TRANSFERT RADIATIF DANS LES NUAGES DE COUCHE LIMITE HÉTÉROGÈNES
Le transfert radiatif
La section précédente traite du premier acteur de l’interaction nuage-rayonnement dans la couche limite : le nuage. Il manque à présent le second : le rayonnement. Chapitre 1 – Bases théoriques et état de l’art 35 Cette partie pose les bases théoriques et les notions élémentaires nécessaires à l’appréhension des processus liés au transfert radiatif atmosphérique en milieu nuageux. Outre l’équation fondamentale du transfert radiatif, les définitions relatives aux différents paramètres utilisés dans le cadre de l’interaction nuage-rayonnement sont posées. Nous présentons ensuite brièvement les rôles respectifs dans le transfert radiatif des différents constituants atmosphériques. Les paramètres radiatifs spécifiques aux nuages sont détaillés en fin de section.
Les sources de rayonnement
Le transfert radiatif décrit l’altération d’un flux lumineux à travers un milieu qui interagit avec celui-ci. Dans le cas du transfert radiatif dans l’atmosphère, il s’agit de décrire l’interaction entre les photons issus de nos deux sources lumineuses principales : le soleil et la surface de la terre, avec les particules et les gaz constituant l’atmosphère terrestre. L’intensité par unité de temps et d’angle solide du rayonnement émis par ces deux sources dépend de la longueur d’onde considérée et la température de surface de la source, suivant la loi de Planck (1901) : ( ) exp 1 2 2 ⎟ − ⎠ ⎞ ⎜ ⎝ ⎛ = λKT hc λ hc TB 5 λ W.m-2.str-1.µm-1 où λ est la longueur d’onde, T la température en °K, h la constante de Planck (6,62.10-34 Js), K la constante de Boltzmann (1,38.10-23 J.K-1) et c la vitesse de la lumière dans le vide (2,996.108 m.s-1). Avec une température de surface d’environ 5800 °K, le soleil émet principalement entre 0.2 µm et 5 µm de longueur d’onde, avec un maximum vers 0.55 µm. Beaucoup plus froide, environ 290 °K, la terre émet au-dessus de 3 µm, avec un pic autour de 10 µm. De sorte que selon la partie du spectre considérée dans le transfert radiatif, on peut négliger une des deux sources (solaire ou tellurique), en dehors de la zone de recouvrement entre 3 µm et 5 µm.
Nature de l’interaction particules/rayonnement
Les flux de photons émis par les sources de rayonnement interagissent avec les particules atmosphériques; celles-ci peuvent être des molécules de gaz, des particules d’aérosols, des gouttelettes d’eau nuageuses, etc. Lorsque qu’un photon incident interagit avec une particule atmosphérique, celui-ci est soit absorbé, soit diffusé. L’absorption survient si la particule peut passer à un niveau d’énergie supérieur en absorbant l’énergie du photon. Il y a diffusion si les interactions entre la particule et le photon changent la direction initiale du photon, ce qui définit l’angle de diffusion. L’interaction entre la particule et le Chapitre 1 – Bases théoriques et état de l’art 36 rayonnement est de nature électromagnétique et est régie par les équations de Maxwell (1865). On distingue deux régimes d’interaction particule/photon : Si la taille de la particule est petite devant la longueur d’onde du photon, on peut assimiler la particule à un dipôle électrique. On montre que la puissance diffusée est proportionnelle à λ-4 (ce qui explique la couleur bleue du ciel), et faiblement dépendante de l’angle de diffusion; on parle alors de la diffusion de Rayleigh, du nom de son inventeur, J.W.Strutt, Lord Rayleigh (1871). Si la taille de la particule est grande devant la longueur d’onde, la dépendance spectrale de la diffusion devient négligeable, alors que la dépendance angulaire devient importante. La théorie de la diffusion dans ces conditions a été formalisée par Mie (1908) suivant une approche similaire à celle de Rayleigh, mais en considérant un grand nombre de dipôles qui interfèrent entre eux.
