Théorie de l’apprentissage

La fatigue

La définition du Larousse (10) de la fatigue dite « normale » est : « un état physiologique consécutif à un effort prolongé, à un travail physique ou intellectuel intense et se traduisant par une difficulté à continuer cet effort ou ce travail ». La fatigue liée à la SEP est différente de la fatigue dite « normale » que chacun a déjà ressentie au moins une fois dans sa vie.

La fatigue liée à la sclérose en plaques :

La fatigue devient pathologique lorsqu’elle est sévère, chronique ou associée à d’autres symptômes fonctionnels. Elle est souvent décrite comme « un sentiment de grande lassitude physique ou mentale, elle a des répercussions majeures sur la qualité de vie car elle nuit aux activités de la vie quotidienne, à l’exercice et à la capacité de réagir contre les autres symptômes de la sclérose en plaques. Les personnes atteintes de SEP ressentent une sensation écrasante d’épuisement et de manque d’énergie sans proportion avec l’activité entreprise » (9).
Il existe 2 formes de fatigue dans la SEP : la fatigue primaire qui est causée par la maladie elle-même et la fatigue secondaire qui est expliquée par une cause (douleur, syndrome dépressif, troubles du sommeil, …).
En 2011, Charbonnier N (11) constate que de nombreuses enquêtes ont démontré que la plupart des personnes atteintes de SEP considère la fatigue comme normale et qu’elles n’en font pas ou peu part à leur médecin.
Entre 2003 et 2011, j’ai pu constater qu’il y a eu peu d’évolution concernant la prise en compte de ce symptôme. Cependant ce symptôme est bien réel et il existe différents moyens permettant d’agir dessus et ainsi de l’améliorer.
La fatigue liée à la SEP n’a pas de lien avec l’âge, le sexe, la durée de la maladie ou le handicap. La fatigue peut être déclenchée par différents facteurs : la chaleur, le temps chaud et humide, l’emploi d’un nouveau médicament, une activité physique intense ou l’usage des interférons béta, … La fatigue joue également un rôle important dans la rééducation. En effet, 50% des personnes estiment que ce paramètre aggrave les autres symptômes. Elle a une prévalence entre 50 et 90 % (5).
Selon l’étude de Fisk et al en 1994 (12), 14% des participants indiquent que la fatigue représente le problème le plus préoccupant et 55% des patients indiquent qu’elle est un des problèmes les plus sévères. La fatigue persistante affecte l’activité de penser et la capacité de désirer, elle a un impact sur la vie relationnelle et affective, sans oublier qu’elle peut entrainer une perte de confiance en soi.
La fatigue est une plainte subjective qui n’est pas visible par les membres de l’entourage et le monde professionnel. Elle peut être interprétée par l’entourage comme une plainte imaginaire, une manière d’attirer l’attention ou un prétexte pour ne pas effectuer une activité (Montreuil M, 2000) (12). Les professionnels vont avoir tendance à se focaliser sur la récupération motrice. Ceci va entraîner une minimisation de ce symptôme dans la prise en charge des patients, alors qu’elle a un impact certain sur la santé et la qualité de vie.
D’après Catteau A et Moreau T (2008) (13), « la proportion des patients n’exerçant pas d’activité professionnelle est de 25%, 5 ans après le diagnostic, parfois sans handicap permanent mais à cause de la fatigue ».
Cela montre également que la fatigue a des répercussions d’un point de vue économique, ce qui peut dans certains cas entraîner une diminution de la qualité de vie.

L’impact de la fatigue sur la qualité de vie :

Dans les années 90, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) (14) a défini la qualité de vie de la façon suivante : C’est « la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. Il s’agit d’un large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son environnement ».
La qualité de vie qui se dégrade avec la sclérose en plaques, est associée à : l’incapacité physique, notamment aux troubles locomoteurs, à l’état de fatigue, à la dépression, à la forme progressive de la maladie, aux contraintes financières, à la possibilité de maintenir une activité professionnelle et à la détérioration cognitive (Clavelou P, 2012) (15).
La fatigue à des répercussions sur la qualité de vie : sur le domaine physique, cognitif et psychosocial.
Suite aux informations récoltées, j’ai regardé si les ergothérapeutes intervenaient sur la fatigue ainsi que les méthodes qui pouvaient être utilisées. Je suis également allée voir certains membres de ma promotion qui avaient été dans un centre de rééducation en neurologie. Je leur ai demandé s’ils avaient pris en charge des personnes atteintes de SEP durant leurs stages et s’ils étaient intervenus sur la fatigue. Le bilan final de mon recueil d’information m’a révélé qu’aucune intervention sur ce symptôme n’avait eu lieu.
J’ai effectué une étude approfondie de la littérature, j’ai ainsi pu constater qu’un lien étroit existait entre l’éducation de principes d’économie d’énergie réalisée par un ergothérapeute et la fatigue.

L’ergothérapie

D’après l’Association Nationale Française des Ergothérapeutes (ANFE) (4), « l’ergothérapeute est un professionnel de santé qui fonde sa pratique sur le lien entre activité humaine et santé ».
L’objectif de cette profession est de maintenir, restaurer, mais aussi permettre d’effectuer les activités humaines de manière sécurisée, autonome et efficace.
L’ergothérapeute peut être amené à prévenir, réduire ou supprimer les situations de handicap, en prenant en compte les habitudes de vie et l’environnement de la personne. Il va intervenir sur ces éléments aux moyens d’activités adaptées, d’enseignement et d’apprentissage. La qualité de vie et la santé de la personne seront impactées si la maladie a une influence sur les capacités de celle-ci à réaliser les activités de la vie quotidienne.
D’après le référentiel d’activités, l’ergothérapeute doit écouter, informer, conseiller et réaliser de l’éducation préventive, auprès des personnes en situation de handicap et leur entourage (16).

