Tensiométrie classique
Il existe de nombreuses techniques de tensiométrie pour la mesure des tensions interfaciales (IFT). Nous allons présenter les deux tensiomètres que nous avons utilisés, à savoir la goutte pendante et la goutte tournante ; la goutte pendante étant adaptée aux tensions interfaciales supérieures à 1 mN/m et la goutte tournante à celles inférieures à 1 mN/m.
Goutte pendante
La goutte pendante est une méthode de tensiométrie reposant sur la géométrie d’une goutte formée à la sortie d’un capillaire. Afin de réaliser la mesure de la tension interfaciale entre un fluide 1 et un fluide 2, une goutte du fluide 1 (le fluide 1 possédant la masse volumique la plus élevée) est formée à l’extrémité d’un capillaire plongé dans le fluide 2. Nous utilisons un tensiomètre Krüss (modèle DSA 25) qui réalise une analyse numérique du profil de la goutte afin de calculer la tension interfaciale (la différence de densité entre les fluides étant connue). Cette méthode de la goutte pendante peut être réalisée sous pression et à haute température. En revanche, seules des IFT supérieures à 1 mN/m peuvent être mesurées.
Goutte tournante
La goutte tournante est une méthode de tensiométrie permettant de mesurer des tensions interfaciales inférieures à 1 mN/m et ce, en température mais uniquement à pression atmosphérique. Cette méthode repose sur la déformation d’une goutte soumise à une force centrifuge. Pour cela, une goutte de la phase « légère » est introduite au centre d’un capillaire contenant la phase la plus dense. Ce capillaire est alors mis en rotation. La vitesse de rotation est choisie de manière à ce que la longueur de la goutte à l’équilibre soit supérieure à quatre fois son rayon r. Lorsque l’équilibre est atteint, la force centrifuge et celle de surface s’équilibrent, il est possible d’appliquer la relation suivante : 2 3 1 4 1 r (32) Où r est le rayon de la goutte dans sa partie cylindrique, ω est la vitesse de rotation, ∆ρ est la différence de masse volumique entre les deux phases et γ est la tension interfaciale. Pour chaque paramètre, l’unité utilisée est celle du système international. Nous utilisons un Tensiométrie classique 63 tensiomètre Dataphysics SVT 20N qui a également la possibilité de réaliser la mesure en analysant le profil de la goutte.
Scan de salinité classique : méthode des vials
Nous réalisons les balayages de salinité, dans des vials de 20 ml, afin de déterminer la salinité optimale des formulations de tensioactifs. Dans ces vials, la phase organique est délicatement ajoutée le long des parois du vial afin de ne pas créer d’émulsions au contact de la phase aqueuse préalablement versée. Les volumes de phase aqueuse et de phase organique sont égaux à 10 ml. La phase aqueuse possède une concentration en tensioactifs constante, seule la concentration en sel varie entre les vials. Après la mise en contact des deux phases dans les vials, ils sont refermés et délicatement retournés puis remis à l’endroit avec le même soin. Cette étape permet d’augmenter l’interface et, par conséquent, d’accélérer le temps de mise à l’équilibre, sans pour autant créer d’émulsions. La préparation des vials étant terminée, la hauteur de chacune des phases est mesurée et les vials sont mis dans un bain thermostaté à la température souhaitée. Ils sont retournés et remis en place selon le protocole précédent une fois par jour pendant 5 jours puis laissés au repos jusqu’à l’obtention de l’équilibre. L’équilibre est considéré comme atteint lorsque la hauteur des phases reste constante pendant une semaine. Les vials sont ensuite observés afin de déterminer la salinité optimale correspondant à la formation du Winsor III (système triphasique), soit la salinité possédant la tension interfaciale minimale.Jusqu’à présent, nous avons décrit les méthodes existantes, utilisées afin de générer des valeurs de références. Nous allons maintenant décrire les différentes étapes du développement de notre tensiomètre microfluidique ; la première étape étant la fabrication de microsystèmes opérant à pression atmosphérique et température ambiante.
Microsystème à pression atmosphérique et température ambiante
La méthode est basée sur l’utilisation d’un système microfluidique qu’il convient de fabriquer et d’optimiser avant de pouvoir effectuer toute expérience. La première étape, l’étape de fabrication, est délicate. Les différentes étapes sont détaillées et les points critiques sont mis en évidence.
