Traitement des eaux usées industrielles contenant des composés récalcitrants par photodégradation
Pollution des eaux
Selon le code de l’environnement du Sénégal, la pollution des eaux est définie comme étant l’introduction dans le milieu aquatique de toute substance susceptible de modifier les caractéristiques physiques, chimiques et biologiques de l’eau et de créer des risques pour la santé de l’homme, de nuire à la faune et à la flore aquatiques, de porter atteinte à l’agrément des sites ou de gêner toute autre utilisation normale des eaux (MIZI, 2006). L’Humanité, pour satisfaire ses besoins sans cesse en matière d’alimentation et de santé, a synthétisé de façon volontaire toutes sortes de molécules de plus en plus complexes, comme les médicaments, les produits phytosanitaires, les plastifiants, etc. Ces activités menées sont à l’origine de la génération d’importants polluants dans l’environnement. Par exemple, l’industrie chimique moderne exploite un très grand nombre de composés minéraux ou organiques de toxicité souvent élevée ou encore peu dégradables. Il a été estimé que plus de 530 nouvelles molécules sont mises sur le marché chaque année et qu’au total environ 120 000 molécules minérales ou organiques de synthèse font l’objet d’un usage commercial dans le monde (Bliefert and Perraud, 2008). Le tableau I.1 donne divers contaminants des eaux ainsi que leurs sources. Tableau I. 1 : contaminants des eaux usées et leurs sources, d’après (Sancey, 2011) Contaminants Source (s) solides en suspension domestique, industries matières organiques biodégradables domestique, industries matières organiques réfractaires Industries métaux lourds industries, mines résidus de pesticide secteur agricole Nutriments domestique, industries, secteur agricole solides dissous inorganiques domestique, industries organismes pathogènes Domestique Pour mieux choisir le procédé adéquat pour l’élimination des matières polluantes, les eaux usées doivent subir une caractérisation par plusieurs paramètres physico-chimiques et biologiques. • Les Matières En Suspension Totales (MEST) Elles sont exprimées en mg/L et représentent l’ensemble des matières non dissoutes contenues dans l’eau. Les MEST comportent à la fois des éléments minéraux et organiques. Leur abondance réduit la pénétration de la lumière d’où une baisse de l’activité photosynthétique et favorise le colmatage des branchies des poissons provoquant ainsi leur mort par asphyxie (MIZI, 2006). • La Demande Chimique en Oxygène (DCO) Elle est exprimée en mg d’oxygène par litre et mesure la quantité d’oxygène nécessaire pour oxyder chimiquement et totalement les matières oxydables de l’effluent. Ces matières organiques seront transformées en gaz carbonique (CO2) et en eau (H2O). Une élévation de sa teneur dans les rejets entraine une diminution de la photosynthèse et une consommation de l’oxygène dissous dans l’eau au détriment des êtres vivants aquatiques aérobies (MIZI, 2006). • La Demande Biologique en Oxygène (DBO5) Elle est exprimée en mg d’oxygène par litre et mesure la quantité de matières organiques biodégradables présentes dans l’eau. Plus précisément, ce paramètre mesure la quantité d’oxygène nécessaire à la destruction des matières organiques grâce aux phénomènes d’oxydation par voie aérobie. Pour mesurer ce paramètre, on prend comme référence la quantité d’oxygène consommée au bout de cinq jours : c’est la DBO5, demande biochimique en oxygène sur cinq jours. • L’azote Elle peut se présenter sous plusieurs formes dans l’eau usée. On a : – L’azote organique où l’azote se retrouve dans des molécules avec de l’hydrogène, du carbone, et du phosphore ; – L’azote ammoniacal où l’azote est sous forme d’ammoniac dissous dans l’eau (NH3) ou sous forme d’ion ammoniacal (NH+4) ; – Les nitrates NO3 – (qui sont une forme stable de l’azote dans la nature) ou les nitrites NO2 12 Sa présence dans les eaux, peut entraîner une mortalité importante des poissons. • Le phosphore Il est sous forme organique ou sous forme minérale (HPO4 2– orthophosphate, ou polyphosphate). Sa forte présence favorise la prolifération des algues, comme les cyanobactéries qui sont toxiques pour le règne animal (Giani et al., 2005) , et du plancton entraînant la tendance du milieu vers l’anoxie, condition favorable au