Techniques de modélisation des mousses en milieu poreux 

Techniques de modélisation des mousses en milieu poreux 

 Les principaux effets de la mousse qui doivent être modélisés sont : (1) la réduction de mobilité du gaz et sa dépendance aux divers paramètres impactant la performance de la mousse, et (2) l’absence de modification de la mobilité des phases huile et eau dans les applications pétrolières. Par conséquent, pour ces deux phases liquides, les lois de Darcy généralisées restent inchangées à la présence de mousse en milieu poreux. En ce qui concerne le gaz, l’usage de cette loi classique est délicat en raison de sa structure caractéristique en présence de mousse (phase discontinue). Pour un écoulement Darcéen, la réduction de mobilité du gaz sous forme de mousse peut être portée par la perméabilité relative au gaz et/ou par la viscosité du gaz. Dans la littérature, une multitude de modèles est proposée pour prédire le comportement de la mousse dans les milieux poreux. Ces modèles peuvent être classés en deux catégories : — modèles à lamelles (également appelés  population balance models ) qui simulent la génération, la destruction et le transport des lamelles en milieu poreux, — modèles empiriques (à l’équilibre) qui ne cherchent à prédire que la réduction de mobilité du gaz en régime permanent lorsque celui-ci s’écoule sous forme de mousse. Ces modèles sont fondés sur des formulations empiriques calibrées à partir de déplacements de mousse sur carottes au laboratoire. Ces modélisations ont fait l’objet de plusieurs revues scientifiques . Dans ce chapitre, nous présentons d’abord le modèle d’écoulement polyphasique commun à ces deux approches, puis nous explicitons les caractéristiques de chaque type de modèle en mettant en évidence les forces et faiblesses de chaque approche. 

