Traitements médicaux des tumeurs surrénaliennes
Les anciens traitements
Ces traitements ont été utilisés au départ quand on croyait encore que la pathogénie des maladies surrénaliennes du furet était identique à celles du chien. Ils ne sont plus utilisés aujourd’hui.
Le kétoconazole
Le kétoconazole agit en inhibant la synthèse des stéroïdes à différents niveaux. Ce traitement, même s’il permet parfois la repousse des poils, ne permet pas la guérison des autres symptômes et son utilisation se révèle inefficace chez le furet.
L’Op’ DDD
L’Op’ DDD (Mitotane ) est une molécule cytotoxique pour les cellules du cortex surrénalien en provoquant une lyse et une nécrose sélective des zones réticulée et fasciculée. Cela permet une baisse du taux de cortisol mais pas des stéroïdes sexuels.
L’Op’ DDD peut être utilisé à la dose de 50 mg par jour la première semaine puis de 50 mg tous les deux à trois jours ensuite (posologie à adapter en fonction de l’évolution des signes cliniques).
L’utilisation de l’Op’ DDD peut entraîner une baisse des signes cliniques mais dans l’ensemble les résultats sont aléatoires et peu probants. En outre, il peut entraîner une hypoglycémie chez les furets ayant un insulinome concomitant18,19,72.
Les traitements actuels
L’acétate de leuprolide
L’acétate de leuprolide (LupronND) est un agoniste de la GnRH ayant les mêmes propriétés de stimulation que la GnRH. À court terme, l’acétate de leuprolide a les mêmes effets que la GnRH. Mais à long terme, il y a une désensibilisation de ces récepteurs, ce qui entraîne une baisse de la production de FSH et de LH19,21.
L’acétate de leuprolide est utilisé chez l’homme pour traiter les cancers de la prostate, les cancers du sein et l’endométriose19.
Chez le furet, l’acétate de leuprolide peut être utilisé à la posologie de 100 à 150 g/kg en intramusculaire. L’acétate de leuprolide est disponible sous une forme à 100 g/0,2 mL à associer à 7,5 mL de diluant65.
Chez tous les furets de l’étude de WAGNER et al.65, les signes cliniques disparaissent rapidement après l’injection. En outre, les concentrations plasmatiques d’oestradiol, de 17 hydroxyprogestérone, d’androstènedione et de DHEA diminuent significativement. Cependant, les signes cliniques réapparaissent dans les 1,5 à 8 mois qui suivent le traitement (moyenne de 3,7 +/ – 0,4 mois) dans cette étude. La cause de la différence importante de durée de réapparition des symptômes entre les furets n’est pas expliquée mais pourrait être dûe à la sensibilité individuelle des furets.
Ce traitement n’est pas curatif, vu que la surrénale tumorale ou hyperplasiée n’est pas retirée. Il peut être utilisé chez des furets n’étant pas en état pour supporter une chirurgie de surrénalectomie ou dont les propriétaires refusent la chirurgie. En outre, les effets à long terme de l’acétate de leuprolide ne sont pas connus et doivent être étudiés18,19,21.
L’acétate de leuprolide n’est pas disponible en France mais seulement aux Etats-Unis. En outre, son prix élevé n’en fait pas une molécule abordable pour le traitement des maladies surrénaliennes du furet. De plus, la posologie exige d’injecter des grands volumes en intramusculaire ce qui n’est pas facilement réalisable chez le furet. Une autre molécule, l’acétate de desloréline semble plus facile d’emploi et plus abordable à utiliser chez le furet.
L’acétate de desloréline
L’acétate de desloréline (Suprelorin ) fonctionne sur le même principe que l’acétate de leuprolide. L’acétate de desloréline existe sous forme d’implants qui sont utilisés pour la stérilisation provisoire chez le chien.
Une étude de WAGNER et al.68 s’est intéressée à l’utilisation de l’acétate de desloréline dans le traitement des maladies surrénaliennes chez le furet. Chez les quinze furets de l’étude, la pose de l’implant entraîne une disparition des signes cliniques dans les six semaines qui suivent. Les concentrations sanguines en oestradiol, androstènedione et 17-hydroxyprogestérone diminuent fortement. Comme pour l’acétate de leuprolide, les signes cliniques finissent par réapparaître. Cependant, ils ne réapparaissent que 8,5 à 20,5 mois après la pose de l’implant (moyenne de 13,7 +/- 3,5 mois). L’âge, le poids et le sexe du furet ne semblent pas entrer en compte dans la durée d’activité de l’implant. Aucun effet secondaire de l’implant n’est noté dans cette étude. Des études sur les effets à long terme doivent cependant être menées.
