Traçage des circulations atmosphériques et océaniques en Atlantique Nord Subtropical à partir d’enregistrements géochimiques
LES TECHNIQUES D’ANALYSES GEOCHIMIQUES
Analyses géochimiques du plomb et de ses isotopes
Procédures de nettoyage et d’attaque
La géochimie des éléments traces nécessite, pour les étapes de préparation, d’attaque et de purification des échantillons, la mise au point d’un protocole rigoureux. Afin de diminuer les risques de contamination, toutes les manipulations doivent êtres réalisées en salle blanche sous atmosphère contrôlé. Les produits et le matériel nécessaires doivent, eux aussi, être source d’un minimum de pollution. Pour les analyses du plomb dans les coraux, une description complète des procédures à suivre a été élaborée par Shen et Boyle (1988a). Le protocole adopté ici repose fortement sur les étapes préconisées par les deux auteurs, même si quelques changements m’ont semblé nécessaires, tant dans les phases de nettoyages que dans les étapes de purification par chromatographie anionique. La séquence complète mise en place dans la salle blanche du CEREGE, nécessite 4 jours de travail et permet d’obtenir 12 échantillons purifiés prêts a être déposés sur filament de rhénium pour les analyses au spectromètre de masse à thermo-ionisation (TIMS). La figure 8 schématise l’ensemble du protocole suivi. F. Desenfant, 2004 : Chapitre 2, Mise en œuvre expérimentale -57- a. Séquences de nettoyage Les échantillons annuels découpés puis stockés dans des tubes en polyéthylène subissent une première phase de décontamination avec 2ml d’acide nitrique dilué à 0,2N (HNO3) dans des béchers en PTFE de 15ml préalablement nettoyés puis conditionnés en acide nitrique. Plusieurs rinçages à l’eau ultra pure (milli-Q) sont alors effectués durant lesquels les béchers sont placés en cuve à ultrason. Cette première phase a pour but de réduire la contamination de surface des échantillons. Les échantillons séchés dans les béchers en téflon sur plaque chauffante à 90°C pendant 3 heures sont fragmentés en morceaux de 4 à 6mm dans un mortier en agate. Ils sont ainsi prêts pour la seconde phase de décontamination. Pour ce faire, les petits fragments sont placés dans d’autres flacons en téflon préalablement nettoyés puis conditionnés en HNO3. La seconde phase de nettoyage se fait en quatre étapes que l’on répète deux fois consécutivement : dans un premier temps, les échantillons placés dans un bac à ultrasons pendant 10 minutes, sont noyés dans 3ml d’eau ultra pure (H2O) ; ils sont ensuite, pendant 2 minutes, nettoyés avec 2ml HNO3 0,2N rincés sous ultrason pendant 10minutes avec 3ml de H2O ; au troisième stade les échantillons sont oxydés pendant 10 minutes sous ultrason avec 2ml de peroxyde d’hydrogène à 50% (H2O2 ou eau oxygénée) et de nouveau rincés avec 3ml de H2O ; finalement ils sont nettoyés avec 2ml d’HNO3 0,2N puis rincés avec 3ml de H2O. L’intérêt de cette seconde séquence de nettoyage est d’éliminer sur la surface des petits fragments le plomb qui n’est pas incorporé dans la structure cristalline du corail ainsi que le plomb associé à la matière organique. Lors de cette seconde phase, Shen et Boyle préconisent l’utilisation d’acide nitrique à 0,15N, c’est-à-dire moins acide que celui utilisé ici. Cette légère différence a pour principal intérêt de diminuer le nombre d’acide à préparer et donc de diminuer les risques de pollution. F. Desenfant, 2004 : Chapitre 2, Mise en œuvre expérimentale -58- Forage, radiographie X, Sous-échantillonnage annuel Ech. annuel : ±0.8g par an Nettoyer à l’eau Milli-Q Nettoyer HNO3 0.2N et ultrasons (2’) Evaporation à 90°C puis mortier Agathe (4-6mm) Nettoyer avec Milli-Q et ultrasons (10’) Nettoyer HNO3 0.2N et ultrasons (2’) Rincer avec Milli-Q et ultrasons (10’) .Les fragments de 4-6 mm nettoyés sont séchés