Propriétés optiques des particules
Les deux théories décrivant les interactions particules/rayonnement permettent de calculer les propriétés optiques inhérentes à la particule, indépendamment du flux lumineux incident. La particule est ici considérée homogène et sphérique. L’élément constitutif de la particule est caractérisé par un indice de réfraction complexe n = n’ + i n » dont la partie imaginaire représente la capacité d’absorption du milieu. La particule est caractérisée par une efficacité d’extinction Qext, une efficacité de diffusion Qs et une efficacité d’absorption Qa, fonctions de l’indice de réfraction, de la longueur d’onde et de la taille de la particule. En multipliant ces coefficients d’efficacité par la surface apparente de la particule (assimilée à une sphère), on obtient respectivement la section efficace d’extinction, de diffusion et d’absorption. La section efficace d’extinction représente la surface vue par le photon et susceptible d’interagir avec lui. On définit le coefficient volumique d’extinction σe comme le produit de la concentration volumique des particules par leur section efficace, en m-1 : σ Q π ( )drr nr 2 e = ext où r représente le rayon de la particule et n(r)dr sa concentration volumique. On définit de même les coefficients volumiques de diffusion σs et d’absorption σa. Comme le photon ne peut être que diffusé ou absorbé, on a : σ ase σ = σ + Le rapport du coefficient de diffusion sur le coefficient d’extinction, appelé albédo de diffusion simple (ω0), représente la probabilité que le photon intercepté par la particule soit diffusé : σes ω = σ / 0 Chapitre 1 – Bases théoriques et état de l’art 37 Le coefficient d’extinction intégré sur la distance parcourue par le flux de photon à travers le milieu définit l’épaisseur optique τ du milieu, nombre sans dimension qui représente l’atténuation du flux de photon incident avec la distance : ∫ τ = σ ds e La diffusion n’est pas uniforme dans toutes les directions. La fonction de phase décrit la probabilité P(Ω’,Ω) que le photon arrivant suivant la direction Ω'(θ’,φ’) soit diffusé suivant la direction Ω(θ,φ). Compte tenu de la symétrie sphérique de la particule, la fonction de phase ne dépend que de la différence d’angle Θ = θ – θ’, appelé angle de diffusion. La fonction de phase est normalisée, de sorte que : ( ) 1 4 = ∫ π P 4π Ω Θ d
Équation du transfert radiatif
Définition de la luminance
La luminance Lλ est la quantité d’énergie par unité de temps issue d’une source lumineuse de longueur d’onde λ, de surface élémentaire dS et se propageant dans une direction donnée par un angle solide élémentaire dΩ : ( ) θ dΩ d θ,z,y,x,L λ λ cos 2 dS F ϕ = où d2 Fλ est le flux d’énergie par unité de temps (en W), θ l’angle zénithal de la direction du rayonnement par rapport à la normale à la surface, φ l’angle azimutal. La luminance est la grandeur mesurée par un radiomètre, exprimée en W.m-2.str-1. Le terme « radiance », que l’on trouve beaucoup plus communément dans la littérature francophone, est équivalent, bien qu’issue d’un anglicisme. Remarque: Concernant les mesures de surface (ou de nuage) par satellite, pour faciliter les comparaisons, il est utile de corriger les luminances observées des effets de l’angle zénithal solaire. À partir de la luminance, on définit alors la réflectance Rλ(θ0) : ( ) 00 0 cosθ π θ λ λ F L R = où F0 et θ0 désignent respectivement le flux (W/m²) et l’angle zénithal solaire. Ainsi, la réflectance donne une idée de la proportion de rayonnement solaire réfléchi. Attention : il s’agit vraiment de la proportion de rayonnement solaire réfléchi si et seulement si la surface est dite Lambertienne (diffusion isotrope). Si la fonction de phase de la surface (qu’on appelle dans ce cas BRDF pour Bidirectional Reflection Function) n’est pas isotrope, on peut avoir des réflectances supérieures à 100%. Chapitre 1 – Bases théoriques et état de l’art 38 Équation du transfert radiatif dans l’atmosphère L’équation du transfert radiatif tridimensionnel permet le calcul de la luminance Lλ(r,Ω) issue d’un volume élémentaire, à la position r(x,y,z), et qui repart dans la direction Ω(θ,φ) : ( )( ) ( )( ) Ω Ω r,J -r,L L ΩΩ σ λ λ e ∇− , = 1 r J(r,Ω) est appelée fonction source. Dans le cas du transfert radiatif du flux solaire, la fonction source comprend la contribution de la diffusion simple du flux solaire incident F0 diffusé dans la direction Ω(θ,φ), la contribution de la diffusion multiple provenant de toutes les directions de l’espace Ω'(θ’,φ’) et repartant dans la direction Ω(θ,φ), et la contribution de l’émission thermique, à la position r(x,y,z) : ( ) ( ) ( )( ) ( ) ( r λ T π λ /- θτ 0 0 ‘d,’r,PL ω B π ω ,r,P F π ω r,J 0 0 4 0 cos 0 ‘, 1 4 e 4 = + −+ Ω ΩΩ ∫ ΩΩΩΩ ) Le terme e- τ/cosθ 0 représente l’atténuation que subit le flux solaire arrivant dans une direction Ω0(θ0,φ0) en traversant les couches atmosphériques. Rôle des gaz atmosphériques Les principaux gaz présents dans l’atmosphère qui interagissent avec le rayonnement solaire et tellurique sont la vapeur d’eau (sur pratiquement toute la gamme du spectre), l’ozone (surtout entre 0.2 et 0.7µm, avec deux modes de vibration qui forment une petite bande autour de 9.6µm) et le dioxyde de carbone, important pour le rayonnement infrarouge autour de 15µm (gaz à effet de serre). Les autres gaz influant sur le transfert radiatif dans l’atmosphère sont : O2, CO, N2O, NH3, NO, NO2, SO2, N2 et CH4. La quantité de rayonnement interceptée et diffusée par les molécules de gaz atmosphériques dépend de la masse volumique de l’air, et donc de la température et de la pression. Les molécules de gaz sont des particules petites devant les longueurs d’onde du spectre solaire, elles appartiennent au domaine d’application de la diffusion de Rayleigh. Leur fonction de phase (exemple figure 1.2.1) est de la forme P(Θ) = ¾ (1+cos² Θ). L’absorption de photons par la molécule se fait lorsque l’énergie du photon correspond à un changement d’état énergétique de la molécule. Ces états sont quantifiés et correspondent à la transition entre niveaux d’arrangement électroniques (spectre UV et visible) et entre états vibrationnels moléculaires (infrarouge) et états rotationnels moléculaires (infrarouge lointain et micro-ondes). Chaque transition quantifiée correspond à une raie d’absorption. Lorsque le photon est suffisamment énergétique, la molécule peut-être ionisée, ce qui se traduit par un continuum d’absorption. À une même longueur d’onde, on Chapitre 1 – Bases théoriques et état de l’art 39 peut avoir une superposition de raies et de continuums d’absorption. De plus, la forme et l’intensité des raies d’absorption dépendent de la température et de la pression. Le calcul raie par raie des coefficients d’absorption pour chaque couche atmosphérique où coexistent plusieurs gaz est très complexe et coûteux en temps de calcul, de sorte que l’absorption des gaz atmosphériques est quelques fois négligée, en dehors de la bande entre 4 µm et 80 µm de longueur d’onde, où cette approximation n’est plus valable. Il est cependant possible de tirer parti de l’homogénéité horizontale de l’atmosphère et d’appliquer, dans les simulations du transfert radiatif, les propriétés optiques de profils standard de gaz atmosphériques. 