Techniques d’optimisation
Une fois le profil d’aile représenté le plus fidèlement possible grâce à une des méthodes présentées précédemment, il faut résoudre le problème principal : l’optimisation de la forme de ce profil pour obtenir les meilleures performances possibles. Pour le faire, il existe de nombreux algorithmes basés sur différentes approches. Les principales approches ainsi que leurs points forts et points faibles seront présentés dans ce chapitre, afin de mieux comprendre l’état actuel du domaine et les choix réalisés dans ce mémoire.
L’approche multi-objectifs
L’approche multi-objectifs d’un problème d’optimisation de profil d’aile a pour principal intérêt de prendre en compte plusieurs aspects du problème pour évaluer la validité d’une solution. Dans le cas d’un profil d’aile, on peut vouloir diminuer la traînée tout en augmentant la portance, ainsi il faut donc trouver le meilleur compromis entre ces deux objectifs. Il peut également s’agir d’objectifs multidisciplinaires, comme améliorer les performances aérodynamiques sans augmenter le poids ou alléger la structure.
L’optimisation multi-objectif permet d’obtenir non pas une solution optimale, mais un set de solutions, chacune optimale selon un certain critère; ainsi en faisant un compromis sur l’ensemble des objectifs il est possible de choisir quelle solution est la plus adaptée au problème. Ce système est souvent basé sur le « front de Pareto » : une solution en domine une autre si elle est au moins aussi bonne pour tous les objectifs et meilleure pour un objectif en particulier. Toutes les solutions n’étant dominées par aucune autre solution forment le front de Pareto, qui correspond donc à l’ensemble de toutes les solutions optimales.
Il existe deux manières de traiter un problème multi-objectifs : la première manière consiste à combiner les différents objectifs en un seul objectif, généralement en les pondérant, ainsi il est possible de réaliser une optimisation mono-objective. La seconde manière consiste à utiliser un vrai algorithme multi-objectif pour déterminer le « front de Pareto ». L’avantage de la seconde méthode est qu’on choisit l’objectif que l’on veut prioriser une fois les résultats obtenus, alors que la pondération des objectifs dans la première méthode nous oblige à faire ce choix avant l’obtention des résultats. Le fait de pondérer les objectifs avant l’obtention des résultats risque d’aboutir à une solution non-optimale en cas d’erreur d’évaluation de l’importance de certains objectifs. Choisir quels objectifs prioriser une fois les résultats obtenus permet de réduire ce risque.
Au cours des dernières années, l’usage de ces algorithmes s’est répandu et de nombreuses études ont été effectuées afin de les améliorer, comme par exemple, celles menées par LopezIbanez (Lopez-Ibanez & Stutzle, 2012) pour automatiser le processus d’optimisation multiobjectifs via l’ACO (Ant Colony Optimization).
Méthode par multipoints
Au début du processus d’optimisation le choix doit être effectué entre une approche multipoints ou mono-point. Chacune présente des avantages et des inconvénients, c’est pour cela qu’il est important d’analyser le problème à résoudre, afin de déterminer l’approche la plus adaptée. Dans la plupart des processus d’optimisation, l’approche monopoint est adoptée : dans le cas d’un profil d’aile cette approche consiste à trouver la forme optimale du profil pour une condition de vol spécifique (le vol de croisière par exemple) caractérisée par une vitesse de vol, un nombre de Mach, un angle d’attaque, etc.
L’inconvénient de cette démarche est que lorsqu’on s’éloigne de ces conditions de vol, lors du décollage/atterrissage par exemple, les performances de l’aile deviennent pires que celles de l’aile de base. C’est logique car actuellement les designs des profils d’ailes sont basés sur un compromis des performances sur toutes les phases de vol.
L’optimisation par approche multipoints permet d’éviter ce problème en cherchant la meilleure solution pour plusieurs conditions de vol, ce qui permet finalement une amélioration globale de l’aile, sur l’ensemble de la plage de vol, plus importante, comme montré par Chai (Chai, Yu, & Wang, 2017) en comparant les résultats obtenus par l’approche multipoints avec ceux obtenus par l’approche monopoint dans le cas d’un vol de Boeing 787-8.