sur plaque chauffante à 90°C pendant 5 à 6 heures dans les béchers en téflon. Ils sont prêts pour l’attaque acide. Le protocole de Shen et Boyle (1988a) préconise une troisième phase de nettoyage, similaire à la seconde mais dans laquelle une réduction, avec un mélange d’hydrazine, d’ammoniaque, et d’acide citrique, apparaît à la place de l’étape d’oxydation. L’enjeu de cette réduction est d’éliminer les oxydes de fer et de manganèse ainsi que les atomes de plomb adsorbés sur ces oxydes. Les tests comparatifs, réalisés sur des fragments des carottes de Mona (Mo) et de Martinique (M1), avec ou sans cette étape de réduction, conduisent à une différence sur la concentration en plomb inférieure à 1%. Compte tenu des risques d’utilisation de ce mélange et des contaminations introduites, cette étape de réduction n’a pas été effectuée ici ; j’ai préféré dédoubler la seconde séquence de nettoyage et la phase d’oxydation de la matière organique. La forte affinité du plomb vis-à-vis la matière organique exposé par Reuer (2002) nous conforte dans ce choix. b. Dissolution des échantillons A ce stade, les fragments d’échantillons sont débarrassés des atomes de plomb adsorbés sur la surface des éléments structuraux des polypes coralliens et des atomes de plomb apportés par la matière organique. Les fragments secs sont pesés et placés dans des béchers en téflon nettoyés et pré conditionnés avec de l’acide chlorhydrique 0,6N. Les fragments sélectionnés lors de ce travail avaient une taille comprise entre 2 et 4mm, de façon à obtenir une masse voisine de 0,7-0,8mg avant attaque. Les attaques ont été réalisées dans des béchers hermétiques avec 2ml d’acide chlorhydrique 0,6N. Shen et Boyle (1988a) ont effectué toutes les dissolutions avec de l’acide bromique 9,8N (HBr) mais cela nécessite ensuite une étape de dilution cause de nombreuses erreurs. La dissolution de 1g de carbonate (99% de CaCO3) est totale avec moins de 2ml d’acide chlorhydrique 0,6N. L’attaque que j’ai réalisée permet donc de mettre l’ensemble des éléments en solution. L’utilisation de HCl est plus simple : la normalité est la même que celle utilisée ci-après lors des étapes de purifications, et aucune dilution n’est nécessaire. Il suffit, après quelques heures d’attaques (5-6h) sur plaque chauffante à 90°C, d’ouvrir délicatement les béchers et de laisser s’évaporer la fraction liquide. Le dépôt solide est ensuite repris avec 2ml d’acide bromique 0,5N (HBr) de façon à passer sur les résines chromatographiques. F. Desenfant, 2004 :
Purification sur résine échangeuse d’ions
Pour obtenir la concentration et les compositions isotopiques du plomb dans un échantillon une étape de purification est nécessaire. Les fragments d’aragonite après dissolution dans de l’acide chlorhydrique 0,6N, sont séchés, repris avec 2ml de HBr 0,5N puis sont injectés sur une résine échangeuse d’ion selon la méthode décrite par Manhes et al. (1978) et par Hamelin et al., (1997). Pour accéder aux concentrations en plomb l’ajout d’une quantité définit de « spike » est nécessaire. Le spike, enrichi majoritairement en isotope 208Pb, modifie les rapports isotopiques faisant intervenir cet isotope (208Pb/207Pb, 208Pb/206Pb et 208Pb/204Pb) et perturbe les autres rapports. Certains auteurs ont établi une droite de correction sur les rapports qui ne font pas intervenir l’isotope 208 de façon à estimer les proportions isotopiques des échantillons (Alleman, 1997). Cette méthode de correction est sujette à quelques erreurs ; j’ai donc préféré dédoubler les échantillons de façon a réaliser la mesure de concentration sur une fraction connue et les compositions isotopiques sur l’autre fraction de l’échantillon. Les fractions d’échantillons enrichies en 208Pb permettent, par la méthode de la dilution isotopique (ID : Isotopic Dilution ; Cf. Chapitre 