l’ilot est fixe), le transfert des électrons est bloqué et le courant est nul.
On a tracé sur la figure 1.11 l’évolution de la charge moyenne et du courant en fonc-tion de la tension de grille U. On observe une alternance de pics de courant non nul pour U=(N 1 CΣ e CΣ e pics −2)C C et de vallées de courant nul pour U = N C C . La périodicit´ entre de courant correspond à une variation du potentiel chimique égale à l’énergie d’addition Δ .
Grˆace à ces dispositifs, la quantification de la charge est visible par la mesure de la conduc-tance du système. La seule contrainte est de limiter les fluctuations thermiques de charge : kB T << e2 . Cette condition est d’autant plus facile à satisfaire que l’ilot est de petite taille.
Pour des échantillons métalliques ou semiconducteurs obtenus par les méthodes de nanofabri-cation modernes, on peut obtenir des capacités de qq 100 attoFarrad pour des tailles typiques de quelques centaines de nanomètres. Pour les échantillons etudiés dans cette thèse, les ca-pacités en jeu s’ont de l’ordre du femtoFarad et les énergies de charge correspondantes de l’ordre du Kelvin. L’observation de la quantification de la charge nécessite donc l’obtention de très basses températures à l’aide de réfrigérateurs à dilution. Les premières observations nettes liées à l’impossibilité d’ajouter ou de soustraire une charge d’un ilot ont et´ réalisées en 1987 [23, 24] dans des jonctions métalliques d’Aluminium à la température de 1K. Les premières prédictions théoriques ont et´ réalisées dans le mˆeme temps [25] et ces effets de blocage de transfert de charges ont et´ baptisées blocage de Coulomb.
Dans les systèmes métalliques, l’écart entre niveaux est nul et les effets de cohérence de phase de la fonction d’onde ne jouent aucun rˆole (si on exclue les systèmes supracon-ducteurs [26, 27] pour lesquels la phase de la fonction d’onde supraconductrice joue un rˆole prépondérant). Dans ce cas, il n’y a pas de corrélations entre l’entrée d’une charge dans la boite et la sortie d’une charge. On parle d’effet tunnel séquentiel.
On peut réaliser l’analogue de l’ilot métallique isolé dans un gaz bidimensionnel d’élec-trons en pla¸cant deux contacts ponctuels en série. On peut alors réaliser une boite quantique (voir figure 1.12). Si les deux contacts sont pincés, la boite est isolée du reste du circuit et les électrons occupent des niveaux d’énergie discrets. Pour une boite de taille submicronique, l’écart entre niveaux Δ est de l’ordre de 100 eV largement supérieur aux températures de quelques dizaines de milliKelvins accessibles dans un réfrigérateur à dilution. Ce spectre dis-cret intervient donc dans le transport électronique et sa contribution à l’énergie d’addition ne peut ˆetre négligée. Tout se passe comme si la capacité totale C de la boite résultait de deux capacités en série : la capacité géométrique CΣ habituelle et la capacité quantique.
La première observation de la quantification de la charge d’une boite quantique a et´ réalisée en 1990 [28]. L’action conjuguée des effets de blocage de Coulomb et de confinement quan-tique sur la conductance a ensuite fait l’objet de nombreuses études expérimentales [29–32] et théoriques [33–35]. Le spectre de niveaux discrets se traduit par exemple dans le transport non linéaire ou dans les effets de cotunneling inélastique [36]. Lorsque la transmission n’est pas trop basse, dans la situation résonnante où le transport se fait par un unique niveau d’énergie, la cohérence de phase est préservée entre l’entrée et la sortie de l’électron de la boite ce qui se traduit par une augmentation de la conductance [37–39]. On parle alors de régime cohérent par opposition au régime séquentiel observ´ dans les dispositifs métalliques ou à plus basse transmission.
Un intéret très important des dispositifs de type SET est, comme on peut le voir sur la figure 1.11, de passer d’un état de conductance nulle à un état de conductance elevée pour des variations de la tension de grille U correspondant à une fraction de la charge elémentaire sur la capacité C. Ce sont donc d’excellents détecteurs de charge (les meilleurs électromètres existant actuellement [40, 41]). Ils permettent la détection d’une charge unique en temps réel avec une résolution temporelle de l’ordre de la microseconde [42]. Un électron parvient à contrˆoler le transport d’un courant dans l’échantillon pouvant aller jusqu’à 109 électrons par seconde. Le transport des charges dans l’ilot en régime passant est toujours aléatoire. Si l’on considère la séquence N → N + 1 → N traduisant le transfert d’une charge de l’électrode de gauche vers l’électrode de droite. La réalisation d’une source d’électrons contrˆolée nécessiterait d’ˆetre capable de conserver la N + 1e charge dans la boite pendant une durée arbitraire avant de la relˆacher vers l’électrode de droite à un instant voulu. Dans le régime de blocage de Coulomb, l’état N + 1 est inaccessible tandis que lorsque le blocage est levé, il est impossible de garder les charges sur l’ilot. Ce dispositif repose bien sur la quantification de la charge mais il ne permet pas la réalisation d’une source d’électrons uniques, en particulier, le courant est bruyant.