Modèle d’écoulement polyphasique

 La modélisation des mousses en milieu poreux s’inscrit dans le cadre des équations de Darcy généralisées. En effet, l’écoulement des fluides en milieu poreux est régi par un système d’équations aux dérivées partielles résultant de la conservation de la masse de chaque phase et de leur compositions d’une part, et d’une loi de comportement reliant la vitesse, la pression et la saturation de cette phase, d’autre part (loi de Darcy généralisée). Dans le cadre d’applications pétrolières, nous considérons un écoulement polyphasique d’eau, gaz et huile transportant différents constituants α dont les équations de conservation de masse s’écrivent ( ∂t (ρiφSi) + div (ρiui) = si(t) P iSi = 1 ∂t (ρiφSix α i ) + div (ρix α i ui) = s α i (t) P α x α i = 1 (2.1) o`u, pour chaque phase i = w, g, o, Si désigne la saturation, ρi la masse volumique, si et s α i le débit massique injecté ou produit aux puits ; x α i désigne la fraction massique du constituant α transporté par la phase i, φ la porosité du milieu poreux et ui la vitesse de filtration. Pour des écoulements laminaires (i.e. faibles vitesses), la vitesse ui est régie par la loi de Darcy généralisée ui = − kkri(Si) µi (∇Pi − ρig) avec Pi(Si) − Pj (Si) = P ij c (Si) (2.2) o`u Pi désigne la pression de la phase i, kri sa perméabilité relative, µi sa viscosité ; k désigne la perméabilité du milieux poreux et g l’accélération de la gravité ; P ij c désigne la différence de pression, ou encore la pression capillaire, entre deux phases i et j. Les flux de diffusion-dispersion et l’adsorption des composants sont omis dans le système (2.1). Notons que ce système doit être complété par les conditions initiales et aux limites (flux ou pression aux bords imposés) pour poser complètement le problème. L’application de la loi de Darcy généralisée dans les modèles de réservoir est basée sur l’existence d’un volume élémentaire représentatif (REV) qui désigne le plus petit volume audessus duquel un effet de moyenne se manifeste sur les phénomènes ayant lieu à l’échelle du pore. Si par exemple on choisit un élément de volume V constitué par une sphère centrée sur le point considéré, et si on fait varier le rayon R de cette sphère, on obtient une porosité moyenne φ = 1 V (R) R R 0 φ(R) dV fonction de R telle qu’illustrée sur la figure 2.1. Nous remarquons que la porosité moyenne φ peut être constante à une échelle locale caractérisée par le REV. Ainsi, le milieu poreux peut être considéré comme un milieu continu caractérisé par des valeurs locales et les lois macroscopiques de l’écoulement peuvent être appliquées en tout point de l’espace. La pression capillaire P ij c entre les deux phases non miscibles i et j résulte de la courbure de l’interface séparant les deux fluides et de la tension interfaciale σ caractéristique du couple de fluides considéré. Un raisonnement simple sur un tube capillaire montre que la pression la plus forte doit être celle du fluide mouillant situé du coté de la concavité. De plus, le saut de pression dans ce cas vaut Pc = 2σ cos θ/r, o`u θ désigne l’angle de mouillage du fluide mouillant à la paroi et r le rayon du tube, en vertu de la loi de Laplace-Young. Dans un milieu poreux donné 40 Figure 2.1 – Volume élémentaire représentative (REV) illustré pour la porosité : le plus petit volume au-dessus duquel une mesure de porosité peut être représentative. et pour une échelle suffisamment grande, la pression capillaire peut être liée uniquement à la saturation et de la façon dont on conduit l’expérience. Considérons par exemple l’expérience de drainage suivante : on injecte un fluide 2 non mouillant dans un échantillon initialement saturé en fluide 1 mouillant. La relation pression capillaire-saturation, qui est généralement mesurée au cours d’un drainage, est illustrée par la courbe 1 en Figure 2.2 (a). On remarque qu’une certaine quantité du fluide 1 reste dans l’échantillon même pour les pressions les plus élevées : c’est la saturation irréductible en fluide mouillant. Si maintenant, on part de l’échantillon à cette saturation et on déplace le fluide non mouillant par le fluide mouillant (processus d’imbibition), on obtient la courbe 2 de la figure 2.2 (a). On note ainsi une saturation résiduelle en fluide non mouillant pour une pression capillaire nulle. Nous remarquons que pour la même valeur de saturation, la pression capillaire diffère notablement entre les deux processus (effet d’hystérésis). Ces phénomènes d’hystérésis n’ont toutefois pas été pris en compte dans le cadre de cette étude de déplacements de mousse car ceux-ci sont quasi-toujours des processus de drainage (saturation en gaz du milieu toujours croissante). Pour des milieux poreux homothétiques, l’influence des paramètres impactant la pression capillaire s’exprime au moyen de la fonction sans dimension suivante, connue sous le nom de fonction de Leverett [65] : J(Sw) = Pc (Sw) σ cos θ s k φ (2.3) o`u J(Sw) dépend uniquement de la saturation et est invariante pour les milieux poreux homothétiques. Les perméabilités relatives kri sont des mesures adimensionnelles des perméabilités effectives de chaque phase i. Elles reflètent la capacité d’une phase à traverser un milieu poreux en présence d’autres phases qui gênent son écoulement. Ces grandeurs dépendent de plusieurs paramètres dont la saturation et l’angle de mouillage θ sont les principaux [6]. Notons ainsi que deux milieux poreux homothétiques doivent avoir les mêmes courbes de perméabilités relatives 41 Chapitre 2 : Techniques de modélisation des mousses en milieu poreux … puisque l’influence de la dimension caractéristique des pores sur les fonctions de kr est souvent négligeable. Considérons toujours l’expérience du déplacement de deux fluides non miscibles décrite plus haut. Les perméabilités relatives sont définies donc uniquement dans l’intervalle de saturation en fluide 1 : S1i ≤ S1 ≤ 1−S2r, o`u S1i est la saturation irréductible en fluide 1 et S2r saturation résiduelle en fluide 2. L’allure générale de ces fonctions est représentée sur la figure 2.2 (b). On remarque que la perméabilité relative au fluide mouillant kr1 a, pour la saturation maximale 1 − S2r, une valeur très faible, tandis que kr2 a, pour la saturation S1i , une valeur proche de 1. Cela signifie que la présence du fluide mouillant à sa saturation irréductible gêne très peu l’écoulement du fluide non mouillant puisqu’il occupe les petits pores qui ne contribuent que faiblement à l’écoulement. Par contre, la présence du fluide non mouillant à sa saturation résiduelle gêne significativement l’écoulement du fluide mouillant. En effet, cette saturation résiduelle en fluide non mouillant est présente sous forme de gouttelettes piégées dans les gros pores et qui bloquent effectivement le flux du fluide mouillant dans ces pores. Les perméabilités relatives, tout comme la pression capillaire, dépendent de la façon dont on a conduit l’expérience. Les courbes de la figure 2.2 (b) mettent en évidence cette dépendance. On remarque que la perméabilité relative au fluide 1 mouillant change très peu avec le sens de variation de la saturation, tandis que celle du fluide 2 non mouillant montre une forte sensibilité aux processus (drainage ou imbibition). Cet effet d’hystérésis sur les kr est couramment observé en laboratoire.

