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Avant-propos
Cette thèse est consacrée à l’étude de modèles stochastiques issus de la mécanique quan-tique, et plus particulièrement à l’analyse des marches quantiques ouvertes. L’objectif de cette thèse est d’étudier ces marches en tant qu’extensions de marches aléatoires classiques. En effet, elles apparaissent comme des analogues quantiques de ces dernières.
Les marches aléatoires sont des objets mathématiques qui forment un champ d’investi-gation théorique ouvrant de nombreuses pistes de recherche. Le modèle de base correspond à la marche aléatoire simple, introduite pour la première fois par G. Pólya en 1921 ([Pól21]). Dans celui-ci, un marcheur évolue sur un réseau en sautant à intervalles réguliers vers un de ses plus proches voisins, de manière équiprobable et indépendamment des pas précédents. Au-delà de cette première modélisation, il peut être pertinent d’introduire des règles plus complexes que les simples sauts réguliers vers les plus proches voisins pour régir les pas du marcheur. Il est donc judicieux d’étudier des modèles spécifiques de marches aléatoires, et plus précisément des modèles introduisant des phénomènes de mémoire. Les marches quantiques s’inscrivent dans cette réflexion.
Les marches quantiques décrivent l’évolution d’une particule sur un réseau dont les transitions sont sujettes à des phénomènes quantiques. Ces phénomènes sont régis par un paramètre que l’on nomme le degré interne de la particule. Les sauts successifs de site en site sont décrits par un processus de Markov appelé trajectoire quantique. Plus pré-cisément, une trajectoire quantique est la donnée de deux processus : le premier donne la position du marcheur (position de la particule) et le deuxième représente le paramètre quantique (évolution interne de la particule). Il est alors naturel de s’intéresser aux pro-priétés usuelles permettant d’analyser la position du marcheur : irréductibilité, ergodicité, etc. Néanmoins, contrairement aux marches aléatoires classiques, la composante quantique introduit un effet de mémoire. Le processus représentant la position du marcheur n’est alors pas nécessairement markovien. Les résultats sur les processus de Markov classiques ne se transposent donc pas aux marches quantiques ; c’est pourquoi les propriétés fines sur ces modèles nécessitent des études spécifiques.
Il existe différentes extensions de marches aléatoires dans le cadre quantique, dont l’une des premières fut introduite dans [ADZ93]. Les modèles les plus étudiés sont les marches quantiques unitaires. Ce type d’évolutions inspire de nombreuses études théo-riques ([Kem03, Kon02, Joy11, Joy12]) et trouve de multiples applications en information quantique ([AAKV01, NC10]). Ces marches adoptent un comportement non standard à l’infini. En effet, elles satisfont un théorème central limite mais la convergence est en « n » au lieu d’être en « √n ». De plus la distribution limite n’est pas gaussienne mais a une allure de courbe en « baignoire » ([Kon02]).
Les marches quantiques autour desquelles s’articule cette thèse sont les marches quan-tiques ouvertes.
Ces marches quantiques sont dites ouvertes car elles s’inscrivent dans l’étude de la vii dynamique des systèmes quantiques ouverts ([Att17, AJP06, BP02, Dav76]). Un système quantique est qualifié d’ouvert s’il interagit avec un environnement extérieur (bain de cha-leur, laser, …). Les dynamiques qui découlent des systèmes ouverts sont modélisées par des évolutions hamiltoniennes et markoviennes ([BR12]). Les évolutions hamiltoniennes décrivent le système de façon globale, c’est-à-dire le système d’étude couplé avec son en-vironnement. Malheureusement, la complexité de l’environnement ne permet pas d’avoir systématiquement accès à toutes les données du système global. Dans ce cas, l’environ-nement est délaissé et les dynamiques du système d’étude sont régies par des évolutions markoviennes. L’ensemble de mes travaux s’inscrit dans l’approche markovienne dans la-quelle deux types d’évolutions se distinguent : celles à temps discret dirigées par des canaux quantiques ([NC10, BŻ17, Wol12]) et celles à temps continu guidées par des opérateurs de Lindblad ([Lin76, GKS76]).
Les marches quantiques ouvertes à temps discret ont été introduites en 2012 par S. Attal, F. Petruccione, C. Sabot et I. Sinayskiy ([APSS12]). Ces marches ont donné lieu à diverses études théoriques décrivant la position du marcheur dans lesquelles un théorème central limite et un principe de grandes déviations ont été prouvés ([AGPS15, CP15]). Les marches quantiques ouvertes étant des généralisations de marches aléatoires classiques, des notions telles que l’irréductibilité et la périodicité ont été introduites ([CP16b]). Toujours dans l’optique d’étudier les marches quantiques ouvertes à travers cette analogie, les temps de sortie et d’atteinte ainsi que les problèmes de Dirichlet ont été étudiés dans [BBP17].
