TIC et SIG en Afrique
L’information géographique numérique et les Systèmes d’Information Géographique (SIG) sont conditionnés par le développement de technologies élaborées dans les pays industrialisés. Il s’agit, par exemple, du domaine de l’aérospatiale pour les images satellitaires, des études sur l’optique pour les orthophotographies aériennes ou de programmation informatique pour les logiciels. Dans une étude sur les pratiques de l’information géographique en Afrique de l’Ouest, on doit presque inéluctablement prendre en considération le contexte de diffusion et d’apprentissage de nouvelles technologies exogènes. La question qui est ainsi posée est : selon quelles formes et à partir de quels évènements historiques l’information géographique numérique et les usages des SIG se sont-ils développés dans la région du sud-Bénin ? Deux grands facteurs peuvent être d’ores et déjà mis en avant. Le premier est relatif aux initiatives spécifiques de soutien de l’équipement des technologies de l’information et de la communication en Afrique dans le cadre de l’Aide publique au développement. Le second porte sur l’environnement institutionnel béninois qui a évolué très vite depuis le début des années 1990 avec les contextes des plans d’ajustement structurel et des réformes économiques. 2.1.1 De nombreuses initiatives en faveur des Technologies de l’information et de la communication (TIC) L’information géographique, comme objet de communication et aboutissement de nouvelles technologies, fait partie d’une série de produits regroupés sous l’appellation de Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Dans cette catégorie, nous retrouvons également les télécommunications traditionnelles, la téléphonie mobile, la radiodiffusion (radio, télé), les systèmes de positionnement par satellite (GPS), l’informatique, Internet et le multimédia. Le point de convergence de ces différents outils est la transmission de l’information. On propose ici d’appréhender le contexte de la diffusion des Systèmes d’Informations Géographiques au Bénin dans le cadre des modalités de développement des TIC en Afrique. Le Bénin urbain à l’heure de l’information numérique et de la géomatique Chapitre 2 : Le Bénin urbain à l’heure de l’information numérique et de la géomatique 82 Au titre de la principale TIC, on peut contextualité en avant propos que par sa date de connectivité au réseau, le Bénin se classe dans la moyenne de la sous-région avec un développement des infrastructures entre 1995 et 1998. Le travail d’E. Bernard (2004) souligne que les périodes d’accessibilité à Internet de l’Afrique de l’Ouest, d’une façon générale, ne permettent pas de mettre en évidence un important retard historique par rapport aux autres régions du monde. Pour comparaison, en 1995, la France commençait juste à voir émerger ses premiers fournisseurs d’accès privés [BERNARD E. 2004, page 127]. En revanche, les données produites en 2008 par l’Union internationale des télécommunications (UIT – définition infra) révèlent un taux d’utilisation peu élevé d’Internet avec moins de deux internautes pour 100 habitants. Avec ces chiffres, le Bénin se situe dans la moyenne générale de l’Afrique de l’Ouest même s’il présente des écarts avec ses deux pays voisins le Togo et le Nigeria où l’usage d’Internet est plus courant. La figure 22, qui met en perspective l’évolution de l’utilisation d’Internet dans la population mondiale, montre que le continent africain se situe, d’une façon générale, très en dessous des autres grandes régions du monde. Cela dit, la courbe de l’Afrique présente une forte croissance. En l’espace de 5 ans, selon les données produites par l’UIT, la population recourant à Internet a été multipliée par 4,5 ce qui tend à mettre en évidence l’intensité des évolutions en cours.
Des discours très engagés de la communauté internationale pour « l’Afrique des technologies »
Dans les discours internationaux des années 1990, les TIC sont de plus en plus souvent vantés comme des outils incontournables pour le développement social et économique des territoires. Pour illustration, nous pouvons citer, parmi bien d’autres de même teneur, un rapport sur Internet produit par la Banque mondiale en 1996 sous le titre « Infodev : Annual report 1996 ». Dans ce document, les TIC sont présentées comme des « outils puissants aidant les pays en développement à se battre contre la pauvreté, la maladie, l’ignorance et la violence » et « une opportunité de bondir dans le futur, de rompre des décades de stagnations et de déclin ». Nous retrouvons ce type d’approche, également, dans le rapport 2007-2008 de la Conférence des Nations Unis sur le commerce et le développement (CNUCED). Ce document fait état de l’existence d’une forte corrélation entre l’intégration des TIC dans certains pays émergents et un accroissement notable de l’indice de développement humain [Référence Internet rapport du CNUCED sur les TIC]. Ces plaidoyers en faveur de l’utilisation des TIC proposent des initiatives pour éviter d’aggraver les écarts d’accès entre les pays du Nord et du Sud en faisant une distinction entre ceux qui y ont accès et les autres. On parle de « combler le fossé numérique » ou encore de la « réduction de la fracture numérique » comme si on avait affaire à une situation préalable unifiée, homogène qui aurait été brutalement séparée et pour lequel il faudrait rétablir de la continuité en résolvant la « fracture ». Partant de ces discours, différentes aides au développement des pays des Suds se sont orientées dans un appui à l’acquisition et l’utilisation des TIC. Ces objectifs sont clairement affichés, par exemple, dans le cadre de la 8e action des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) « Construire un partenariat mondial pour le développement » à travers sa cible 5 : « Partager les retombées du développement des NTIC avec les pays en développement » [Référence Internet ODM]. Une grande institution internationale des Nations Unies est dédiée spécifiquement aux technologies de l’information Chapitre 2 : Le Bénin urbain à l’heure de l’information numérique et de la géomatique 84 et de la communication. Il s’agit de l’Union internationale des télécommunications (UIT). Cet organisme attribue les fréquences radioélectriques et les orbites de satellite à travers le monde et élabore les normes techniques pour assurer l’interconnexion harmonieuse des réseaux entre eux. Sur son portail Internet, on peut lire que cette institution onusienne est « déterminée à connecter tous les habitants de la planète – quel que soit l’endroit où ils habitent et quels que soient leurs moyens » [Référence Internet IUT].