0.5 1.0 1.5 0° 30° 60° 90° 120° 150° 180° 210° 240° 270° 300° 330° Fig.1.2.1 Fonction de phase pour une molécule de gaz atmosphérique en fonction de l’angle de diffusion. L’angle 0° correspond à la direction du photon incident. Rôle des aérosols et gouttelettes nuageuses. Les gouttelettes nuageuses et les particules d’aérosols du mode accumulation et grosses particules (Whitby, 1978) ont une taille suffisante, par rapport aux longueurs d’ondes solaires, pour dépendre du domaine d’application de la théorie de Mie. Typiquement, le diamètre des particules d’aérosol est compris entre 100nm et 2.5µm, pour le mode accumulation, et entre 2.5µm à 10µm, pour les grosses particules. Le diamètre des gouttelettes nuageuses s’étend de 2µm à 40µm. Cependant, les hypothèses de Mie (particules sphériques et homogènes) ne sont pas toujours valables. La plupart des particules d’aérosol, comme les particules de glace, sont loin d’être sphériques. On détermine alors les propriétés optiques de ces particules soit à partir de mesures (e.g. Kaufman et al., 1994, pour l’aérosol; Baran et al., 2003, pour les particules de glace), soit à partir de simulations explicites (e.g. Takano and Liou, 1989) des interactions entre photons et particules de différentes formes possibles (e.g. Koepke and Hess, 1988, pour les aérosols; Guo et al., 2003, Yang and Liou, 1998, pour les particules de glace). Chapitre 1 – Bases théoriques et état de l’art 40 L’hypothèse de symétrie sphérique de Mie fonctionne bien pour les gouttelettes nuageuses. Cependant, l’hypothèse d’homogénéité de la particule peut introduire des biais dans le calcul des propriétés optiques des gouttelettes. Si le noyau de condensation nuageux n’est pas soluble dans l’eau, comme c’est le cas pour l’aérosol minéral ou organique contenant du carbone suie, une particule solide subsiste à l’intérieur de la gouttelette (ou à sa surface). Ceci peut affecter les propriétés optiques des gouttelettes nuageuses en augmentant significativement leur absorption. On peut modéliser ces changements dans les propriétés optiques d’une distribution de gouttelettes nuageuses en considérant un mélange externe de gouttelettes d’eau pure et d’aérosols (Liu et al., 2002). 0° 30° 60° 90° 120° 150° 180° 210° 240° 270° 300° 330° 10−2 10−1 100 101 102 103 104 Fig.1.2.2 Fonction de phase pour une gouttelette d’eau pure de 10µm de rayon (en noir) et de 5µm de rayon (en gris). L’angle 0° correspond à la direction du photon incident, de longueur d’onde 754nm. Contrairement à la diffusion par une molécule de gaz, la diffusion d’une gouttelette d’eau nuageuse dépend beaucoup de l’angle de diffusion, avec un fort pic de diffusion avant. La fonction de phase présente des oscillations d’interférence, dont le nombre augmente avec le rayon de la gouttelette (figure 1.2.2). L’absorption de la lumière dans une gouttelette d’eau pure dépend de la longueur d’onde. Elle est très faible dans le spectre visible et dominante dans l’infrarouge (figure 1.2.3). Chapitre 1 – Bases théoriques et état de l’art
Propriétés optiques des nuages d’eau liquide
Dans un volume donné d’un nuage d’eau liquide, il y a un grand nombre de gouttelettes de taille variable. Les propriétés optiques d’un volume élémentaire d’air nuageux sont donc celles d’une certaine distribution dimensionnelle n(r) de gouttelettes nuageuses. Fig.1.2.3 Exemple d’évolution de l’absorption (représentée par le co-albédo: 1-ω0) avec la longueur d’onde pour une distribution de gouttelettes nuageuses. Les coefficients volumiques d’extinction, de diffusion et d’absorption sont obtenus par intégration sur la distribution des propriétés de chaque gouttelette : σ Q π ( )drr nr 2 as,e, ∫ as,ext, ∞ = 0 On procède de même pour la