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Modèles empiriques 

Etant donné la complexité des mécanismes mis en jeu par les solutions moussantes, plusieurs ´ auteurs ont adopté une modélisation empirique des effets de la mousse qui se traduit essentiellement par une réduction de mobilité du gaz sans chercher à décrire son comportement dynamique lié à la génération, destruction et transport des lamelles en milieu poreux. Cela signifie que, dans ce type de modèle, il est supposé que la texture de la mousse atteint instantanément une valeur locale constante. En réalité, ces modèles sont basés sur l’hypothèse de l’équilibre local entre génération et destruction des lamelles dans le milieu poreux. Cette hypothèse peut se justifier dans le cas particulier o`u les phénomènes transitoires de génération et de destruction de la mousse ont lieu sur des échelles de temps très courtes. Ce genre d’approche est essentiellement motivé par la nécessité de disposer d’un modèle pratique et simple qui puisse s’adapter aux structures extrêmement compliquées des gisements d’hydrocarbures (géométrie et distribution des fluides et des hétérogénéités), avec un nombre de paramètres minimal, moyennant des étapes de calibration à partir de mesures de déplacements sur micro-modèles ou milieux poreux naturels. Ces modèles n’explicitent pas de relation entre la mobilité du gaz et la texture de la mousse mais restituent uniquement la réduction de mobilité du gaz au moyen de corrélations aux multiples paramètres (concentration, saturations, vitesse) reconnus impacter la mousse. Plus précisément, 43 Chapitre 2 : Techniques de modélisation des mousses en milieu poreux … ces modèles, dits empiriques, interpolent la viscosité du gaz ou la perméabilité relative au gaz en fonction de ces paramètres. Nous les passons en revue ci-dessous. Le premier modèle empirique a été proposé par Marfoe et al (1987) [66] : la réduction de mobilité du gaz a été décrite par une viscosité effective du gaz µ f g comme une fonction de la saturation en eau Sw, concentration en tensioactif Cs et vitesse du gaz sous forme de mousse u f g µ f g = µg  1 + 0.01Cs (Sw − Swi) f(u f g )  (2.5) o`u Swi désigne la saturation irréductible en eau et f une fonction d’ajustement (dans leur travaux, Marfoe et al (1987) ont fixé f à 1). L’équation (2.5) montre que la viscosité effective du gaz moussant augmente avec la concentration en tensioactif et la saturation en eau. Plus tard, cette formulation simple a été améliorée par Islam et Ali (1988) [67] pour inclure les effets de la perméabilité du milieu k et la saturation en huile So comme µ f g = µg [1 + D fc(Cs) (Sw − Swi) fk(k) + fp(∇Pg)] 1 + ES2 o (2.6) o`u ∇Pg désigne le gradient local de la pression du gaz. Les paramètres D et E, et les fonctions fc, fk, et fp permettent une certaine flexibilité du modèle pour un meilleur ajustement des données expérimentales et assurent la conformité avec les observations expérimentales : la viscosité effective du gaz sous forme de mousse diminue avec la saturation en huile (effet préjudiciable à la présence des mousses) et augmente avec la perméabilité du milieu poreux (une réduction de mobilité du gaz plus importante dans les zones de fortes perméabilités).

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