Transition énergétique et Plan Solaire Méditerranéen

Transition énergétique et Plan Solaire Méditerranéen

Le PSM : une réussite en demi-teinte

Cette section se focalise sur un des volets majeurs du PSM : l’exportation d’une partie de l’électricité d’orgine renouvelable produite au Sud de la rive méditerranéenne vers l’UE, afin de montrer la manière dont l’approche du PSM s’adapte et se réajuste après la désapprobation du « Master Plan » en décembre 2013. Après avoir évoqué l’émergence du PSM au sein d’un cadre politique régional nouveau, l’UpM, ses continuités et ruptures avec le Partenariat de Barcelone, ainsi que les divergences franco-allemandes autour de l’approche du PSM (A), nous en venons à cette perspective d’exportation. Elle fait écho aux négociations européennes sur le « Paquet énergie-climat » adoptées en 2008. Des dispositifs pour garantir la concrétisation du PSM sont créés ou mis à jour tels que le projet « MedRing » (B). Pour autant, la perspective d’exportation de l’électricité d’origine renouvelable est provisoirement mise en échec. Nous en explicitons les causes (C). 

L’UpM : l’avènement du PSM

La proclamation de l’UpM : continuités et ruptures avec le Partenariat de Barcelone. L’Union pour la Méditerranée (UpM) a été lancée le 13 juillet 2008 lors du Sommet de Paris. Elle regroupe 43 pays, dont les 28 États membres de l’UE et 15 autres pays 0. La Libye qui avait un statut d’observateur dans le cadre du Processus de Barcelone le conserve après 2008. Mouammar Khadafi, ancien Chef de l’État libyen, a en effet boycotté la rencontre et fermement critiqué le projet. Depuis la chute de Khadafi en octobre 2011, cependant, le pays assiste plus régulièrement aux réunions de l’UpM. La Syrie quant à elle a suspendu sa participation à l’UpM le 30 novembre 2011 suite aux sanctions prises par l’UE. La Ligue des États Arabes assiste, par ailleurs, aux réunions à tous les niveaux : sommets, réunions ministérielles et réunions de hauts fonctionnaires131 . L’UpM s’étend au final sur une superficie de 12,5 millions de km2 , et englobe une population de près de 800 millions d’habitants. Avant le lancement officiel de l’UpM, les conceptions d’un Partenariat euroméditerranéen renouvelé sont très partagées. En effet, la Présidence française souhaitait au départ créer une UpM regroupant uniquement les pays d’Europe du Sud ainsi que les pays sudméditerranéens. Mais, l’Allemagne s’opposa catégoriquement à cette proposition, qui exclut non seulement les pays du Nord de l’Europe mais aussi les instances de l’UE. Le désaccord a pris fin avec l’accord franco-allemand du 3 mars 2008 et c’est la conception allemande qui s’est finalement imposée (Carafa, 2015). À la suite de cet accord, la décision a été explicitement prise de faire reposer l’UpM sur les acquis du Processus de Barcelone (Telle, 2009). En effet, la décision de principe du Conseil européen du 14 mars 2008 a adopté le format institutionnel suivant : « Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée ». L’UpM prolonge certes le Partenariat de Barcelone, mais s’en distingue en cela qu’elle est une union de projets pour « faire de la Méditerranée le plus grand laboratoire au monde du co-développement » (Camau, 2010, p. 91). Elle part de plusieurs constats, et parmi eux, celui que la marginalisation de la Méditerranée s’aggrave : d’un point de vue économique, l’écart de richesses entre le Nord et le Sud est le plus élevé au monde entre deux espaces pourtant contigus (l’écart de PNB/an/hab varie de 1 à 10). Dans l’espace euromaghrébin, l’écart des inégalités entre le Nord et le Sud est net [cf. tableau 11]. En termes de revenu national brut par habitant (RNB/hab) par exemples, l’écart entre les deux côtés va en moyenne du simple au décuple. 

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 L’avènement du PSM

■ L’émergence du PSM : des conceptions françaises et allemandes divergentes. Suite à l’intégration de l’Allemagne dans l’UpM en mars 2008, l’engagement est pris d’étudier la faisabilité et la mise en œuvre d’un PSM. Mais, lors des négociations, deux voies sont proposées, là encore franco-allemandes : les hauts responsables allemands désirent que le PSM joue un rôle pivot dans le sens d’une plus grande convergence réglementaire entre les deux rives de la Méditerranée. Les technocrates français défendent une approche plus pragmatique et plus technologique qui fait reposer le PSM sur des « niches » technologiques (Carafa, 2015). Si l’on s’en réfère au modèle geelien, la réussite du PSM selon la conception française requiert ainsi au départ le lancement de projets pilotes à un niveau micro, qu’il est nécessaire de préserver et de mettre en œuvre en dehors du système énergétique dominant  carboné, à l’abri de la pression des marchés. Si ces projets sont un succès, ils sont susceptibles d’entrainer un véritable changement de paradigme. Suivant la conception choisie, les enjeux en termes politiques, réglementaires mais surtout techniques, industriels et financiers sont très différents. En 2008, le tissu industriel français dans le domaine des énergies renouvelables est en cours de constitution, alors qu’il est déjà développé en Allemagne, le pays fait office de leader mondial dans les secteurs de l’éolien et du solaire. L’engagement politique français en faveur des énergies renouvelables a d’ailleurs été sujet à débat tant il était en contradiction avec l’option nucléaire du pays (Evrard, 2013). Les intérêts commerciaux de la France vis-à-vis du PSM, portés par une équipe en charge de sa préparation, formée au sein de la Direction Générale de l’Énergie et du Climat (DGEC), paraissaient donc moins importants (Lorec, Schramm, 2009). Néanmoins, en France, le soutien aux énergies renouvelables a depuis été confirmé au niveau national (tarifs de rachat garantis, appel d’offres)132 . ■ De la conception politique aux objectifs chiffrés. Lors du Sommet de Paris, le PSM a été approuvé par les 43 membres de l’UpM. Le PSM agit tout à la fois sur l’offre, en proposant d’augmenter les capacités de production d’électricité bas carbone et sur la demande, en posant des objectifs en termes d’efficacité et de maîtrise énergétique. Il prévoit notamment : ▬ [1] La construction de capacités additionnelles de production d’électricité d’origine renouvelable dans les PSEM – en particulier des énergies solaire et éolienne – d’une puissance totale de 20 GW à l’horizon 2020 ; ▬ [2] La production électrique est dédiée à une consommation « locale » mais une partie est destinée à l’exportation vers l’UE afin d’assurer la rentabilité des projets. Cette perspective induit par conséquent une nouvelle planification des réseaux électriques et le développement des interconnexions entre les PSEM et les pays membres de l’UE. L’objectif est d’exporter vers l’UE 5 GW d’énergie électrique d’origine renouvelable (Meslier, Palat, 2009) ; ▬ [3] Le développement de mesures d’efficacité énergétique et de maîtrise de la demande énergétique (avec un objectif de 20% d’économies d’énergie en 2020 par rapport à 2005) ; ▬ [4] L’instauration de cadres législatifs, réglementaires, institutionnels et organisationnels adaptés au développement à grande échelle de projets durables dans la zone. 

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