Des actions concrètes et des investissements propres de l’État béninois
L’essor des TIC dans leur ensemble bénéficie de dispositions politiques et sociales nationales. Celles-ci tendent à atténuer, dans une certaine mesure, les difficultés liées aux conditions économiques difficiles du pays. Ces dispositions locales prennent place à la fois dans un cadre officiel et un cadre plus informel. Les actions du Gouvernement du Bénin pour favoriser le recours aux TIC se caractérisent, d’abord, par la création en 2001 d’un ministère dédié, le Ministère de la Communication et de la Promotion des Technologies Nouvelles (MCPTN) et de l’Agence de Gestion des Nouvelles technologies et de la Communication (AGeNTIC). En 2003, le Conseil des Ministres du 12 février a adopté une Politique nationale des NTIC. Concernant Internet, une première connectivité du pays avait été mise en place en 1995 à l’occasion du Sixième Sommet de la Francophonie [BERNARD E., 2009]. La passerelle d’accès à Internet mise en place était alors de 64 kilobits par seconde. L’accès permanent par liaison spécialisée (connectivité en Full IP) a été possible à partir de 1998. Par sa position côtière, le Bénin a ensuite pu bénéficier d’une possibilité technique de connexion au câble sous-marin SAT-3-WASC dès 2002 au niveau de Cotonou comme quatre autres pays côtiers ouest-africains (le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigeria). Ce câble relie l’Afrique à l’Asie via le Portugal et l’Afrique du Sud. Tous les pays littoraux de la côte occidentale du continent africain n’ont pas fait le choix de ce raccordement en raison de son coût financier. Pour une collectivité territoriale africaine, les dépenses liées à l’acquisition d’un parc informatique peuvent constituer un frein au développement des usages des TIC d’une façon générale et des projets de mise en place de Système d’Information Géographique. Les sommes à débourser pour s’équiper sont souvent élevées du fait de la technicité des matériels et de leur identification en produit d’importation. Le Bénin et notoirement la région littorale présente une situation assez favorisée. Au Bénin, dans le cadre d’un accès plus large aux TIC, une initiative du Gouvernement, a autorisé une exonération des droits et taxes sur l’importation du matériel informatique ainsi Chapitre 2 : Le Bénin urbain à l’heure de l’information numérique et de la géomatique 87 que la taxe sur la valeur ajouté (TVA). C’est l’Article 224 du Nouveau code général des impôts. Ces dispositions fiscales particulières ont permis une légère réduction du coût d’équipement en matériel informatique. Ces dispositions ne concernent, cependant, pas tous les matériels des TIC notamment ceux nécessaires dans un projet SIG. Les récepteurs GPS ne bénéficient pas, par exemple, de ces avantages fiscaux. Leur coût de revient auprès des fournisseurs locaux est élevé à cause du faible marché local et des frais de douane à l’importation auxquels ce type de produit est soumis. Auprès des revendeurs nationaux, l’acquisition d’un outil modèle randonné permettant d’obtenir des points de coordonnées géographiques à plus ou moins 5 mètres de précision, après appel à concurrence, revenait, en 2011, à environ 950 000 FCA soit environ 4 fois le prix pratiqué à la même date en France. Aussi au Bénin, du moins jusqu’en 2011, l’utilisation des licences informatiques jouissait d’une réglementation très peu sévère sur le droit de propriété industrielle et d’une pratique développée du copiage. Le déploiement des nouvelles configurations de licence avec l’enregistrement d’une clé unique sur le réseau Internet ne va plus permettre à termes de telles pratiques. Ce contexte permissif pendant plusieurs années a permis à de nombreuses administrations d’acquérir des licences informatiques à moindre coût et, si ce n’est une connaissance complète des manipulations informatiques, de se familiariser à leur utilisation et d’être sensibilisées à l’opportunité de leur recours. A l’échelle spécifique du sud-Bénin, il se présente une situation privilégiée avec une position remarquable par rapport aux principaux centres de diffusion des matériels informatiques dans la sous-région ouest-africaine avec son port maritime et son aéroport. À Cotonou, le grand nombre d’opérateurs économiques autour de ces échanges commerciaux internationaux a permis, au fil des années, la constitution d’un véritable cadre concurrentiel dans la revente de matériels informatiques. Ce contexte local singulier a eu des répercussions directes sur les tarifs proposés pour plusieurs produits technologiques standards.