Comme dans le cas de l’acétate de leuprolide, l’acétate de desloréline n’est pas un traitement curatif des maladies surrénaliennes mais permet de diminuer les symptômes et offre donc une alternative quand la chirurgie n’est pas possible. En effet, les tumeurs surrénaliennes continuent de grossir comme le témoigne cinq des quinze furets de l’étude chez lesquels une masse devient palpable deux mois avant le retour des signes cliniques68.
En comparaison avec l’acétate de leuprolide, les implants d’acétate de desloréline sont disponibles en médecine vétérinaire en France pour un coût abordable. Il est donc possible de les employer actuellement en médecine vétérinaire française.
La mélatonine
Ce traitement repose sur le fait que la mélatonine inhibe la libération de GnRH et donc de LH et de FSH et finalement des stéroïdes sexuels responsables des signes cliniques. La mélatonine est disponible sous plusieurs formes médicamenteuses : des comprimés, une solution liquide et un implant. La mélatonine est utilisée dans les élevages de visons sous forme d’implant à 5,3 mg de mélatonine (Mélovine ) par voie sous-cutanée pour favoriser la pousse du poil19,20,36,45.
Comme pour les molécules précédentes, les signes cliniques et les taux sanguins des hormones diminuent après l’administration de mélatonine dans toutes les études réalisées. Cependant, dans l’étude de RAMER et al.45, malgré un apport quotidien de mélatonine à la posologie de 0,5 mg/furet, une réapparition des signes cliniques est observée en moyenne huit mois après le début du traitement. Deux hypothèses sont avancées pour expliquer cette observation :
– La dose employée dans l’étude est insuffisante pour maintenir l’influence négative sur la sécrétion de GnRH ;
– Les récepteurs à la mélatonine deviennent insensibles à la mélatonine au bout d’un certain temps de stimulation importante.
Le traitement à la mélatonine n’est encore une fois pas curatif, mais permet une régression des signes cliniques pendant une période d’environ huit mois.
Les traitements additionnels
Ces traitements sont utilisés en association avec des traitements cités précédemment.
Les agents anti-oestrogènes
L’anastrazole (Armidex ) est un inhibiteur de l’enzyme qui convertit la testostérone et l’androstènedione en oestrone et en oestradiol.
Des essais cliniques chez le furet ont été faits à la posologie de 0,1 mg/kg/j par voie orale. L’anastrazole peut avoir quelques effets sur le système nerveux central, le système nerveux autonome et sur la jonction neuromusculaire.
Cela peut être utile en adjonction au traitement à l’acétate de leuprolide chez les furets avec des concentrations sanguines d’oestradiol élevées. Son utilisation reste cependant anecdotique19,70.
Le tamoxifène19
Le tamoxifène est un bloqueur des récepteurs aux oestrogènes avec une faible efficacité chez le chien et le furet. À des doses très faibles, on observe des effets secondaires de toxicité chez le furet. S’il reste un moignon utérin, on peut observer la production d’écoulement vaginal.
Les agents anti-androgènes
Ces molécules sont utilisées chez le furet mâle pour traiter les problèmes prostatiques lorsque qu’ils sont présents, en association avec l’acétate de leuprolide ou avec la chirurgie.
La flutamide
Cette molécule a été utilisée chez l’homme en association avec l’acétate de leuprolide dans le traitement des carcinomes prostatiques et augmente la durée de vie par rapport au traitement à base d’acétate de leuprolide seul.
La flutamide (Eulexin ) agit en bloquant les récepteurs à la testostérone. Elle a été utilisée chez le furet mâle dans le cadre du traitement des maladies surrénaliennes et a été efficace chez certains furets. Des études de toxicité doivent cependant être réalisées19.
La finastéride
La finastéride (Proscar ) est un inhibiteur de la 5- a-réductase qui permet la formation de la dihydrotestostérone. Elle a déjà été utilisée et tolérée chez le furet à la même posologie que chez le chien (5mg par furet par 24 heures per os)19. Elle est utilisée pour favoriser la régression rapide de la taille de la prostate chez les furets en association avec la chirurgie.
La bicalutamide
La bicalutamide (Casodex ) est un inhibiteur compétitif des androgènes. Cela conduit
à une élévation des taux sanguins en testostérone et en oestradiol quand ils sont utilisés seuls. Elle doit donc être donnée en association avec une molécule antigonadotrophiques. Une dose
de 5 mg/kg par 24 heures a déjà été utilisée mais sans contrôle. Aucune étude de toxicité n’a été réalisée19,70. Son utilisation est donc à éviter pour le moment.
Gestion des obstructions urinaires consécutives aux tumeurs surrénaliennes chez le furet
L’obstruction urinaire consécutive à la formation kystes prostatiques ou paraprostatiques chez le furet constitue une urgence médicale. En effet, la cessation de l’élimination de l’urine a pour conséquences :
– L’accumulation dans le sang d’urée et de créatinine ;
– Des anomalies au niveau des électrolytes, comme une hyperkaliémie ayant des conséquences cardiaques ;
– Une perturbation de l’équilibre acido-basique : acidose métabolique ;
– Une hausse de la pression intravésicale pouvant entraîner une hausse de la pression dans les tissus interstitiels rénaux et une altération des tissus ;
– Une déshydratation ;
– Une réduction du volume circulant conduisant à la mise en place d’un état de choc ;
– À terme, si l’on n’intervient pas, la mort de l’animal30.
La prise en charge repose la gestion des éventuelles conséquences de l’obstruction urinaire et sur la mise en place d’une sonde urinaire permettant l’élimination des urines. Les kystes prostatiques ou paraprostatiques régressant dans les jours suivant le traitement des maladies surrénaliennes, celui-ci est nécessaire pour gérer complètement l’obstruction urinaire à terme16,17,30,38.
L’hyperkaliémie entraînant des arythmies cardiaques, le cœur doit être monitoré grâce à un électrocardiogramme pendant l’anesthésie pour le sondage urinaire. L’hyperkaliémie peut être traitée à l’aide de gluconate de calcium à la dose de 50 à 100 mg/kg en voie intraveineuse qui permet un retour au potentiel de membrane plus proche du niveau basal au niveau cardiaque. À terme, la mise en place d’une perfusion de NaCl permet un retour à une kaliémie normale17,30.
La levée de l’obstruction urinaire est permise par la mise en place d’une sonde urinaire de taille 3.5 grâce à une rétropulsion à l’aide de sérum physiologique stérile. La sonde est fixée sur le prépuce à l’aide de points simples64. Il est possible de s’aider de lubrifiant stérile et de faire un dépôt local de lidocaïne16. Si la pose d’une sonde urinaire n’est pas possible, la pose d’un tube de cystotomie percutané est recommandée. La sonde urinaire ou le tube de cystotomie percutané doit être laissé en place environ trois jours38.
Les implants de GnRH agoniste comme alternative à la stérilisation chirurgicale?
Utilisation des implants de GnRH agoniste chez les autres espèces
L’utilisation des implants de desloréline est étudiée dans de nombreuses espèces, incluant les rongeurs, les moutons et les primates. Les effets de ces implants sont variables en fonction des espèces, allant d’une inhibition complète de la fertilité à une absence de maîtrise de la fertilité.
Chez le chien mâle, l’utilisation des implants entraîne un pic de LH 40 minutes après la pose de l’implant suivi par un pic de testostérone 1 heure après la pose de l’implant (JUNAIDI et al.) puis un retour à des valeurs de référence 5 heures après la pose de l’implant. La concentration plasmatique de LH diminue ensuite progressivement pour devenir indétectable dans le plasma avec les méthodes de mesure actuelle environ deux semaines après implantation. Parallèlement, la concentration de testostérone diminue pour devenir indétectable dans les 25 à 30 jours après implantation22,23 (cf. figure 20).
Figure 20 : Concentrations plasmatiques en LH (cercles blancs) et en testostérone (cercles noirs) chez des chiens mâles après l’implantation d’implants vierges (a) et d’implants contenant 6 mg de desloréline (b) à la minute 0 du jour 0 (d’après JUNAIDI et al.22).