Education des principes d’économie d’énergie :

Plusieurs études ont été réalisées, dans les pays anglo-saxons, pour déterminer l’efficacité du programme d’éducation d’économie d’énergie lié à la fatigue, en se basant sur le protocole utilisé par Packer et al (1995). Il a été testé à des stades différents de la maladie, allant de léger à modéré (Mathiowetz V, Matuska KM, Murphy ME, 2001) (17) et de modéré à sévère (Vanage SM, Gilbertson KK, Mathiowetz V, 2003) (18).
Au sujet du programme d’éducation des principes d’économie d’énergie, ce dernier a été effectué par des ergothérapeutes. Les participants étaient divisés en groupes, ils ont participé à un groupe d’entraide, à des cours d’économie d’énergie et pour finir ils ont été évalués plusieurs semaines après la fin du programme. Les études avaient pour objectif de déterminer l’efficacité de l’éducation de principes d’économie d’énergie sur l’impact de la fatigue et la qualité de vie.
Concernant les résultats obtenus pour les deux études, l’évaluation après le groupe d’entraide n’a pas montré de changement significatif sur l’impact de la fatigue sur la qualité de vie. Les cours d’économie d’énergie ont quant à eux permis de réduire l’impact de la fatigue à court (après la fin des cours) et moyen terme (après plusieurs semaines sans intervention).
Pour évaluer l’efficacité des cours, des bilans ont été utilisés :
• FIS (Fatigue Impact Scale) en prenant en compte 3 domaines : physique, cognitif et psychosocial.
• FSS (Fatigue Severity Scale).
• SEG qui est une jauge d’auto-efficacité.
• SEP-36 permettant de mesurer la qualité de vie.
• une évaluation mesurant le changement de comportement.
Les cours consistent à enseigner des principes qui seront à mettre en place dans la vie de tous les jours. Ces principes entraînent une modification du comportement afin de gérer au mieux la fatigue ressentie pendant la journée.
D’après Filion MJ (2005) (19), pour réussir à acquérir de nouvelles habitudes, les personnes doivent d’abord adopter une attitude d’ouverture au changement. En effet, si elles croient qu’elles gagneront à modifier leurs façons de procéder, elles y parviendront plus facilement.
Ces principes consistent à :
• Prendre des micro-pauses.
• Etablir des priorités (lister toutes les activités et les classer par ordre d’importance).
• Déléguer des tâches.
• Simplifier ses tâches et en éliminer.
• Planifier ses journées/semaine afin de les équilibrer (ex : mise en place d’un agenda).
• Adopter une bonne posture, organiser son environnement physique et de travail, utiliser des instruments pratiques/adaptés et prévenir les chutes.
• Analyser une activité et résoudre les problèmes qu’elle présente.
• Mettre en place des aides techniques.
Les études présentent dans la littérature professionnelle, faisaient toutes références à des prises en charge de groupe. Je n’en ai pas trouvé, en lien avec l’éducation des principes d’économie d’énergie, qui avaient été réalisées en individuel. Elles ont toutes été effectuées par des chercheurs venant de pays étrangers.
En France, il existe cependant pour les personnes atteintes de sclérose en plaques, des programmes d’éducation thérapeutique, qui sont des ateliers de groupe menés par différents professionnels de santé.

L’éducation thérapeutique :

D’après les recommandations de l’HAS (20), en France depuis 2007, l’éducation thérapeutique doit commencer après l’annonce du diagnostic.
Elle comporte :
• Une information sur la maladie, ses conséquences et son retentissement sur la vie personnelle, familiale et socio-professionnelle.
• Une information sur les traitements disponibles et adaptés, leurs effets bénéfiques attendus ou indésirables possibles, ce qui est adapté ou inadapté à leurs besoins, la planification de leurs examens de routine ou de dépistage de complications éventuelles, et les résultats de ces examens.
• Des conseils et un apprentissage de la gestion de leurs symptômes (notamment votre fatigue), de leurs capacités physiques (sports, renforcement musculaire, rééducation) et de l’adaptation de leur vie au quotidien.
• Eventuellement pour eux et leurs proches, un apprentissage des injections, des sondages urinaires et des autres gestes techniques nécessaires.
En France, il existe différents programmes d’Education ThéraPeutique (ETP) sur la sclérose en plaques. Selon les régions, il peut y avoir de 1 à 7 programmes autorisés par l’Agence Régionale de Santé (ARS).
Les programmes d’ETP peuvent être proposés par des structures, des associations ou par les réseaux SEP. Pour la plupart des programmes, l’atelier sur la gestion de la fatigue est réalisé par un kinésithérapeute en association avec une infirmière ou un psychologue. Il existe cependant quelques programmes qui sont menés par un ergothérapeute.
Les personnes atteintes de sclérose en plaques n’intègrent pas forcément un programme d’éducation thérapeutique. Il est essentiel de prendre en compte et en charge ce symptôme. La fatigue joue un rôle important dans la vie de la personne et sur la place qu’elle occupe. L’ergothérapeute a un rôle important à jouer, surtout dans l’éducation et le conseil qui font partis de son référentiel de compétences mais également d’activités et peut permettre d’apporter une vision différente de la situation. Il prend en compte la personne dans sa globalité en se basant sur ses habitudes de vie et son environnement.

Formation et coursTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *