Toxicité des anilines et phénols
L’organisme humain ainsi que tous les autres organismes vivants sont en relation avec leur milieu par un ensemble d’échanges qui contribuent à maintenir un équilibre dynamique. Par exemple, la respiration permet d’absorber l’oxygène de l’air et d’y rejeter du dioxyde de carbone. Quoi que nous fassions, le milieu nous influence et nous l’influençons. Ce principe d’action-réaction signifie que toute action a des conséquences. Le milieu ne constitue cependant pas un tout homogène, mais plutôt un ensemble composé de nombreux éléments, comprenant les produits chimiques qui peuvent affecter la santé des organismes vivants et l’équilibre de l’écosystème. (Figure 1) [1]. Figure 1: Milieu et différents éléments pouvant affecter l’écosystème et l’organisme vivant [1] Chaque année, l’industrie met des centaines de nouveaux produits sur le marché, venant ainsi accroître le nombre de ceux qui existent déjà. Il est important de connaître l’innocuité (qualité de ce qui n’est pas nuisible) ou la nocivité (caractère de ce qui est nuisible) des produits chimiques pour bien en saisir les effets sur notre santé et sur notre environnement. I.1 Notions et définitions [2] Définition de la toxicologie La toxicologie est depuis longtemps reconnue comme étant la science des poisons. Elle étudie les effets nocifs des substances chimiques sur les organismes vivants.
Définition d’un toxique (poison)
Un poison, ou toxique, est une substance capable de perturber le fonctionnement normal d’un organisme vivant. Il peut être de source naturelle (ex : poussières, pollen) ou artificielle (ex. : urée formaldéhyde), ou de nature chimique (ex. : acétone, benzène, anthrax…) ou biologique (ex. : aflatoxines, anthrax). I
Définition de la toxicité
Il s’agit de la capacité inhérente à une substance chimique de produire des effets nocifs chez un organisme vivant et qui en font une substance dangereuse. On parle alors d’un effet toxique, cet effet peut être local qui survient au point de contact, ou bien systémique qui survient à un endroit éloigné du point de contact initial. Les principales façons d’absorption au contact sont : l’inhalation (voie respiratoire), l’absorption par la peau (voie cutanée), l’ingestion (voie digestive).
Définition de la dose
La dose est la quantité d’une substance à laquelle un organisme vivant est exposé
Types de toxicité
Toxicité aigüe
est définie comme celle qui résulte de l’exposition unique et massive (ou de doses ramassées dans le temps) à un produit chimique entraînant des dommages corporels pouvant conduire à la mort .Elle introduit la notion de dose « absorbée » (par ingestion, inhalation ou contact cutané) et se mesure par la DL 50 (dose létale, ou dose provoquant la mort de 50% des animaux exposés à une dose unique du produit incriminé), exprimée en mg/kg de l’animal d’expérience retenu. b. Toxicité chronique : est le résultat de l’exposition prolongée à plus ou moins faible dose à un xénobiotique toxique dont les effets néfastes ne se feront sentir que quelques mois à quelques années voire des dizaines d’années plus tard. c. Toxicité subaigüe : correspond à un stade d’exposition intermédiaire de l’ordre de trois mois.
Evaluation de la toxicité
On peut citer quatre catégories pour évaluer un effet toxique (toxicité) Les études épidémiologiques, qui comparent plusieurs groupes d’individus ou les études de cas. Les études expérimentales in vivo, qui utilisent des animaux (ex. : lapin, rat et I. Toxicité des anilines et phénols 7 souris, Tetrahyména-pyriformis, poissons, algues…) ou les bio-essais sont utilisés Les études in vitro, effectuées sur des cultures de tissus ou des cellules. Les études théoriques par modélisation en l’occurrence les méthodes QSAR.