2 – 2.2.1.3. b. Dilution isotopique) d’accéder à la concentration en plomb alors que les fractions d’échantillons non enrichis permettent d’obtenir les abondances isotopiques de l’échantillon (IC : Isotopic Composition). Chacune des deux fractions d’échantillons est ensuite purifiée séparément selon le protocole de Manhes et al. (1978). L’étape de purification des échantillons se fait dans des colonnes en polyéthylène de 3ml préalablement nettoyées dans trois bains acides pendant 24h dans chacun de ces trois bains. Les colonnes sont préparées avec 50µl de résine (AGI X8 ; 200-400mesh ; BIORAD) initialement nettoyées avec de l’acide chlorhydrique (0,6N) et de l’eau ultra pure. Les colonnes mises en place subissent de nouveau 3 séquences de nettoyage avec 0,3ml d’HCl 0,6N et 0,3ml d’H2O. Enfin, les résines échangeuses d’ions sont conditionnées en Br- par addition de 0,5ml d’HBr 0,5N. A ce stade, les fractions d’échantillons dissoutes, évaporées puis reprises avec du HBr 0,5N sont injectées sur les résines. Les cations en solution sont, du fait de la différence de charge électrique, adsorbés aux anions Br- de la résine. L’ajout de 0,1ml de HBr 0,5N permet ensuite d’éliminer les anions présents dans la solution et les cations autres que Pb2+ de la résine. L’élution des cations Pb2+ est réalisée dans des béchers en téflon propres avec 0,3ml de HCl 0,6N. L’éluât obtenu contient une proportion de Ca2+ (prés de 50%) qui n’est pas compatible avec les analyses en spectromètre de masse à thermo-ionisation (TIMS). Pour réduire cette quantité de calcium, deux autres séquences de purification similaire à celle décrite ci-dessus sont nécessaires. En fin de préparation, la proportion de Ca2+ contenue dans l’éluât de la troisième purification est inférieure à 15%. A la fin de la triple séquence de purification sur résine anionique, le plomb élué dans de l’acide chlorhydrique est mélangé à 30µl d’acide ortho phosphorique 0,1N (H3PO4), puis évaporé sur plaque chauffante à 90°C jusqu’à obtention d’une micro goutte de 1mm de diamètre. Avec une micro seringue équipée d’un capillaire en téflon, les micro gouttes sont mélangées respectivement avec 15 à 18µl de gel de silice (Silicagel – Référence interne CEREGE WB02) puis déposées sur un filament en rhénium. L’intérêt du mélange plomb, gel de silice et acide ortho phosphorique est de former un verre de silice qui emprisonne les atomes de plomb et qui, sous l’effet d’un courant électrique, permet une bonne ionisation dans la source du spectromètre de masse
Spectrométrie de Masse à Thermo-Ionisation (TIMS)
Les concentrations en plomb et les compositions isotopiques mesurées lors de ce travail ont été réalisées par Spectrométrie de Masse à Thermo-Ionisation (TIMS) au CEREGE sur Finnigan MAT262. Le principe de cette technique est exposé ci-après. a. Principe – Appareillage Les analyses réalisées par spectrométrie de masse peuvent se résumer à une production puis une séparation des ions produits. La production d’ions est obtenue par chauffage sous vide (10-7 à 10-8 atm.) du filament sur lequel l’échantillon purifié a été déposé. Les filaments de rhénium utilisés ont été chauffés en deux étapes successives de façon à permettre la formation du gel de silice : de 0 à 1,3amps en 13’ et de 1,3 à 1.8amps en 10’. La correspondance en température d’émission est difficile du fait de l’absence de pyromètre sur le Finnigan mais une calibration récente tend à démontrer qu’un filament de rhénium soumis à un ampérage de 1.8 présente une température d’émission proche de 1600°C (W. Barthélemy comm. pers. 2003). Après l’ouverture manuelle de la vanne qui sépare la source d’ionisation du reste du spectromètre, les ions sont accélérés, focalisés puis la séparation des ions s’effectue à l’aide d’un champ magnétique .
INTRODUCTION GENERALE |