développement des organismes anaérobies : c’est l’eutrophisation. • Le pH Le pH (potentiel d’hydrogène) mesure l’activité chimique des ions H+ sur une échelle de 0 à 14 et rend compte sur l’acidité ou la basicité d’une solution. Sa valeur doit être comprise entre 6 et 9 lors du rejet des eaux usées dans un milieu naturel. Ainsi, une modification importante de cette valeur peut entrainer un déséquilibre physico-chimique du milieu récepteur (Belghyti et al., 2009). • La température Certains rejets industriels (eaux de refroidissement) ont tendance à avoir des températures élevées qui peuvent affecter le milieu récepteur. En effet, l’élévation de la température dans les eaux peut entrainer (Stumm and Morgan, 2012) : – Une baisse sensible de la teneur en oxygène dissous surtout si le milieu aquatique est chargé de matières organiques ; – Une augmentation de la toxicité de certaines substances. Par exemple, la toxicité du cyanure de potassium est multipliée par deux pour un accroissement thermique de 10°C ; – Une réduction de la résistance des animaux et une multiplication des agents pathogènes (Arrignon, 1998). 13 • Les micropolluants : Beaucoup de substances de synthèse telles que des résidus de médicaments, des produits de soins corporels, des détergents et des pesticides, des plastifiants, des hydrocarbures etc sont couramment utilisées et évacuées avec les eaux usées. Ces molécules, en raison de leur toxicité, de leur persistance et de leur bioaccumulation sont de nature à engendrer des nuisances même lorsqu’elles sont rejetées en très faibles quantités, d’où leur appellation de « micropolluants » (Margot and Magnet, 2011). Les concentrations mesurées sont en général très faibles, excédant rarement quelques dizaines de nanogrammes par litre. Les risques associés à une exposition chronique à ces substances sont encore largement discutés par les scientifiques. Néanmoins, de nombreux travaux montrent qu’à faibles concentrations, certains micropolluants auraient des effets sur le fonctionnement des écosystèmes avec, notamment, des effets observés sur le comportement des organismes aquatiques et la santé humaine (Choubert et al., 2013). D’une manière générale, la pollution des eaux constitue une véritable menace pour l’environnement et pour la santé même des hommes. C’est ce qui a amené la communauté internationale à se doter d’un arsenal juridique dont l’objectif est de protéger l’environnement contre les nuisances causées par les rejets sauvages.
Réglementation Sénégalaise des eaux usées
Le code de l’assainissement impose (Loi N° 2009-24 Du 8 Juillet 2009 Portant Code de l’Assainissement | Ordre Des Avocats Du Sénégal, 2017), dans son article L52, le déversement des eaux usées industrielles dans l’égout publique si celui-ci est situé à moins de 60 m de l’entreprise. Toutefois, les effluents à rejeter doivent être conformes aux dispositions légales fixées par la norme NS05-061 (Norme Sénégalaise: NS 05-061, 2001). Cette norme précise les valeurs limites pour le raccordement à une station d’épuration et les rejets d’eaux épurées en milieu naturel. Ainsi, lorsque le flux maximal apporté par l’effluent est susceptible de dépasser 15 kg/j de MEST ou 15 kg/j de DBO5 ou 45 kg/j de DCO, les valeurs limites imposées à l’effluent à la sortie de l’installation avant raccordement à une station d’épuration urbaine ne peuvent dépasser : 14 • MEST : 600 mg/L ; • DB05 : 800 mg/L ; • DCO : 2 000 mg /L ; • Azote total (exprimé en N) : 150 mg/L ; • pH : 6 – 9 ; • Température : 30°C. Pour les micropolluants minéraux et organiques, les valeurs limites suivantes sont tolérées : • indice phénols 0,5 mg/L si le rejet dépasse 5 g/j ; • phénols 0,5 mg/L si le rejet dépasse 5g/j ; • chrome hexavalent 0,2 mg/L si le rejet dépasse 5 g/j ; • cyanures 0,2 mg/L si le rejet dépasse 3 g/j ; • arsenic et composés (en As) 0,3 mg/L si le rejet dépasse 3 g/j ; • chrome (en Cr3) 1 mg/L si le rejet dépasse 10 g/j ; • hydrocarbures totaux 15 mg/L si le rejet dépasse 150 g/j ; • fluor et composés (en F) 25 mg/L si le rejet dépasse 250 g/j. De plus, l’article L72 précise que les rejets des eaux traitées en milieu naturel, doivent obéir aux normes en vigueur (norme NS05-061). Ainsi, les valeurs limites suivantes sont autorisées : • Matières en Suspension Totales (MEST) : 50 mg/L • DBO5 (sur effluent non décanté) : – 80 mg/L si le flux journalier maximal autorisé n’excède pas 30 kg/j; – 40 mg/L au-delà. • DCO (sur effluent non décanté) : – 200 mg/L si le flux journalier maximal autorisé n’excède pas 100 kg/j; – 100 mg/L au-delà. Toutefois, des valeurs limites de concentration différentes peuvent être fixées par l’arrêté d’autorisation, lorsqu’il existe une valeur limite exprimée en flux spécifique de pollution. 