fonction de phase de la distribution. Comme les oscillations d’interférences des fonctions de phases sont légèrement décalées d’un rayon de gouttelette à un autre, plus la distribution dimensionnelle des gouttelettes est large, plus la fonction de phase de la distribution est lissée (figure 1.2.4). À partir de la fonction de phase de la distribution, on définit le facteur d’asymétrie g du volume nuageux, qui donne la proportion de rayonnement diffusé vers l’avant (1 si tout est diffusé vers l’avant, -1 vers l’arrière, 0 si la diffusion est isotrope). Cette grandeur permet le calcul du libre parcours moyen lt des photons dans le nuage : ( ) ( ) e t π g σ P Ω θ l ; d π g − = = ∫ 1 1 cos 4 1 4 Ω Pour caractériser les propriétés optiques du volume élémentaire de nuage, on lui adjoint un rayon effectif reff, qui définit la taille prépondérante sur le plan radiatif de la distribution de gouttelettes (Hansen and Travis, 1974) : ( ) ( ) ∫ ∫ ∞ ∞ = 0 2 0 3 dr rn r dr rn r reff Chapitre 1 – Bases théoriques et état de l’art 42 L’épaisseur optique τ d’un nuage désigne communément l’intégrale, sur la verticale et sur toute l’épaisseur géométrique H de la couche nuageuse, du coefficient d’extinction de chaque niveau de la colonne nuageuse : ( ) ∫ = H τ σe dz 0 z 0° 30° 60° 90° 120° 150° 180° 210° 240° 270° 300° 330° 10−2 10−1 100 101 102 103 104 Fig.1.2.4 Fonction de phase pour deux distributions de gouttelettes nuageuses de même rayon effectif 10µm, une très étroite (en gris) et une très large (en noir). L’angle 0° correspond à la direction du photon incident, de longueur d’onde 754nm.
Conclusion
Ce paragraphe marque la fin de la première partie de ce chapitre introductif. Le cadre théorique et le champ de connaissances dans lesquels s’inscrit notre travail est posé. Le but des sections précédentes est d’apporter les notions nécessaires à l’étude du transfert radiatif dans les nuages de couche limite, en particulier l’impact de l’hétérogénéité du champ nuageux. Cette première partie introduit le premier volet de ce travail, ou comment simuler un champ nuageux réaliste (c’est-à-dire hétérogène) et ses propriétés radiatives. L’étude du transfert radiatif présente deux aspects : le problème direct et le problème inverse. La section suivante introduit les difficultés inhérentes à ce premier aspect, ou comment est représentée l’hétérogénéité du champ et son impact sur le transfert radiatif dans les modèles de grande échelle. Chapitre 1 – Bases théoriques et état de l’art
Hétérogénéité du champ nuageux et problème direct dans les GCM
Le problème direct désigne le calcul explicite du transfert radiatif à travers un milieu donné: nous connaissons les propriétés optiques du champ nuageux, et nous désirons connaître ses propriétés radiatives. Les nuages de couche limite, et particulièrement le genre stratocumulus jouent un rôle important dans la régulation de l’équilibre radiatif du système planétaire (e.g. Hartmann et al., 1992). L’estimation de l’impact de ces nuages sur le climat actuel et futur passe par sa représentation dans les modèles climatiques et de prévision du temps. Ces modèles, désignés par l’acronyme GCM (Global Circulation Model), ont une résolution relativement grossière en temps et en espace (typiquement une heure de pas de temps, pour un maillage horizontal de l’ordre de la centaine de kilomètres). La variabilité temporelle et spatiale du champ nuageux, et a fortiori son impact sur le plan radiatif, ne sont donc pas résolus par les GCM et doivent être paramétrés comme phénomènes sous-maille. Dans la présente étude, seul l’impact de la variabilité spatiale sur l’albédo du champ nuageux sera abordé.