Ces marches ont également inspiré des modèles à temps continu : les marches quan-tiques ouvertes à temps continu définies par C. Pellegrini. Ces modèles, décrivant la dyna-mique continue d’une particule sur un graphe, apparaissent naturellement comme limites continues en temps de marches quantiques ouvertes discrètes ([Pel14]). Les trajectoires quantiques associées sont régies par des équations différentielles stochastiques avec sauts. Contrairement au cas discret, le paramètre interne évolue au cours du temps même si le marcheur reste immobile ; l’évolution est alors donnée par une équation différentielle déter-ministe. Les temps de saut sont quant à eux aléatoires et dépendent de la position ainsi que du paramètre quantique. Les trajectoires quantiques sont donc des processus markoviens déterministes par morceaux ([Dav84]). D’autres modèles de limites continues ont été développés dans [BBT14], où des limites en temps et en espace ont été considérées. Dans cet article, les auteurs ont introduit la notion de mouvement brownien quantique ouvert qui, comme son nom l’indique, est une extension quantique du mouvement brownien.
L’objet de mes travaux de recherche est l’étude des marches quantiques ouvertes à temps continu (introduites dans [Pel14]). Nous étudions les propriétés classiques associées aux chaînes de Markov et les théorèmes asymptotiques pour ce type de marches. J’ai no-tamment démontré un théorème central limite et un principe de grandes déviations pour la position du marcheur ([Bri17]). Parmi les outils probabilistes employés pour prouver ces résultats, on retrouve entre autres l’équation de Poisson ([MS02]), le problème de mar-tingale ([EK86]), le théorème central limite pour les martingales ([CP05]) et le théorème de Gärtner-Ellis ([DZ10]). Nous avons également étudié les propriétés de récurrence et de transience ([BBPP18]). Les objets manipulés dans ces articles sont des opérateurs à trace, des semi-groupes de Markov quantiques et des équations différentielles stochastiques avec sauts. Mes travaux actuels portent sur la théorie du potentiel associée à ces marches.
Nous proposons ci-dessous de décrire l’organisation du manuscrit de thèse. Il est consti-tué de deux parties : la première est une présentation générale des marches quantiques ouvertes alors que la seconde rassemble les articles rédigés au cours de cette thèse.
Détaillons brièvement le contenu de la première partie.
— Le premier chapitre donne une vue d’ensemble de la théorie des systèmes quantiques ouverts et justifie l’intérêt des modèles décrits dans les autres chapitres. Le lecteur pourra y trouver le bagage nécessaire afin de comprendre les axiomes mathéma-tiques de la mécanique quantique. Plus particulièrement, les dynamiques discrètes et continues des systèmes quantiques ouverts sont exposées ; elles sont respectivement dirigées par des canaux quantiques et des opérateurs de Lindblad. Ces opérateurs sont fondamentaux dans la définition des marches quantiques ouvertes.
— Le deuxième chapitre rassemble les différents résultats sur les marches quantiques ouvertes à temps discret ([APSS12]) : théorème central limite [AGPS15], principe de grandes déviations [CP15], irréductibilité [CP16b], temps d’atteinte [BBP17], etc. Nous étudions particulièrement le lien avec les modèles classiques ; plus précisé-ment, nous montrons que les marches quantiques ouvertes sont des généralisations de marches aléatoires classiques. Nous illustrons les notions étudiées à l’aide d’exemples et nous donnons quelques idées de preuves qui sont réemployées pour les modèles continus.
— Le troisième chapitre est consacré à l’étude des marches quantiques ouvertes à temps continu ([Pel14]). Nous présentons les résultats établis dans cette thèse ([Bri17, BBPP18]) en illustrant notre propos avec des exemples et en faisant le lien avec le modèle discret, ainsi qu’en exposant les différences qui peuvent survenir. Nous étu-dions également le lien avec les marches aléatoires classiques. Très peu d’éléments de preuves sont présents dans ce chapitre, nous exposons uniquement les outils pro-babilistes utilisés dans les démonstrations.
— Le quatrième chapitre rassemble quelques perspectives qui font suite à cette thèse. Une première piste de recherche consiste à s’intéresser au problème de Dirichlet pour les marches quantiques ouvertes à temps continu. La solution de ce problème permet notamment de calculer la loi du temps d’atteinte d’un certain domaine pour le marcheur. La seconde piste, moins corrélée avec les travaux précédents, consiste à établir des tests d’hypothèses à partir de résultats asymptotiques sur les mesures répétées non destructives.
La seconde partie regroupe les articles rédigés durant cette thèse.