15 • Azote (azote total comprenant l’azote organique, l’azote ammoniacal, l’azote oxydé) : 30 mg/L en concentration moyenne mensuelle lorsque le flux journalier maximal est égal ou supérieur à 50 kg/jour. Néanmoins, des valeurs limites de concentration différentes peuvent être fixées par l’arrêté d’autorisation lorsque le rendement de la station d’épuration de l’installation atteint au moins 80 % pour l’azote pour les installations nouvelles et 70 % pour les installations modifiées. • Phosphore (phosphore total) : 10 mg/L en concentration moyenne mensuelle lorsque le flux journalier maximal autorisé est égal ou supérieur à 15 kg/jour. Cependant, des valeurs limites de concentration différentes peuvent être fixées par l’arrêté d’autorisation. Ainsi, toute entreprise qui enfreigne la norme doit verser une redevance sur la base de la charge polluante (X en mg/l). La redevance est égale à 180 FCFA/ kg de charge polluante. La relation suivante permet d’estimer X : 𝑿 = (𝑴𝑬𝑺𝑻 − 𝟓𝟎) + [(𝑫𝑪𝑶−𝟐𝟎𝟎)+𝟐(𝑫𝑩𝑶𝟓−𝟖𝟎)] 𝟑 (I- 1) La charge polluante totale annuelle, exprimée en kg, est calculée en utilisant la relation cidessous : Cp = 365XQv (I- 2) Avec Cp charge polluante annuelle ; Qv débit volumique journalier de l’effluent. On obtient le montant de la redevance en multipliant la charge polluante trouvée par 180 FCFA. Par ailleurs l’article L80 du code l’assainissement interdit le dépotage dans les déposantes de : • substances nocives ; • déchets industriels. Ainsi, pour être en conformité avec ces dispositifs réglementaires, les entreprises doivent mener les actions suivantes : 16 • économies d’eaux process ; • réduction des rejets d’eaux usées par un recyclage systématique ; • recherche de technologies appropriées pour le traitement des eaux usées ; • réutilisation des eaux traitées. Le troisième volet est le plus délicat car les effluents industriels contiennent souvent des composés toxiques spécifiques à l’activité considérée. De ce fait, il n’existe pas une méthode unique pour traiter l’ensemble des eaux résiduaires industrielles. Ainsi, nous allons dans les paragraphes suivants exposer quelques techniques de traitement des eaux usées. I.4 Techniques de traitement des eaux usées industrielles Pour répondre aux attentes des objectifs du millénaire pour le développement en matière d’assainissement, les industriels doivent veiller au respect et à la protection de l’environnement dans un contexte de développement durable en respectant les normes de rejets. De ce fait, les rejets liquides doivent subir un traitement adéquat avant tout déversement dans le milieu récepteur. Les méthodes de traitement que nous avons trouvées dans la littérature peuvent être classées en deux catégories : • Les méthodes non destructives comprenant, l’adsorption sur du charbon actif, les techniques membranaires et la coagulation/floculation ; • Les méthodes destructives qui englobent le traitement biologique et les procédés d’oxydation avancée.
Les méthodes non destructives
L’adsorption
L’adsorption est un procédé de traitement pour éliminer une très grande diversité de composés toxiques dans notre environnement. Elle est essentiellement utilisée pour le traitement de l’eau et de l’air. Au cours de ce processus, les molécules d’un fluide (gaz ou liquide) appelées adsorbats viennent se fixer sur la surface d’un solide appelé adsorbant. Ce procédé définit la propriété de certains matériaux de fixer à leur surface des molécules (gaz, 17 ions métalliques, molécules organiques, etc.) d’une manière plus ou moins réversible. Ainsi, il y aura donc un transfert de matière de la phase aqueuse ou gazeuse vers la surface solide.
Types d’adsorption
La nature des liaisons formées ainsi que la quantité d’énergie dégagée lors de la rétention d’une molécule à la surface d’un solide permettent de distinguer deux types d’adsorption.
