Techniques de mesure de lentilles thermiques

Techniques de mesure de lentilles thermiques

La première mise en évidence des effets thermiques dans un laser date d’à peine 5 ans après l’invention du laser. En 1965, Gordon, Leite et Whinnery [Gordon 65] travaillent aux Bell Labs sur un laser Helium Neon, avec le but de construire une source pour la spectroscopie Raman. En plaçant dans la cavité des cuves de liquide (a priori transparent) pour initier un régime déclenché, ils observent alors des phénomènes inattendus, tels que des sauts de mode ou des oscillations de relaxation. Mis en alerte par la constante de temps exceptionnellement longue de ces phénomènes (plusieurs secondes), ils démontrent que c’est une lentille thermique qui est à l’origine des com- portements observés : elle est créée par l’absorption (très faible) du laser au sein des cuves conte- nant les liquides. L’application principale de leur découverte, pronostiquent-il alors, devrait être la mesure de coefficients d’absorption très petits, pouvant aller jusqu’à 10-4 cm-1. En fait, la détermi- nation de la focale thermique permet maintenant de mesurer des coefficients d’absorption plus petits que 10-7 cm-1 [Fournier 80]. Depuis 65, l’éventail des méthodes dites photothermiques maintenant accessibles au physicien, et au chimiste, s’est considérablement diversifié [Bialkowski 96]. L’effet que Gordon et ses collègues ont mis en évidence a ceci de particulier que c’est un effet « auto-induit » : on peut donc parler d’automodulation de phase, car c’est le laser excitateur qui modifie sa propre phase en chauffant le milieu dans lequel il se propage. Le parallèle avec le phé- nomène du même nom bien connu en optique non linéaire n’est pas fortuit : si le faisceau laser est de forme gaussienne, la lentille créée est aberrante et le profil d’intensité possède alors, spatia- lement, toutes les caractéristiques que l’on connaît dans le domaine temporel pour les impulsions automodulées en phase (avec une structure annulaire irrégulière, voir [Dabby 70]).

Nous avons expliqué (dans l’introduction de cette deuxième partie) l’intérêt que présentait, pour le concepteur de sources laser, la mesure de la lentille thermique. Le chapitre théorique qui pré- cède nous a également montré que la modélisation fine est d’une très grande complexité. Ce qui fait qu’à l’heure actuelle, avec les paramètres physiques dont nous disposons et avec les outils de simulation accessibles, il n’est possible de modéliser complètement les effets thermiques que dans des matériaux simples, c’est-à-dire concrètement dans les verres et dans certains cristaux cubiques (comme le YAG). Pour tout le reste, la méthode expérimentale est la seule possible. Depuis les années 70, on cherche donc à mesurer, le plus précisément mais aussi le plus simple- ment possible, la lentille thermique dans les lasers solides. La simplicité n’est pas un enjeu anodin en effet, puisqu’un banc de mesure de lentilles thermiques est, idéalement, un outil de caractérisa- tion que l’on souhaite le plus « presse-bouton » possible : à la limite on rêve d’un instrument qui, à l’instar d’un mesureur de puissance ou de M2, puisse servir à des contrôles en routine. On com- prend ainsi pourquoi on ne s’est jamais vraiment contenté des techniques interférométriques. Voici dans cette seconde partie un état de l’art des différentes techniques développées pour me- surer les lentilles thermiques dans les lasers solides. Les méthodes sont exposées dans un ordre de complexité croissant, ce qui correspond également à peu de choses près à l’ordre chronologique des publications citées. Nous avons classé ces techniques en trois catégories : les méthodes géométriques (basées soit sur le déplacement d’un point focal, soit sur la déflexion de rayons lumineux) ; les méthodes basées sur les propriétés des modes de cavité ; et enfin les méthodes de mesure de front d’onde.

Le principe de base est on ne peut plus simple : si un faisceau de sonde traversant le cristal se trouve focalisé en un endroit défini, l’installation d’une lentille thermique dans le cristal a pour effet de déplacer ce point focal. La mesure de ce déplacement permet de remonter à la focale thermique grâce aux lois les plus élémentaires de l’optique géométrique. Lorsque le diamètre de la zone pompée est suffisamment grand, on peut par exemple utiliser un faisceau collimaté de dia- mètre comparable et chercher le point de focalisation. La recherche du foyer peut se faire en ba- layant un petit trou le long de l’axe de propagation, en cherchant à maximiser la puissance trans- mise à travers ce trou (voir figure II.1.1) [Burnham 70]. Ces méthodes partent de l’hypothèse que les lentilles sont parfaites (sans aberrations) et sont plutôt adaptées aux géométries de pompage transverse, avec des cristaux de grandes sections. Elles s’appliquent très mal aux lasers pompés longitudinalement, que ce soit par diode ou par laser.

 

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