Tendance unilatérale de la description des joueurs de jeux vidéo

Tendance unilatérale de la description des joueurs de jeux vidéo 

À travers l’histoire, de nombreux groupes ont eu à défendre leurs intérêts pour rééquilibrer une image négative prédominante dans l’imaginaire collectif. Encore aujourd’hui, certains continuent d’être stigmatisés et réduits à des stéréotypes simplistes et non représentatifs. Dans le même sens, le portrait peint jusqu’à maintenant des joueurs de jeux vidéo est plutôt négatif de manière générale, encore plus particulièrement à travers les médias de masse. L’image véhiculée dans ces derniers, et parfois au cœur même de la communauté des joueurs, semble le plus souvent se résumer à des stéréotypes datant des années 70 (Maclean, 2016) : homme obèse socialement isolé. Une recherche menée par Kowert, Griffiths et Oldmeadow (2012) auprès de 342 participants (dont 176 s’identifient comme des joueurs et 166 comme des non-joueurs) rapporte des stéréotypes semblables, associant les joueurs en ligne à des caractéristiques péjoratives comme impopulaires, peu attrayants, fainéants (idle) et socialement incompétents. Ces adjectifs plus ou moins flatteurs sont associés à la représentation populaire des joueurs, et cela autant chez les gens qui se reconnaissent ou non comme partie prenante de ce groupe.

Dans le même ordre d’idées, les chercheurs se sont majoritairement intéressés d’abord aux aspects pathologiques du jeu vidéo, principalement quant aux impacts (du contenu ou de la forme) sur les comportements des joueurs et au potentiel dommageable de l’activité. Ces études permettent, entre autres, de colliger davantage d’informations pouvant être par la suite communiquées à la population et tentent, par le fait même, de mieux comprendre et prévenir les potentielles conséquences négatives d’un loisir encore récent de notre histoire. Ainsi, les joueurs (ou leurs parents pour les joueurs mineurs) deviennent mieux outillés pour faire un choix éclairé quant à l’investissement en temps et en argent dans cette activité.

Conséquences négatives 

Des chercheurs se sont intéressés aux conséquences négatives de l’engagement dans les jeux vidéo, tous types de contenu confondus. Par exemple, Busch, Manders et de Leeuw (2013) ont réalisé une étude auprès de 2 425 adolescents allemands. Leur objectif était d’étudier les associations entre le temps passé devant un écran (Internet, jeux vidéo, télévision) et la santé chez les jeunes. Les résultats révélaient que l’utilisation compulsive et excessive des activités liées à un écran était associée avec divers problèmes psychosociaux et un surpoids. Une étude menée par Vandewater, Shim et Caplovitz (2004) a démontré que c’était l’utilisation des jeux vidéo qui présentait la plus forte corrélation positive avec le surpoids chez les jeunes. Un autre exemple serait l’étude de Schmit, Chauchard, Chabrol et Sejourne (2011), ayant fait ressortir que les joueurs dépendants comparativement aux non dépendants, auraient peu de relations sociales ou qu’ils percevraient leur milieu social d’une qualité faible. Une autre étude menée par Wenzel, Bakken, Johansson, Götestam et Øren (2009) a révélé que 45,2 % des joueurs accumulant plus de 4 heures de jeu par jour auraient des problèmes de sommeil. Ces études ne sont que quelques exemples des nombreuses recherches ayant porté sur les conséquences négatives d’une utilisation excessive des jeux vidéo.

Violence, agressivité et délinquance 

D’autres auteurs se sont intéressés à la relation entre jeux vidéo violents et agressivité (p. ex., Anderson, 2004; Anderson et al., 2008; Anderson et al., 2010; Griffiths, 1999; Porter & Starcevic, 2007; Sherry, 2001; Sigurdsson, Gudjonsson, Bragason, Kristjansdottir, & Sigfusdottir, 2006; Wallenius & Punamäki, 2008; Willoughby, Adachi, & Good, 2012), où certains ont tenté de lier directement ce type de divertissement à des événements tragiques comme les fusillades de masse (Anderson, 2004; Anderson & Dill, 2000; Benedetti, 2007), croyance d’ailleurs encore aujourd’hui répandue par certains politiciens et médias (Draper, 2019). Craig A. Anderson, professeur à l’université de l’état d’Iowa, est d’ailleurs l’un des chercheurs notables dans le domaine, travaillant depuis le début des années 90 sur le sujet. Ses études les plus citées, et aussi les plus contestées (Society for Media Psychology and Technology, 2017), soutiennent qu’il y a des relations significatives entre une exposition brève ou prolongée à des jeux vidéo violents et l’augmentation de comportements agressifs et la délinquance (Anderson & Dill, 2000).