Représentation des stratocumulus dans les GCM
Les nuages chauds de couche limite sont diagnostiqués dans les GCM comme un contenu en eau liquide moyen dans une maille de grande dimension. Actuellement, dans la plupart des GCM, le nuage est encore représenté à l’intérieur de cette maille par un nuage plan-parallèle, horizontalement et verticalement homogène (représentation PPH). Les propriétés optiques de ce nuage sont ensuite paramétrés en supposant une relation simple entre le contenu en eau liquide (local –LWC– ou intégré sur la verticale –LWP–) et le couple épaisseur optique et rayon effectif (e.g. Brenguier et al., 2003; Szczodrak et al., 2001; Fouquart, 1987). Cependant, dans les cinq dernières années, un certain nombre de paramétrisations ont été développées pour représenter la variabilité sous-maille du champ nuageux. Ces paramétrisations portent soit sur la variabilité du champ de contenu en eau total (Tompkins, 2002), soit sur la variabilité d’une quantité liée à la sursaturation (Larson et al.2001), soit sur le champ LWP (Wood and Taylor, 2001), soit sur le champ d’épaisseurs optiques (Los and Duynkerke, 2001). Ces paramétrisations permettent le calcul de la fraction nuageuse sousmaille et paramétrisent la fonction de densité de probabilité (PDF) sous-maille de la quantité considérée (τ, LWP), pour le calcul du transfert radiatif. Une autre approche consiste à Chapitre 1 – Bases théoriques et état de l’art 44 renormaliser le champ des propriétés optiques (w0, g, σe), en fonction de l’échelle (Rossow et al., 2002). Ces paramétrisations tiennent comptent exclusivement de la variabilité sous-maille horizontale du champ nuageux, et la variabilité verticale est simplement représentée par des considérations sur le recouvrement des champs lorsqu’il y a plusieurs couches nuageuses dans la colonne GCM (e.g. Bergmann and Rasch, 2002). La variabilité verticale sous-maille n’est pas prise en compte, pas plus que la variabilité 3D des propriétés microphysiques du champ (variations 3D du rayon effectif, de la concentration en gouttelettes…) et leur impact radiatif.
Le biais plan-parallèle
La représentation PPH du nuage sous-maille, où l’épaisseur optique correspond à une moyenne sur la maille, induit un biais sur l’estimation de l’albédo, même si le champ nuageux ainsi modélisé couvre 100% de la maille. Ce biais provient de la non-linéarité de la relation entre le rayonnement réfléchi et l’épaisseur optique de la couche nuageuse (figure 1.3.1). En négligeant le transport horizontal de photons, lorsque la variabilité sous-maille est représentée par une distribution d’épaisseurs optiques de colonnes nuageuses ayant la même épaisseur optique moyenne, l’approximation PPH peut induire une sur-estimation de l’albédo moyen de l’ordre de 15% (Barker and Davies, 1992b, Cahalan et al. 1994), approchant même 30% pour une distribution très asymétrique de l’épaisseur optique sous-maille. Lorsque le calcul du transfert radiatif est effectué en trois dimensions, le biais PPH peut être soit diminué (lissage radiatif, Marshak et al., 1995) pour des angles zénithaux solaires faibles, soit accentué (effets de surbrillance et d’ombrage, Loeb and Varnai, 1997) pour des angles plus rasants. Ces effets dépendent de la variabilité de l’altitude du sommet des nuages. Pour des champs nuageux à couverture fractionnaire, les effets combinés du transfert radiatif 3D et de l’arrangement sous maille des zones nuageuses peuvent conduire eux-même à des biais de 5% à 15% et jusqu’à 30% dans certains cas (Welch and Wielicki 1989; Coakley and Kobayashi, 1989; Breon, 1992; O’Hirok and Gautier, 1998). Ces études montrent en général une diminution de l’albédo de la scène nuageuse à couverture fractionnaire par rapport à la représentation PPH. Ces résultats doivent cependant être tempérés. Toutes ces études ont été faites à l’aide de représentations idéalisées de champs nuageux. Les premières études (e.g. Welch and Wielicki, 1989; Kobayashi, 1993) modélisent le champ nuageux à l’aide de cubes homogènes placés selon des considérations purement géométriques.
INTRODUCTION |