Traitement statistique des prévisions
Scénarios de traitement statistique
Nous avons vu qu’il est essentiel d’évaluer les prévisions en termes des deux axes composant la valeur d’une prévision : la qualité et l’utilité. Les objectifs et les outils d’évaluation de la qualité et de l’utilité d’une prévision ont été présentés en détail dans les Chapitres 3 et 4. Dans ce chapitre, nous nous focalisons sur la qualité des prévisions et le traitement statistique de celles‐ci. Notre point de vue est centré sur l’hydrologie. En laissant de côté l’évaluation du modèle hydrologique dans la chaîne hydrométéorologique de prévision, telle que nous l’avions schématisée (Chapitre 1, §1.3, Figure 3), nous pouvons évaluer, d’un coté, les entrées du modèle hydrologique (prévisions météorologiques) et, d’un autre côté, les sorties du modèle (prévisions hydrologiques). Des erreurs de prévision peuvent exister dans ces deux cas et, par conséquent, l’application d’un traitement statistique peut être nécessaire soit sur les prévisions météorologiques (nous parlerons alors de » prétraitement » des entrées du modèle hydrologique), soit sur les prévisions hydrologiques (on parlera de » post‐traitement » des sorties du modèle hydrologique), ou encore sur les deux. Les techniques de traitement statistique examinées dans cette thèse ont été présentées dans le Chapitre 3. Pour rappel, elles sont les suivantes : méthode empirique basée sur un facteur de correction multiplicative, habillage à l’aide de l’information de la prévision par analogie, habillage par la méthode du meilleur membre développée par Roulston et Smith (2003), habillage par la méthode du meilleur membre modifiée par Wang et Bishop (2005) et Fortin et al. (2006), Chapitre 6 : Traitement statistique des prévisions 188 habillage par la méthode du meilleur membre modifiée pour tenir compte de la cohérence temporelle entre les échéances de prévision, habillage avec l’erreur de 30% des meilleurs membres, habillage empirique avec les erreurs passées du modèle hydrologique. Les deux premières techniques sont plutôt appliquées aux prévisions météorologiques (prétraitement), tandis que les autres techniques sont appliquées aux prévisions de débits des deux modèles hydrologiques étudiés (post‐traitement). Toutes les techniques, à l’exception de la dernière, font partie des approches de traitement de l’incertitude totale de prévision (qu’elle soit de précipitation ou de débit, selon que son application se fasse sur les précipitations ou les débits prévus). En revanche, la dernière technique ne traite que l’incertitude au niveau du modèle hydrologique, ce qui nous permet d’examiner l’influence de la prise en compte des erreurs seules du modèle hydrologique sur la performance des prévisions de débit. Ces techniques ont été utilisées pour composer les scénarios de pré‐ et post‐ traitement ici évalués. Le Tableau 8 présente la composition de ces scénarios. Nous y retrouvons les techniques mentionnées seules ou combinées. Ces scénarios vont être appliqués au jeu de 11 bassins versants de cette étude et nous illustrerons quelques‐uns des résultats à l’aide de 3 bassins versants (Figure 69) qui serviront d’exemple, car ils présentent des comportements différents : • la Durance à Serre Ponçon (3580 km²), • le Verdon à Castillon (656 km²), et • la Romanche à Chambons (223 km²).