Besoin d’études « positives » sur les joueurs de jeux vidéo 

Étant donné l’intérêt de nombreux chercheurs envers les aspects négatifs de l’engagement des individus dans les jeux vidéo, il paraît pertinent de rééquilibrer le portrait qu’on a de cette population. Jusqu’à aujourd’hui, aucune recherche publiée n’a étudié les joueurs de jeux vidéo en termes de valeurs et de forces de caractère, telles que proposées par Peterson et Seligman (2004), éminents auteurs du courant de la psychologie positive. Ce serait pourtant intéressant et utile de connaître les forces psychologiques de cette population grandissante afin d’apporter davantage de nuances dans l’image véhiculée des joueurs. Avec l’avènement plus récent de l’Esport et son influence grandissante au cœur même de nos institutions scolaires (Quénoi, 2018), apporter une vision plus nuancée semble encore plus d’actualité. Il pourrait aussi être pratique de mieux connaître cette population afin que les développeurs puissent concevoir une expérience d’autant plus adaptée à leurs forces, permettant ainsi de produire du contenu pouvant être davantage satisfaisant et agréable pour les joueurs. Il s’agit également d’une occasion supplémentaire pour bonifier les données disponibles dans le domaine de la psychologie positive en s’intéressant à une nouvelle population. Pour ces différentes raisons, cette étude vise donc à contribuer à une vision plus complète et holistique de cette population qui ne cesse de croître en s’y intéressant autrement, soit d’un point de vue de la psychologie positive.

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Ampleur du phénomène des jeux vidéo 

Accessibilité

L’histoire des jeux vidéo accessibles au grand public a commencé dans les années 70, via les bornes d’arcade et les premières consoles de salon. Depuis, de nombreux progrès technologiques et une plus grande accessibilité ont permis à ce loisir de rejoindre un public de plus en plus large. Alors qu’en 1995, le nombre de joueurs de jeux vidéo était estimé à 100 millions au niveau planétaire, ce nombre serait aujourd’hui passé à 2,6 milliards d’êtres humains (Meeker, 2017). Les statistiques de l’Association canadienne du logiciel et du divertissement (2018) démontrent que 61% des canadiens, tous groupes d’âge confondus, se considèrent comme des joueurs; toutefois, 64 % auraient joué à un jeu vidéo au cours des 4 dernières semaines. Selon cette source, plus de 23 millions de Canadiens sont des joueurs, 89 % des foyers canadiens possèdent un ordinateur et 60 % possèdent au moins une console de jeu. Aux États-Unis, les statistiques sont semblables : 60 % des Américains jouent quotidiennement aux jeux vidéo et 64 % de la population possède au moins un appareil utilisé pour jouer aux jeux vidéo (Entertainment Software Association, 2018). En Europe, 48 % des habitants de 16 pays différents jouent à des jeux vidéo (Bosmans & Maskell, 2012). Depuis l’arrivée des téléphones intelligents et leur popularisation, toute personne ayant un intérêt minimal pour ce type de loisir peut facilement y avoir accès, du fond de sa poche.

Revenus concernés 

Bien que le jeu vidéo soit encore jeune dans les différents domaines du divertissement, ce dernier trouve de plus en plus sa place comme matériel culturel et aussi comme source de revenus non négligeable. D’après les statistiques de Ontario Créatif (2017), le Canada se situe au 8e rang mondial pour les revenus tirés de ce marché en 2016. Selon les données de SuperData Research (van Dreunen & Llamas, 2015), la part de l’industrie du jeu vidéo dans le marché du divertissement aux États-Unis est passée de 5 % des revenus totaux en 1985 à 13 % en 2015. Toujours selon cette source, le marché international du jeu vidéo a généré des revenus totalisant 74,2 milliards de dollars dans la même année. Deux ans plus tard, en 2017, l’industrie du jeu vidéo et des médias interactifs (Esport, réalité étendue, contenus vidéo de gaming) totalise des revenus de 108,4 milliards de dollars (SuperData, 2018).

Table des matières

Introduction
Contexte théorique
La psychologie positive
La classification du Character Strenghts and Virtues
Tendance unilatérale de la description des joueurs de jeux vidéo
Conséquences négatives
Violence, agressivité et délinquance
Besoin d’études « positives » sur les joueurs de jeux vidéo
Ampleur du phénomène des jeux vidéo
Accessibilité
Revenus concernés
Pourquoi jouer aux jeux vidéo
La théorie de l’autodétermination
Études sur les joueurs de jeux vidéo et la TAD
La présente étude
Les types de joueur
Le temps consacré aux jeux vidéo
Objectifs et hypothèses
Méthode
Participants
Instruments de mesure
VIA-120
Gaming Motivation Scale
Questionnaire sociodémographique
Déroulement
Résultats
Stratégies d’analyse
Différences entre les groupes
Type de joueur et temps à jouer
Valeurs selon type de joueur
Forces selon type de joueur
Motivation selon type de joueur
Discussion
Interprétation des résultats
Comparatif à l’échantillon canadien
Différences et ressemblances en termes de valeurs et de forces de caractère
Réflexion entourant ces comparatifs
Comparatif des différents types de joueur
Différences et ressemblances en termes de valeurs
Différences et ressemblances en termes de forces de caractère
Différences et ressemblances en termes de motivation
Réflexion entourant ces comparatifs
Forces et limites de l’étude
Implications de la recherche
Au niveau théorique
Au niveau pratique
Pistes pour des études futures
Conclusion

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