Adsorption physique
C’est un phénomène qui résulte des forces intermoléculaires d’attraction entre les molécules du soluté et celles de la substance adsorbée. Les forces impliquées sont de type Van-derWaals ou électrostatiques et donc relativement faibles. Elle est facilement réversible. Ce phénomène contrôlé par la diffusion des molécules atteint son équilibre rapidement (quelques secondes ou à quelques minutes) mais peut se prolonger sur des temps très longs pour les adsorbants microporeux en raison du ralentissement de la diffusion de l’adsorbat dans ses structures de dimensions voisines du diamètre des molécules de l’adsorbant.
Adsorption chimique
Elle met en jeu une ou plusieurs liaisons chimiques covalentes ou ioniques entre l’adsorbat et l’adsorbant. La distance entre la surface et la molécule adsorbée est plus courte que dans le cas de la physisorption. Dans les liquides, l’adsorption chimique joue un rôle déterminant dans la stabilité des états de dispersion d’autres phases (mousses, émulsions, colloïdes). Ces propriétés sont mises à profit dans l’industrie des détergents. Les forces de liaison sont nettement supérieures aux forces de Van-der-Waals. Elles sont irréversibles ou difficilement réversibles.
Différents types d’adsorbants
Les adsorbants industriels ont généralement des surfaces spécifiques au-delàs de 100 m2 /g, atteignant ainsi quelques milliers de m2 /g. Ces adsorbants sont nécessairement microporeux avec des tailles de pores inférieures à 2 nm ou mésoporeux avec des tailles de pores comprises entre 2 nm et 50 nm. Les adsorbants industriels les plus courants utilisés sont les suivants : 18 • les charbons actifs ; • les gels de silice ; • les alumines activées ; • les argiles activées ; • les zéolites. Grâce à leur structure cristalline en feuillets, les argiles et les zéolites sont de bons adsorbants naturels (Gourouza et al., 2013). Le charbon actif est un excellent adsorbant ; sa capacité d’adsorption des molécules organiques et des gaz est remarquable, d’où son utilisation dans des domaines très variables (Jribi et al., 2017). Toutefois, ces applications sont plus nombreuses dans le domaine du traitement des eaux de surface notamment pour l’élimination des traces de matières organiques et plus particulièrement des pesticides. La bibliographie révèle aussi une grande importance donnée à l’étape d’adsorption à la surface du dioxyde de titane aussi bien pour les composés organiques que pour les métaux lourds ((BEKKOUCHE, 2012) ; (Yao Li et al., 2016) ; (Ahmad et al., 2017) ; (López-Muñoz et al., 2017)).
Isothermes d’adsorption
Les capacités des adsorbants à adsorber les différents constituants d’un mélange constituent le facteur le plus déterminant pour les performances de la majorité des procédés d’adsorption. Il est par conséquent essentiel de bien connaître les propriétés d’équilibre adsorbat-adsorbant pour pouvoir concevoir et dimensionner correctement les procédés d’adsorption. Les isothermes d’adsorption représentent la variation de la quantité (Qe) adsorbée sur un solide à l’équilibre en fonction de la concentration à l’équilibre (Ce) du composé adsorbable, à une température donnée. La courbe Qe = f(Ce) représente l’isotherme d’adsorption. Elle est employée pour établir la capacité maximale d’adsorption des adsorbats sur des adsorbants en mg.g-1 ou mmol.g-1 . Les isothermes d’adsorption en milieu aqueux sont déterminées expérimentalement en mettant en contact un adsorbat (le polluant étudié) en solution aqueuse et un adsorbant (le sable titanifère dans notre cas). En faisant varier d’une expérience à l’autre la concentration initiale en adsorbat, on obtient, une fois l’équilibre atteint, plusieurs couples (Ce, Qe). Ces données expérimentales peuvent ensuite être corrélées à des modèles 19 mathématiques qui doivent représenter au mieux les isothermes d’adsorption expérimentales dans une plage étendue de concentrations et de températures. Plusieurs modèles sont utilisés et parfois développés dans la littérature pour représenter ces isothermes d’adsorption. Toutefois, dans le cadre de l’adsorption de polluants organiques en milieu souterrain, les isothermes d’adsorption de Henry, de Langmuir et de Freundlich restent les plus utilisées. En effet, elles permettent de déterminer la capacité maximale d’adsorption des matériaux et la constante d’adsorption qui caractérise les interactions adsorbant-adsorbat (Langmuir, 1918).
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