Toxicité des produits chimiques organiques
Sur 100 000 produits chimiques libérés dans l’environnement, moins de 1 à 5% ont des données de toxicité disponibles. Même pour les produits chimiques de volume de production élevé ou HPVCs (High Production Volume Chemicals), (les substances chimiques produites en quantités >1000 tonnes par an dans l’UE ou > environ 442 tonnes par an aux Etats-Unis) il y’a un manque d’informations concernant leur toxicité, comme le montre le Tableau 1 [3]. Tableau 1. Données de toxicité pour les produits chimiques de haute production Union européenne (UE) Etats -Unis (USA) Nombre 2465 2863 Données complètes de toxicité 3% 7% Donnée spartielles de toxicité 43% 50% Pas de données de toxicité 54% 43% Avec une préoccupation croissante sur l’environnement et la santé humaine, les gouvernements et les organismes de réglementation à travers le monde cherchent à évaluer les risques éco-toxicologiques posés par la libération des substances chimiques. Ils ont proposé que 30000 produits chimiques existants soient testés sur les animaux pour une gamme des effets toxiques [4]. Ce serait évidemment une tache très coûteuse, impliquant l’utilisation des milliers d’animaux, par conséquent le recours aux méthodes alternatives est devenu d’une grande importance.
Toxicité des anilines et phénols
Généralités sur les anilines
L’aniline, connue également comme phénylamine ou aminobenzène, est un composé organique aromatique de formule chimique C6H5NH2. C’est une amine primaire aromatique dérivée du benzène N H H H H H H H aniline
Historique
L’aniline a été isolée pour la première fois en 1826 par Otto Unverdorben par distillation de l’indigo. Celui-ci la baptisa crystalline. En 1834, Friedrich Runge parvint à isoler du goudron de houille une substance qui une fois traitée par du chlorure de chaux prend une couleur bleue. Il la baptisa kyanol ou cyanol. En 1841, C. J. Fritzsche obtint une substance huileuse en traitant de l’indigo avec de la potasse, qu’il baptisa aniline, d’après le nom d’une plante produisant de l’indigo, Indigo fera anil. Le mot anil est lui-même issu des termes sanskrits nīla, bleu profond, et nīlā plante d’indigo. A peu près en même temps, N.N. Zinin découvrit que la réduction du nitrobenzène permet d’obtenir une base qu’il baptisa benzidam. Par la suite, August Wilhelm von Hofmann étudia ces différentes substances et démontra en 1855 qu’elles sont identiques. La première utilisation d’aniline à l’échelle industrielle concerna la fabrication de la mauvéine, un colorant violet découvert en 1856 par William Henry Perkin.
Propriétés physico-chimiques
L’aniline, liquide à la température ambiante, est une substance huileuse incolore. A l’air, elle peut s’oxyder lentement et former une résine de couleur rouge-brune. L’aniline possède une odeur désagréable. Elle est aisément inflammable. L’aniline est une base faible. En effet, les amines aromatiques sont généralement des bases nettement plus faibles que les amines aliphatiques. En effet, le doublet porté par l’atome d’azote est en partie délocalisé (mésomérie), ce qui n’est plus le cas sous la forme protonée I. Toxicité des anilines et phénols 9 (forme acide) où le doublet est localisé sur la liaison N-H. La forme basique est donc plus stabilisée par mésomérie que la forme acide, d’où une constante d’acidité abaissée. Elle réagit avec les acides forts en formant des sels contenant l’ion anilinium (C6H5-NH3 + ). Elle réagit également avec les halogénures d’acyle (comme par exemple le chlorure d’éthanol CH3COCl) en formant des amides. Les amides formées à partir de l’aniline sont parfois nommés anilides : CH3-CO-NH-C6H5 est par exemple l’acétanilide. L’aniline réagit avec les iodures d’alkyle en formant des amines secondaires ou tertiaires. L’oxydation de l’aniline a été très étudiée. En solution basique, elle réagit pour former de l’azobenzène. L’acide chromique permet de la transformer en quinone. Elle réagit avec les ions chlorates en présence de sels métalliques (notamment de vanadium) en formant du noir d’aniline. Elle réagit avec l’acide chlorhydrique et le chlorate de potassium en formant du chloranile. L’oxydation par le permanganate de potassium produit du nitrobenzène en milieu neutre, de l’azobenzène de l’ammoniaque et de l’acide oxalique en milieu basique, et du noir d’aniline en milieu acide. Elle réagit avec l’acide hypochloreux en formant du para-amino phénol et du para-amino diphénylamine. Tout comme le benzène ou le phénol, l’aniline est réactive par substitution électrophile aromatique. Par exemple, elle peut subir une sulfonation pour former de l’acide sulfonique, qui peut être transformé en sulfonamides (médicaments très utilisé au début du XXe siècle comme antiseptique). L’aniline réagit avec l’acide nitreux en formant des sels de diazonium. Par leur intermédiaire, le groupement -NH3 peut être transformé de manière simple en groupement -OH, -CN ou halogénure.