De manière générale dans l’industrie aéronautique, une approche multipoints et multi-objectifs doit être valorisée, car le design d’un avion est un problème multidisciplinaire, ainsi ces approches permettent d’obtenir les meilleurs compromis entre la performance, le coût et la faisabilité du design.
Technique d’optimisation basée sur le gradient
La technique d’optimisation basée sur le gradient est peut-être une des premières à avoir été développée puisqu’on peut la faire remonter jusqu’à Cauchy (1847). Dans son expression la plus simple, elle consiste à minimiser une fonction par itérations, en déplaçant la recherche de la solution dans la direction opposée au gradient.
D’un point de vue mathématique, les algorithmes basés sur cette méthode sont assez lourds et prennent beaucoup de temps de calcul, car à chaque itération, le gradient de la fonction objectif est calculé jusqu’à ce qu’il soit inférieur à sa valeur d’arrêt. Cette valeur d’arrêt est fixée par l’utilisateur, elle correspond à la valeur à partir de laquelle la solution obtenue est considérée comme bonne, c’est-à-dire que l’équation ∇𝑓(𝑥) = 0 est considérée satisfaite. L’efficacité de ce type d’algorithme dépend donc fortement du choix de définition du gradient et du produit scalaire choisi. En effet cette méthode est appliquée dans un espace considéré comme un espace Hilbertien, et les propriétés mathématiques de ce genre d’espace impliquent que toute direction d telle que f’(x).d < 0 est l’opposé du gradient de f en x pour un certain produit scalaire.
Cependant, de nombreuses études se penchent sur ce type d’algorithme et de nombreuses variantes ont été développées pour s’adapter à divers types de problèmes, comme le montre Snyman (Snyman, 2005).
Algorithmes génétiques
Les algorithmes génétiques ont été développés en imitant le phénomène d’évolution naturelle. Pour fournir une explication de leur fonctionnement global, il est courant d’employer des termes de biologie, en référence au concept de base de ces algorithmes.
– Une population est un ensemble d’individus ;
– Un individu est une solution à un problème donné ;
– Un gène est une partie d’un individu, donc d’une solution ;
– Une génération correspond à une itération.
Ces algorithmes sont basés sur le principe de l’évolution darwinienne, ainsi chaque génération est basée sur les meilleurs individus de la génération précédente, ceux « capables de survivre », sont donc les meilleures solutions qui sont sélectionnées. Le fonctionnement des algorithmes génétiques suit cinq étapes distinctes (Karaboga & Akay, 2009): Premièrement, il faut créer la population initiale. La méthode de création est libre, il suffit que chaque individu soit une solution potentielle au problème. En général pour réduire le temps de calcul la population initiale est créée aléatoirement. La taille de la population initiale n’a pas besoin d’être importante, il suffit que les individus soient suffisamment différents pour obtenir un bassin de gènes assez concluant. Il faut ensuite évaluer, dans la deuxième étape, les individus pour pouvoir créer la prochaine génération. Les critères d’évaluation doivent être définis par l’utilisateur, car ils déterminent quels individus seront sélectionnés.
La troisième étape consiste en la création de nouveaux individus. Il existe plusieurs manières de sélectionner les individus pour en créer de nouveaux : la première est la roulette qui représente les individus par les secteurs d’une roue, la taille du secteur dépendant de la qualité de l’individu. La seconde est la méthode de la sélection par rang qui consiste en une variation de la roulette, basée sur les rangs attribués en fonction de la qualité de l’individu. La troisième méthode de sélection est la sélection par tournoi qui consiste en des « matchs » entre individus sélectionnés au hasard dans la population, le vainqueur en étant le meilleur individu. Il est possible de créer plusieurs tournois ou de faire varier le nombre de participants. La dernière méthode de sélection est l’élitisme qui permet de mettre en avant les individus les plus prometteurs et qui permet une convergence plus rapide des solutions. L’inconvénient est que les individus choisis risquent d’avoir plusieurs gènes en commun, ce qui limite la diversité du bassin génomique. Il faut ensuite choisir comment seront créés les nouveaux individus, par « croisement » ou par « mutation ». La quatrième étape consiste à intégrer ces nouveaux individus à la population. La meilleure manière est de les ajouter à la population initiale puis de sélectionner les N meilleurs individus. Finalement, la dernière étape consiste à itérer les précédentes étapes jusqu’à trouver la meilleure solution.
INTRODUCTION |