Théorie classique des stratifiés
Introduction Les couches en composite ne sont jamais utilisées seules, mais sous la forme de stratifiés, à savoir en plaques obtenues par superposition de plusieurs plis, le plus souvent identiques. Les caractéristiques mécaniques de rigidité et résistance des couches normalement utilisées rendent en fait impossible l’utilisation de couches simples principalement à cause de: une trop forte anisotropie de la réponse élastique, au moins pour les couches à renfort unidirectionnel; une trop faible résistance en direction transversale; une trop petite épaisseur (≈ 0.125 mm pour les pre-pregs en carbone), ce qui rend d’un côté la rigidité, surtout celle flexionnelle, trop petite et de l’autre donne un fort danger d’instabilité à la compression, dans les deux directions. Les couches sont donc utilisées pour composer des stratifiés, par superposition d’un nombre suffisant de couches, selon les besoins conceptuels. Cette opération permet de créer des plaques dont les caractéristiques mécaniques, de rigidité et résistance, peuvent être l’objet de la conception. En fait, tandis que pour une plaque en matériau homogène c’est l’épaisseur le seul paramètre à dimensionner une fois le matériau choisi, un stratifié a des caractéristiques mécaniques finales qui dépendent aussi bien de celles des couches qui le composent que du nombre de ces couches et surtout de leur orientation relative. L’utilisation d’un stratifié nécessite donc d’une phase de conception et de vérification. La phase de conception doit comprendre normalement la conception de la résistance et de la rigidité. Il faut spécifier que ceci comporte non seulement la détermination de requis minimaux de résistances et rigidité, selon les besoins de la conception, mais aussi le type de réponse élastique (orthotrope, isotrope etc.). Un stratifié est, en définitive, un matériau complexe complètement à concevoir. n La théorie classique des stratifiés répond à cet but; son objectif est en fait celui de fournir un modèle mathématique capable de synthétiser la réponse élastique d’un stratifié comme si celui-ci était constitué simplement par une seule couche équivalente. Il s’agit, en définitive, comme déjà anticipé, d’un processus d’homogénéisation, dans l’épaisseur de la plaque, des caractéristiques mécaniques macroscopiques de rigidité. Les résultats de la théorie classique sont condensés dans une loi, qui formalise la réponse élastique de la plaque monocouche équivalente du stratifié, et ayant la même épaisseur totale. Il faut préciser dès maintenant que la théorie classique des stratifiés est seulement un modèle mathématique, basé sur la théorie classique des plaques en flexion et qui comme cette dernière est soumise à des critiques, encore plus importantes dans le cas des stratifiés pour une série de facteurs dépendants de l’anisotropie et durtout de l’hétérogénéité (de par la superposition de couches). Même si la théorie classique ne donne pas touts les résultats mécaniques (surtout les déformations et contraintes hors plan), elle est utile en phase de conception et indispensable dans la prédiction des caractéristiques élastiques globales du stratifié. Dans la suite, on introduit d’abord le modèle mécanique et donc on déduit la loi fondamentale des stratifiés. Dans un deuxième temps, on examinera le comportement hygrothermo-élastique, encore en théorie classique des stratifiés, et puis le cas simplifié des stratifiés à couches identiques. Finalement, on introduira l’utilisation de la représentation polaire en théorie classique des stratifiés, car ceci permet de mieux en comprendre certains aspect fondamentaux. On a dit que la théorie classique trouve sa meilleure application en phase de conception. Aujourd’hui, la conception des stratifiés fait encore l’objet de recherches, car on ne dispose pas encore d’une seule méthode capable de répondre à tous les besoins de conception. A cet aspect seront consacrés les chapitres qui suivent.
Le modèle mécanique
La théorie classique des stratifiés est basée sur les hypothèses suivantes: adhérence parfaite entre les couches; comportement élastique linéaire des couches; petits déplacements, rotations et déformations; épaisseur totale petite; modèle cinématique du Kirchhoff. On rappelle que le modèle de Kirchhoff comporte trois hypothèses qui concernent la déformation de chaque segment droit orthogonal au plan moyen, qui reste: rectiligne; orthogonal à la surface moyenne déformée; de la même longueur. Le choix de ce modèle cinématique a, c’est bien connu, des conséquences mécaniques importantes; en particulier, nous le verrons, on ne peut pas remonter aux déformations de cisaillement dans l’épaisseur de la plaque. Considérons donc, voir la figure, quelles sont dans le plan x-z les conséquences des hypothèses (dans le plan y-z on a une situation analogue). On cherche le déplacement u= (u,v,w) d’un point quelconque P, de coordonnées (x,y,z). Le point B (z=0) se porte en B’, avec un déplacement vertical w0, u0 en direction x et v0 en direction y. A’ B’ C’ β P’ β w0 u0 u w z z Le déplacement en direction x d’un point P, situé sur la verticale de B à distance z du plan moyen, sera où β est l’angle que la normale en B’ à la surface moyenne forme avec l’axe z. A remarquer que la distance de P’ depuis la surface moyenne est toujours z, de par l’hypothèse faite d’indéformabilité du segment vertical. Le déplacement de P en direction z sera, de son côté, Comme par hypothèse le segment normal au plan moyen reste rectiligne et orthogonal à la surface moyenne déformée, l’angle β est l’angle que le plan tangent à la surface moyenne forme avec l’axe x.
La loi fondamentale des stratifiés
La connaissance du champ de déformations permet de remonter, par le biais du calcul des contraintes, aux résultantes des actions internes, et de lier donc ces dernières aux déformations. Ceci est le but principal de la théorie classique des stratifiés. Nous avons vu que, dans le modèle mécanique utilisé, le champ de déformations est plan. Nous nous proposons à présent, en premier lieu, de passer au champ des contraintes. Ces passage est seulement apparemment immédiat, alors qu’en réalité il nécessite d’une certaines attention. y x θ x3=z x1 x2 D’abord, fixons la situation de calcul: il faut trouver les contraintes dans une couche comme en figure, en considérant que déformations et contraintes doivent être connues, en général, dans un repère quelconque {x, y, z}, où nous les indiquerons par le symbole ‘ (εi ‘ et σi ‘, i=1,…,6). 150 299 Copyright P. Vannucci – UVSQ paolo.vannucci@meca.uvsq.fr La loi fondamentale des stratifiés Si l’on considère un matériau quelconque, de par le fait qu’on a un état plan de déformation, les contraintes dans un repère quelconque, seront du type Donc, l’état de contrainte n’est pas, en général, plan. Mais si l’on considère la situation réelle, des matériaux avec renfort directionnel où, voir la figure, la comportement est isotrope transverse, avec direction x1 de l’axe orthogonal au plan d’isotropie.