Evaluation des prévisions brutes de pluies et de débits
Pour l’évaluation de la qualité des prévisions, nous avons fait appel aux critères graphiques et scores numériques suivants : l’histogramme et diagramme de PIT, la dispersion des membres de l’ensemble, les courbes ROC et le score CRPS. Nous tenons à garder les mêmes scores d’évaluation pour les prévisions de pluies et de débits afin de rendre l’analyse homogène et de pouvoir étudier la variabilité des performances qu’il s’agisse d’évaluer les entrées ou les sorties des modèles hydrologiques. 6.3.1 Prévisions de pluie Fiabilité : l’histogramme et diagramme de PIT Nous avons utilisé l’histogramme de PIT pour évaluer la fiabilité des prévisions brutes de pluies des 11 bassins versants de notre échantillon. La Figure 70 présente les histogrammes de PIT pour les prévisions de pluies sur les 3 bassins versants utilisés ici à titre d’exemple et pour deux horizons de prévision : 3 jours (à gauche) et 7 jours (à droite). Les diagrammes cumulés de PIT correspondants sont également présentés au coin en haut à gauche de chaque histogramme. Nous observons que pour l’horizon de prévision plus court (3 jours), l’histogramme de PIT montre des prévisions avec un défaut de fiabilité et l’existence d’un biais, plus particulièrement, d’un biais de sous‐estimation des valeurs observées (biais indiqué par les fréquences élevées des fortes valeurs de probabilité prévue au non‐dépassement associées aux observations). La présence de ce biais devient moins évidente à l’horizon plus lointain (7 jours) et, pour certains bassins comme le cas du Verdon à Castillon (c2, Figure 70), les prévisions sont très proches d’un système parfaitement fiable. De manière générale, dans l’ensemble de notre échantillon de 11 bassins versants, l’analyse des histogrammes de PIT calculés sur les prévisions de pluie brutes a montré : pour les horizons courts de prévision (3‐4 jours) : les prévisions de pluie sont sous‐ dispersées pour presque tous les bassins versants examinés, pour les horizons plus lointains de prévision (5‐7 jours) : des prévisions de pluie peuvent êtres considerées fiables pour la majorité de bassins versants (8 bassins sur 11), et des prévisions sous‐estimant les pluies pour une minorité de bassins versants (3 bassins sur 11).
Prévisions de débit : modèles MORDOR et GRP
Les prévisions de précipitation ont été utilisées dans deux modèles hydrologiques, où elles ont été transformées en prévisions de débit. Les deux modèles globaux pluie‐débit utilisés sont : le modèle MORDOR et le modèle GRP (voir Chapitre 2, §2.4). Fiabilité : Histogrammes et diagrammes de PIT Les Figure 75 et Figure 76 présentent les histogrammes de PIT (et digrammes cumulés correspondants) pour les prévisions hydrologiques fournies par le modèle MORDOR et GRP respectivement, et pour les horizons de prévision de 3 et 7 jours. Dans ces graphiques nous affichons les résultats pour les mêmes trois bassins versants utilisés dans l’évaluation des pluies : (a) la Durance à Serre Ponçon, (b) le Verdon à Castillon et (c) la Romanche à Chambons. En ce qui concerne le modèle MORDOR (Figure 75), nous remarquons que les prévisions hydrologiques sont fortement sous‐dispersées (histogrammes en forme de « U » et diagrammes éloignés de la diagonale) quel que soit le bassin versant. Sur certains bassins (5 parmi les 11 bassins analysés), les prévisions ont tendance à sous‐estimer l’observation (comme il en est pour les bassins de la Durance à Serre Ponçon et du Verdon à Castillon), tandis que sur d’autres bassins (3 parmi les 11 bassins analysés), cette tendance s’inverse légèrement (comme pour le bassin versant de la Romanche aux Chambons et la Truyère à Grandval). Pour les prévisions hydrologiques du modèle GRP (Figure 76), nous remarquons que, même si la tendance à sous‐estimer l’observation est toujours présente, la modélisation des débits est différente avec les deux modèles hydrologiques utilisés. Nous remarquons que les prévisions issues du modèle GRP sont legèrement plus sous‐dispersées que celles du modèle MORDOR. La différence la plus frappante se trouve sur le bassin de la Romanche aux Chambons, où nous observons que la fiabilité des prévisions hydrologiques est nettement dégradée par rapport à celle de prévisions météorologiques, avec la présence d’un biais plus forte dans les débits prévus par GRP. En ce qui concerne la qualité des prévisions hydrologiques en fonction de l’horizon de prévision, quel que soit le modèle hydrologique évalué, nous observons une légère amélioration de la fiabilité aux horizons de prévision plus lointains. Toutefois, la fiabilité reste un attribut à améliorer pour toutes les échéances pour rendre les prévisions de débits des deux modèles fiables.