L’élastographie est une méthode de caractérisation tissulaire in vivo qui intéresse depuis une trentaine d’années la communauté scientifique. C’est une méthode d’imagerie médicale paramétrique qui fournit des informations quant à l’état tissulaire. Plus particulièrement, l’élasticité d’un tissu est étroitement liée à la présence de fibrose, conséquence d’une maladie modifiant les propriétés mécaniques du tissu, telle qu’une hépatite par exemple. Les organes qui peuvent être étudiés avec cette technique sont nombreux. On peut citer le foie, le sein, la prostate ou encore les parois vasculaires. L’élastographie permet ainsi de compléter, par une mesure quantitative, le geste médical courant de palpation fournissant une évaluation subjective de la dureté des tissus.
La société Echosens, partenaire industriel de cette thèse, a développé le premier appareil d’élastographie quantitatif, le Fibroscan, Fondé sur l’élastographie impulsionnelle ultrasonore, il permet d’extraire l’élasticité d’un milieu biologique. L’application principale du Fibroscan est la mesure de l’élasticité du foie, dont la valeur est corrélée au stade de fibrose et donc à la maladie. Cette mesure est basée sur la valeur du module d’Young moyennée sur une plage de profondeur de 40 mm. Rappelons que le module d’Young s’exprime en Pascal (Pa). Typiquement, sa valeur est comprise entre 3 kPa pour un foie sain et 75 kPa pour un foie très fibrosé (cirrhose). Depuis son lancement en 2003, le Fibroscan a connu un vif succès auprès des hépatologues dans le monde entier. La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande son usage depuis 2007 pour le dépistage de l’hépatite C et depuis 2009 pour l’évaluation de la cirrhose. Enfin, l’European Association for the Study of Liver (EASL) a recommandé en 2011 l’utilisation du Fibroscan pour l’estimation du stade de fibrose chez des patients atteints d’hépatite C.
L’élastographie impulsionnelle ultrasonore repose sur l’observation de la propagation d’une onde de cisaillement engendrée par une déformation mécanique produite au moyen d’un piston appliquant une contrainte (considérée impulsionnelle) dont la durée est de l’ordre d’une vingtaine de millisecondes . L’onde est observée au moyen d’une imagerie ultrasonore 1D ultra-rapide dont la fréquence est comprise entre 2.5 MHz et 5.5 MHz, avec une fréquence de répétition de 6 kHz. La vitesse de propagation de l’onde de cisaillement peut être mesurée et le module d’Young déduit.
L’élastographie est une technique de mesure de l’élasticité (plus précisément le module d’Young) des tissus biologiques. Elle constitue une approche quantitative d’une pratique médicale très répandue : la palpation. Cette dernière permet par exemple de détecter la présence de cirrhose ou de tumeurs, qui sont en général beaucoup plus dures que les tissus sains. Elle reste cependant très subjective et dépend du praticien. Une approche quantitative est donc une grande avancée pour la médecine. Caractérisée par le module d’Young, l’élasticité est la capacité d’un milieu à se déformer, elle est calculée comme le rapport entre contrainte et déformation. C’est exactement le paramètre physique estimé lors de la palpation, où une force est appliquée et la déformation appréciée par le praticien.
Il existe plusieurs classements d’élastographie selon le type de sollicitation du tissu et selon la méthode de mesure du déplacement du tissu. Les méthodes d’élastographie sont très variées et permettent de comprendre les différents mécanismes qui peuvent être mis en jeu afin d’estimer les propriétés élastiques des tissus mous :
1. Pour un milieu soumis à une contrainte statique, il est possible d’estimer les propriétés élastiques en calibrant la contrainte statique à la surface du milieu sondé et en estimant les déformations induites par cette contrainte.
2. Pour un milieu soumis à une excitation mécanique monochromatique, les amplitudes et phases des déplacements sont reliées aux propriétés visco-élastiques du milieu par l’équation des ondes.
3. Pour un milieu soumis à une excitation mécanique impulsionnelle, le film de la propagation des ondes élastiques permet d’extraire localement la vitesse des ondes de cisaillement, et ainsi de pouvoir déterminer localement les propriétés visco élastiques du milieu étudié par le biais de l’équation des ondes.
L’histoire de l’élastographie commence en 1983 à Vesoul, au centre hospitalier Paul-Morel en électroradiologie [14]. Il a été possible d’analyser la propagation des ondes élastiques en profondeur grâce à ce que l’on appelait la palpation échographique rythmée. Cette dernière comportait un excitateur mécanique externe qui appliquait au milieu des oscillations forcées à la fréquence 1.5 Hz. L’organe (le sein par exemple) devenant résonateur, on pouvait suivre son oscillation. Puis en 1987 à Houston, l’influence des prothèses sur les moignons des personnes amputées a été étudiée [15]. Un piston était utilisé à la fréquence 10 Hz et les déplacements engendrés par cette excitation étaient mesurés par effet Doppler à l’aide d’un transducteur ultrasonore. Cette technique alors appelée sonoélastographie, est une méthode dynamique, d’excitation monochromatique. La sonoélastographie est vite délaissée pour des méthodes statiques dans les années 90 [12]. Quelques recherches ont depuis fait évoluer la sonoélastographie par l’utilisation des « crawling waves » obtenues par interférences d’ondes de cisaillement de fréquences très proches (une centaine de hertz) [16]. Pour cette méthode quantitative, An et al [17] ont montré des résultats encourageants sur prostate. Les méthodes statiques ne permettent pas une estimation quantitative des propriétés des tissus, mais ont néanmoins inspiré la recherche sur l’élastographie impulsionnelle à partir de 1998 [2]. A la même époque, l’imagerie par résonance magnétique permet déjà un accès à des images élastographiques [18]. Les années 2000 marquent la mise au point de l’élastographie impulsionnelle en réflexion [4] et le début des recherches sur la force de radiation acoustique [19]. La première technique a été mise au point pour pallier les problèmes rencontrés en régime monochromatique dans les cas précédents, où la contrainte mécanique est externe au milieu, contrairement à la force de radiation. Celle-ci fournit plusieurs méthodes de mesure de l’élasticité. Au départ, la vibro acoustographie [5] utilise deux faisceaux ultrasonores confocaux produisant une pression acoustique dont l’amplitude dépend de l’élasticité. Plus tard, l’imagerie par force de radiation, appelée ARFI (Acoustic Radiation Force Impulse), permet de créer un déplacement dont l’amplitude et le temps de relaxation renseignent sur les propriétés mécaniques. Enfin, la technique du Supersonic-Shear Imaging utilise la force de radiation afin de créer un front d’onde plan de cisaillement dont la vitesse de propagation ainsi que la déformation permettent d’obtenir des cartes d’élasticités.
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