— Le cinquième chapitre est dédié à la présentation de l’article « Central limit theo-rem and large deviation principle for continuous time open quantum walks » accepté aux Annales Henri Poincaré ([Bri17]). Il s’articule autour d’un théorème central li-mite et d’un principe de grandes déviations pour les marches quantiques ouvertes continues. Les résultats sont exposés dans leur intégralité et sont illustrés par de multiples exemples.
— Le sixième chapitre est consacré à la présentation de l’article « Recurrence and tran-sience of continuous time open quantum walks » qui est soumis aux Annales Henri Poincaré et qui a été rédigé en collaboration avec I. Bardet, Y. Pautrat et C. Pel-legrini [BBPP18]. Cet article aborde les questions d’irréductibilité, de transience et de récurrence pour les marches quantiques ouvertes à temps continu. La dualité récurrence-transience du cadre classique n’est plus vérifiée, néanmoins trois situa-tions distinctes apparaissent dans le cadre des marches quantiques ouvertes.
Table des matières
I Introduction et présentation des résultats
1 Système quantique ouvert
1.1 Les axiomes de la mécanique quantique
1.1.1 1er axiome : les états
1.1.2 2e axiome : mesure des observables
1.1.3 3e axiome : réduction du paquet d’onde
1.1.4 4e axiome : évolution temporelle du système
1.2 Système quantique ouvert
1.2.1 Système couplé
1.2.2 Trace partielle
1.2.3 Matrices densité
1.2.4 1er axiome étendu : les états
1.2.5 2e axiome étendu : mesure des observables
1.2.6 3e axiome étendu : réduction du paquet d’onde
1.2.7 4e axiome étendu : évolution temporelle du système
1.3 Interaction et évolution : cas discret
1.3.1 Canal quantique
1.3.2 Représentation de Kraus
1.3.3 Applications complètement positives
1.4 Mesures quantiques répétées
1.4.1 Effet Zénon quantique
1.4.2 Trajectoires quantiques discrètes
1.5 Interaction et évolution : cas continu
1.6 Trajectoires quantiques continues
1.6.1 Mesure sur les trajectoires quantiques
1.6.2 Équation de Schrödinger stochastique avec processus de saut
1.7 Trajectoires quantiques : du discret au continu
2 Marches quantiques ouvertes à temps discret
2.1 Définition du modèle
2.2 Lien avec les chaînes de Markov classiques
2.3 Exemple
2.4 Trajectoires quantiques
2.5 Propriétés
2.5.1 Irréductibilité
2.5.2 Transience et récurrence
2.6 Théorèmes asymptotiques pour les marches quantiques ouvertes homogènes
sur Zd
2.6.1 Théorème ergodique
2.6.2 Théorème central limite
2.6.3 Principe de grandes déviations
3 Marches quantiques ouvertes à temps continu
3.1 Définition du modèle
3.2 Lien avec les chaînes de Markov à temps continu
3.3 Exemple
3.4 Développement de Dyson
3.5 Trajectoires quantiques
3.5.1 Mesure sur les trajectoires quantiques
3.5.2 Équation maîtresse stochastique pour les marches quantiques ouvertes
3.5.3 Exemple et cas particuliers
3.5.4 Lien avec les marches quantiques ouvertes
3.6 Des marches quantiques ouvertes discrètes vers celles continues
3.7 Propriétés
3.7.1 Irréductibilité
3.7.2 Transience et récurrence
3.8 Théorèmes asymptotiques pour les marches quantiques ouvertes sur Zd
3.8.1 Théorème ergodique
3.8.2 Théorème central limite
3.8.3 Principe de grandes déviations
4 Perspectives
4.1 Problème de Dirichlet
4.2 Mesures quantiques non destructives
4.2.1 Modèle
4.2.2 Loi des grands nombres
4.2.3 Théorème central limite et théorème de Berry-Esseen
4.2.4 Tests d’hypothèses
Bibliographie.
II Présentation des articles
5 Central limit theorem and large deviation principle for continuous
open quantum walks
5.1 Introduction
5.2 Continuous Time Open Quantum Walks
5.2.1 Main setup
5.2.2 Quantum trajectories
5.3 Central Limit Theorem
5.4 Large Deviation Principle
5.5 Examples
6 Recurrence and transience of continuous time open quantum walks
6.1 Continuous time open quantum walks and their associated classical processes123
6.1.1 Definition of continuous-time open quantum walks
6.1.2 Dyson expansion and associated probability space
6.1.3 Quantum trajectories associated to CTOQW
6.1.4 Connection between Dyson expansion and quantum trajectories
6.2 Irreducibility of quantum Markov semigroups
6.3 Transience and recurrence of irreducible CTOQW
6.3.1 Definition of recurrence and transience
6.3.2 Technical results
6.3.3 Proof of Theorem 6.2
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