Transformer l’agriculture africaine pour en améliorer la compétitivité
L’agriculture reste un secteur économique important en Afrique. Même si son poids dans l’économie diffère largement d’un pays de la région à l’autre, elle demeure vitale dans la plupart. Elle contribue à hauteur de 2,4 pour cent au PIB de la Guinée équatoriale et de 70 pour cent à celui du Libéria1, avec une moyenne de 15 pour cent pour l’ensemble du continent. Le recul de sa part dans le produit intérieur brut (PIB) est un signe de faiblesse de la productivité et de la valeur ajoutée des produits agricoles de base, pour un secteur qui emploie 50 pour cent de la population active (chapitre 1.1, graphique 4), dont 47 pour cent de femmes.2 L’agriculture reste la principale source de revenus de la population rurale, avec, selon les estimations, 64 pour cent du total. Plusieurs cultures vivrières de base (maïs, riz, sorgho, mil, manioc, ignames, patates douces, etc.) et quelques cultures commerciales traditionnelles (café, coton, cacao, palmier à huile, sucre, thé et tabac) dominent le secteur agricole africain. Ce dernier se caractérise aussi par un pourcentage élevé de petits producteurs (80 pour cent), qui font pousser des cultures vivrières de base à faible rendement sur de petites parcelles en utilisant très peu d’intrants. Ces exploitations sont tributaires des eaux pluviales, et la production est soumise aux aléas climatiques. Malgré l’importance de ce secteur, sa productivité reste médiocre et menace la productivité et la sécurité alimentaire de l’ensemble du continent. En Afrique, elle est considérablement en retard sur celle des autres régions en développement (graphique 1 pour les rendements céréaliers et chapitre 1.1, graphique 5a) et, contrairement à d’autres régions du globe, le continent n’a pas profité de la révolution verte.3 Malgré l’abondance de ses ressources naturelles, et en particulier de ses vastes étendues de terres arables, l’Afrique affiche l’incidence la plus élevée au monde pour la malnutrition (qui touche près d’une personne sur quatre, selon les estimations). Elle importe pour environ 25 milliards de dollars EU par an de denrées de base, essentiellement parce que ses systèmes de production, d’approvisionnement et de consommation fonctionnent de manière sous-optimale. La valeur ajoutée et la transformation des matières premières agricoles sont faibles et, en Afrique subsaharienne, les pertes après récolte avoisinent 30 pour cent de la production totale, ce qui signifie que la région perd plus de 4 milliards de dollars EU chaque année.
LES OBSTACLES À LA RÉVOLUTION VERTE EN AFRIQUE
La révolution verte a profité à la plupart des régions du monde, en particulier à l’Asie de l’Est, qui a réussi en 25 ans à dégager des excédents alimentaires. C’est l’Asie qui en profité le plus, avec des hausses significatives de ses rendements céréaliers (graphique 1).
Transformer l’agriculture africaine pour en améliorer la compétitivité 1960 et 1990
Mus par la volonté politique d’assurer leur autonomie alimentaire, les pays d’Asie ont doublé leur production de céréales entre 1970 et 1995, tandis que la superficie totale des cultures céréalières n’a augmenté que de 4 pour cent.12 Ces pays ont tiré les leçons de l’expérience de l’Inde et plusieurs facteurs expliquent ce succès.13 Premièrement, l’adoption de variétés de semences à haut rendement a permis une forte augmentation de la production de céréales alimentaires, en particulier le blé et le riz. Deuxièmement, l’utilisation de pesticides a favorisé la hausse des rendements, même si cela s’est fait aux dépens de l’environnement, comme nous le verrons plus loin. Troisièmement, la disponibilité et l’expansion des infrastructures agricoles, telles que les systèmes d’irrigation, les machines, les services de vulgarisation et des infrastructures plus vastes (réseaux de transport et de communication ou installations de stockage et d’entreposage), ont été propices à la révolution verte. Quatrièmement, la diffusion des bonnes techniques de gestion des cultures et des sols, comme les cultures multiples, ont favorisé la révolution verte. Cinquièmement, le crédit agricole et la réforme agraire ont été déterminants pour améliorer la productivité agricole. Les banques coopératives ont accordé des facilités à court terme, et les banques de développement ont proposé des crédits à long terme. Ces évolutions se sont accompagnées de réformes agraires visant à renforcer la propriété foncière et à accorder aux agriculteurs des droits sur les terres, ce qui leur a permis d’accéder aux facilités de crédit.