Fabrication
Le microsystème utilisé pour réaliser l’écoulement coaxial à pression atmosphérique et température ambiante est composé d’un capillaire cylindrique et d’un capillaire de section carrée en verre.Le capillaire de section carrée est préalablement étiré à l’aide d’un appareil nommé « pipette puller » (Sutter Instrument, P-97) afin de créer une buse de sortie de géométrie cylindrique et de dimension très inférieure au rayon interne du capillaire externe. Il est ensuite introduit dans le capillaire cylindrique. Afin d’assurer le centrage de la buse du capillaire interne par rapport au capillaire externe, la diagonale externe du capillaire de section carrée a été prise comme étant égale au diamètre interne du capillaire externe (Figure 25). Cette étape de centrage est un point critique, elle doit être vérifiée avant de poursuivre la microfabrication.1Ensuite, on utilise pour la connectique des nanoports (Up-church, Nanoport assembly N-333) que l’on entaille, créant ainsi un passage pour les capillaires. Ils sont collés sur une lamelle de verre de microscope à l’aide d’un anneau adhésif adéquat (fourni avec le nanoport) puis l’étanchéité est réalisée avec de la colle époxy (figure 26). Cette étape de collage est parfaitement adaptée pour les fluides modèles. Cependant, lors de l’utilisation d’un pétrole brut, la colle époxy est rapidement détériorée : l’étanchéité est perdue et des fuites apparaissent. De nombreux autres matériaux, tels que des résines ou des joints en silicone ont été essayés en vain. Un protocole de collage spécifique a été développé avec la colle époxy afin d’augmenter son taux de réticulation, et, ainsi, renforcer ses propriétés mécaniques. Ce protocole consiste à chauffer le microsystème pendant 5 min à 80 °C juste après le dépôt de la colle époxy puis à le mettre 4 h à 35 °C et deux jours à température ambiante. Ces étapes terminées, le microsystème peut être connecté aux seringues à l’aide de connectiques et tubings adéquats (Up-church, M-100 ; F-333N ; 1541-M ; 1520 FEP) afin de réaliser l’injection de la phase aqueuse et de la phase organique et de diriger les fluides sortant du microsystème vers un récipient.
Traitement de surface des capillaires
Le fonctionnement du tensiomètre microfluidique nécessite un contrôle parfait de la mouillabilité du capillaire externe. En effet, si la phase interne vient à mouiller la paroi du capillaire externe (figure 27), le modèle de la transition jet-gouttes n’est plus valide puisque ce dernier fait l’hypothèse de la concentricité des deux fluides dont l’écoulement est supposé axisymétrique.Un traitement de surface du capillaire externe doit donc être effectué avant le montage du microsystème. Si le fluide externe est aqueux (respectivement organique), la surface du capillaire externe doit être hydrophile (respectivement hydrophobe). La surface peut être traitée par deux procédés différents : adsorption de polymères sur la surface du capillaire; création d’une liaison covalente entre les atomes de silicium du capillaire et une molécule possédant les propriétés souhaitées.
Traitement hydrophile
Le traitement hydrophile est réalisé par adsorption d’hydroxypropylcellulose (HPC) sur la surface du capillaire externe. Après rinçage du capillaire avec 9 ml d’éthanol et 9 ml d’eau, 9 ml de solution d’HPC à 5%poids filtrée sur un filtre de 0,45 µm sont injectés dans le capillaire. Ensuite, pour contrôler l’épaisseur et l’uniformité du traitement, le capillaire est branché sur un flux d’azote de 300 mbar pendant 3 h à l’aide d’une source de pression contrôlée (MFCS4, Fluigent). Enfin, les capillaires sont laissés 30 min dans une étuve à 120 °C.
Traitement hydrophobe : silanisation
Le traitement hydrophobe est réalisé par silanisation de la surface avec de l’octadécyltrichlorosilane (OTS). Les silanols à la surface d’un capillaire en verre peuvent se condenser et former des ponts. On réalise donc une étape de « nettoyage » au préalable avec une solution dite « piranha » afin d’hydrolyser ces ponts et reformer des silanols. Cette étape consiste à injecter 2,5 ml d’un mélange 50/50 en volume d’acide sulfurique et de peroxyde d’hydrogène à un débit de 10 ml/h. La solution « piranha » est fortement exothermique et en constante ébullition. Au vu de sa dangerosité, il est donc primordial d’utiliser les EPI9 dédiés ainsi qu’une seringue de 5 ml afin de laisser 2,5 ml d’air pour éviter l’explosion de la seringue