Théorie des actes de langage
Le langage occupe une place centrale dans les rapports sociaux, en particulier dans une interaction verbale. Comme nous l’avons analysé dans les chapitres précédents, l’énonciation se construit collectivement et elle met en jeu les positions sociales des participants. Produire un énoncé ne consiste pas uniquement à s’exprimer sur nos propres représentations du monde qui nous entoure. Nous avons cité plus haut CLARCK pour qui le langage est une « joint action ». Cette théorie suppose que les interactants coordonnent leurs actions afin de produire une véritable interaction. Cet auteur rejoint la position d’AUSTIN qui fut le premier à évoquer la notion d’actes de langage. Sa théorie émergea dans une période où l’on ignorait l’aspect pragmatique ainsi que la dimension sociale du langage. AUSTIN s’était rendu compte que les énoncés n’avaient pas pour unique fonction d’informer, mais qu’ils permettaient d’accomplir des actions, sans que l’aspect vériconditionnel du contenu de l’énoncé entre en considération. Il proposa alors une terminologie appropriée à ces énoncés : il nomma « performatives » les phrases qui accomplissaient un acte. Pour appuyer sa théorie, il prit les exemples des énoncés prononcés lors d’un baptême, d’un pari ou d’un legs.Pour ces exemples, il semble clair qu’énoncer la phrase (dans les circonstances appropriées, évidemment), ce n’est ni décrire ce qu’il faut bien reconnaître que je suis en train de faire en parlant ainsi, ni affirmer que je le fais : c’est le faire. Aucune des énonciations citées n’est vraie ou fausse : j’affirme la chose comme allant de soi et ne la discute pas […] Quel nom donner à une phrase ou à une énonciation de ce type ? Je propose de l’appeler une phrase performative ou une énonciation performative ou […] un « performatif ». […] Ce nom dérive, bien sûr, du verbe perform, verbe qu’on emploie d’ordinaire avec le substantif « action » : il indiquer que produire l’énonciation est exécuter une action (on ne considère pas, habituellement, cette production-là comme ne faisant que dire quelque chose).
Cette théorie implique que tout énoncé est obligatoirement performatif, car lorsqu’un locuteur produit un énoncé, même s’il s’agit d’une information ou d’une description, il accomplit un acte (informer, décrire etc.) C’est pourquoi les énoncés performatifs sont divisés en deux catégories : Dire quelque chose provoque souvent – le plus souvent – certains effets sur les sentiments, les pensées, les actes de l’auditoire ou de celui qui parle ou d’autres personnes encore. Et l’on peut parler dans le dessein, l’intention, ou le propos de susciter ces effets. Compte tenu de cela, nous pouvons dire que celui qui a parlé a produit un acte qui ou bien ne renvoie qu’indirectement à l’acte locutoire ou illocutoire, ou bien n’y renvoie pas du tout. Nos appellerons un tel acte un acte perlocutoire ou une perlocution […] De façon analogue, on peut distinguer l’acte locutoire « Il a dit que… », de l’acte illocutoire « Il a soutenu que… », et de l’acte perlocutoire « Il m’a convaincu que… ». On remarquera que les effets suscités par les perlocutions sont de vraies conséquences de tout élément conventionnel. (1970. : 114) L’énonciation est caractérisée comme ayant certains pouvoirs. […] Dire qu’un énoncé est un ordre, une interrogation, une affirmation, une promesse, une menace etc., c’est dire qu’il attribue divers effets à son énonciation, qu’il la présente notamment comme créatrice de droits et de devoirs. […] tout énoncé, fût-il en apparence tout à fait « objectif » […] fait allusion à son énonciation : dès qu’on parle, on parle de sa parole.AUSTIN a classé les actes illocutionnaires en différentes catégories. SEARLE a repris cette taxinomie pour en dénoncer les failles : il considère qu’il s’agit d’un classement de verbes aléatoire qui ne repose sur aucun critère pertinent. C’est pourquoi il les a regroupés en quatre catégories que rappellent MOESCHLER et REBOUL.