Pompes à électrons
Pour réaliser une telle source, il suffit de placer deux boites en série. On peut alors conser-ver un électron dans la première pour une durée arbitraire. Si le premier ilot est dans une configuration passante, une charge quitte l’électrode de gauche par effet tunnel. Mais si l’ilot de droite est en régime de blocage de Coulomb, la charge reste piégée sur le premier ilot. Par le bon enchainement des variations des tensions U1 et U2, on peut assurer le transfert contrˆolé d’un électron de l’électrode de gauche vers l’électrode de droite On peut alors rép´-ter ce processus avec une fréquence d’horloge f et réaliser une source injectant de manière contrˆolée un électron par période : I = ef . Un tel dispositif constitué de deux ilots et trois jonctions est représent´ en figure 1.13, il est appel´ pompe à électrons. Le fonctionnement de la pompe à électron est en fait un peu plus complexe que la brève description faite plus haut. S’il parait clair qu’un tel dispositif permet de conserver une charge sur le premier ilot pendant une durée déterminée, il n’est pas évident qu’il existe une combinaison des tensions U1 et U2 permettant de réaliser le transfert d’une unique charge par cycle sans evénements parasites. On peut s’en convaincre en étudiant le diagramme de stabilité de ce dispositif (voir figure 1.14a)), c’est à dire la valeur des charges N1 et N2 sur les deux ilots qui minimisent l’énergie du système en fonction des valeurs des tensions de grille. C’est l’analogue de la figure 1.8 pour un dispositif à deux ilots et deux tensions de grille de contrˆole.
On peut observer sur la figure 1.14 a) une structure en nids d’abeille. Dans chaque hexa-gone, la charge de chaque ilot est fixe et ne fluctue pas, les deux chiffres représentés désignent les valeurs de N1 et N2.
Table des matières
1 Transport quantique et quantification de la charge
1.1 Introduction
1.2 Transport quantique dans les gaz bidimensionnels d’électrons
1.2.1 Contact Ponctuel Quantique et quantification de la conductance
1.2.2 Effet Hall Quantique Entier
1.3 Dispositifs à un électron
1.3.1 La boite à électrons
1.3.2 Le transistor à électron unique
1.3.3 Pompes à électrons
1.3.4 Conclusion : la boite quantique à électrons comme injecteur de charges
2 Description du dispositif expérimental
2.1 Introduction
2.2 Description des échantillons
2.3 Chaine de mesure hyperfréquence
2.3.1 Chaine d’excitation
2.3.2 Chaine de détection
2.4 Détection du courant hyperfréquence
2.4.1 Mesure de la premi`ere harmonique du courant
2.4.2 Mesure du courant dans le domaine temporel
3 Mesures hyperfréquences d’une capacité mésoscopique : régime linéaire
3.1 Introduction
3.2 Théorie du circuit RC mésoscopique sans interactions
3.2.1 Conductance de la capacité mésoscopique
3.2.2 Mod`ele de densité d’états dans la boite
3.3 Résultats expérimentaux
3.3.1 Discussion qualitative des résultats
3.3.2 Calibration
3.3.3 Mesures quantitatives, Rq = h/2e2
3.3.4 Confrontation au mod`ele à différentes fréquences
3.3.5 Blocage de Coulomb
3.3.6 Mesures à champ magnétique nul
3.4 Conclusion
4 Régime non-linéaire de la capacité mésoscopique (théorie)
4.1 Introduction
4.2 Théorie de diffusion du régime non-linéaire
4.2.1 Expression du courant ˆI(t) dans le conducteur
4.2.2 Calcul de la premi`ere harmonique du courant pour une excitation en créneau
4.2.3 Développement basse fréquence
4.2.4 Cas d’un créneau de valeur moyenne non nulle
4.3 Mod`ele simple de densité d’états et régime non-linéaire
4.3.1 Partie imaginaire du courant dans la limite capacitive
4.3.2 Partie réelle du courant dans la limite capacitive
4.3.3 Courant dans les régimes intermédiaire et résistif
4.4 Conclusion
5 Mise en évidence expérimentale de la quantification du courant alternatif
5.1 Introduction
5.2 Mesure de la premi`ere harmonique du courant Iω
5.2.1 Observation de la quantification du courant
5.2.2 Calibration des plateaux de courant, Iω = 2ef
5.2.3 étude de la partie réelle du courant
5.2.4 Modélisation théorique des résultats
5.2.5 Calibration de la phase absolue du signal
5.2.6 Mesure du temps de sortie par effet tunnel
5.2.7 Représentation du courant en niveaux de couleurs
5.3 Mesures résolues en temps
5.3.1 Forme théorique du courant à 16 harmoniques impaires
5.3.2 Injection d’électrons dans le domaine temporel
5.3.3 Confrontation des mesures à l’ajustement exponentiel
5.4 Interprétation qualitative des variations du temps de sortie par les interactions
5.4.1 Déviations de la partie réelle pour Rnl
q Cnl
q ω << 1
5.4.2 Mod`ele de boite à deux niveaux
5.4.3 Inclusion ad hoc des interactions dans le régime non-linéaire
5.5 Conclusion
A Mesures de Hall effectuées sur les échantillons
B Calcul de la conductance hyperfréquence du circuit RC quantique
C Calcul des harmoniques supérieures