La demande croissante en métaux (de bases ou de métaux rares), associée à une pénurie pour certains d’entre eux, entraine une forte relance des activités liées aux ressources minérales. Elle rend d’autant plus importante la compréhension des processus d’enrichissement en métaux et la proposition de modèles métallogéniques. Dans le contexte particulier des nouveaux axes politiques sur les ressources minérales, les méthodologies d’analyse sont encore largement imparfaites, voire exploratoires, pour certains outils. Par ailleurs, l’amélioration des instruments encourage l’analyse d’échantillons de plus en plus variés à une échelle de plus en plus fine.
La géochimie isotopique s’est révélée d’un apport important quant à l’identification et la caractérisation de gisements métalliques, par l’utilisation d’outils isotopiques traditionnels utilisés classiquement (isotopes du plomb, isotopes du soufre). La dernière décennie a vu une très importante évolution des technologies analytiques, notamment avec l’apparition des ICP-MS à multicollection, donnant accès à la mise au point de nouvelles méthodes d’analyses isotopiques, tels les isotopes du cuivre, du zinc, du molybdène, de l’osmium, etc… La combinaison de ces éléments n’a pour l’instant été que très peu utilisée alors qu’elle pourrait améliorer notre connaissance des gisements métalliques à travers le traçage des sources, la compréhension de la mobilité des métaux ou les processus de concentration des métaux.
Dans ce cadre, l’objectif principal de la thèse est d’étudier et de comprendre les variations isotopiques du molybdène des molybdénites, afin d’établir un lien entre signature isotopique du molybdène et contexte géologique. Dans un premier temps, cette étude a nécessité un développement de la méthodologie analytique de l’isotopie du molybdène, sur MC-ICP-MS, au sein des laboratoires du BRGM, qui n’effectuaient pas cette analyse jusqu’alors. Le développement de cette méthode a permis l’acquisition de nouvelles données, qui ont pu être associées à celles issues de la littérature, afin d’étudier les relations existantes entre type d’occurrence et composition isotopique du molybdène.
Le molybdène (Mo) est un métal de transition isolé pour la première fois par Carl Wilhelm Scheele en 1778, à partir d’une molybdénite. La molybdénite est le principal minéral porteur de Mo et le seul qui soit exploité pour le Mo. Le Mo est utilisé en industrie, notamment pour ses propriétés de résistance à haute température.
Dans le domaine scientifique, au cours des vingt dernières années, de nombreuses études se sont intéressées au fractionnement isotopique du molybdène, à la fois sur des échantillons naturels et sur des échantillons expérimentaux. Ces études montrent une gamme de variation de la composition isotopique du Mo (δ 98Mo) de 4‰ pour les échantillons naturels. Ce fractionnement isotopique est principalement dû à des transformations des espèces contenant du Mo et est souvent associé à des conditions d’oxydo-réduction particulières. Ainsi, l’isotopie du molybdène a été utilisée pour repérer des événements d’anoxie ou d’oxygénation, marine ou atmosphérique, pour comprendre les processus d’altérations, pour identifier une pollution anthropique, pour tracer les sources et processus de minéralisation des occurrences métallifères et pour permettre un enregistrement des processus biologiques (Zerkle et al., 2011). Dans cette étude, nous proposons d’améliorer nos connaissances sur les gisements métalliques grâce à l’isotopie du molybdène.
Le molybdène (Mo) est un métal de transition de numéro atomique 42 et de masse atomique M=95,96 g.mol⁻¹ . Sa teneur moyenne, dans la croûte terrestre, est seulement de 1 à 2 µg.g⁻¹ (Taylor & McLennan, 1985). Néanmoins, il est le métal de transition le plus abondant dans l’eau de mer avec une concentration d’environ 105 nmol.kg⁻¹ (Morris, 1975 ; Collier, 1985 ; Emerson & Huested, 1991). Il y est principalement présent sous la forme d’ion molybdate (MoO₄²⁻ ). Le temps de résidence du Mo dans l’océan est de 0,8 Ma (Morris, 1975). Le Mo de l’eau de mer provient principalement des rivières qui se chargent en Mo par l’altération physico chimique des roches continentales.
Suite à l’altération des roches continentales, le molybdène se retrouve en solution et peut être présent sous différentes formes selon les conditions de pH et le potentiel d’oxydo-réduction (Eh) . Dans les eaux oxygénées, les oxyanions MoO₄²⁻ sont dominants. Dans des conditions de pH<5, les espèces HMoO⁴⁻ et H₂MoO₄ prévalent. Le molybdène peut être par la suite incorporé dans les sédiments lors de la formation d’oxydes ferromagnésiens lorsque l’eau est oxygénée, ou par absorption sous la forme de thiomolybdates dans la matière organique en contexte sulfidique (Anbar, 2004 ; Crusius et al., 1996 ; McManus et al., 2006).
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