Système d’encapsulation multicouche pour la gradation de potentiel dans les modules de puissance
Gradation de potentiel par modification des propriétés électriques des matériaux isolants
Dans cette section, nous présentons l’une autre stratégie de gradation de potentiel visant à réduire les renforcements de champ à travers la modification des propriétés électriques des matériaux d’encapsulation de volume. Ensuite, nous illustrerons cette stratégie par des exemples.
Stratégie mise en place
La stratégie de base utilisée est d’étirer les lignes de potentiel dans le volume de l’encapsulation en les éloignant du point triple afin de diminuer le pic de champ électrique. Pour effectuer cette gradation dans le volume de l’isolant, la stratégie consiste à modifier ses propriétés électriques. La réfraction des équipotentielles dépend de la permittivité complexe des matériaux isolants comme illustré sur la Figure I. 32. Selon que ε1 est supérieure ou inférieure à ε2, les équipotentielles et des lignes de champ se réfractent différemment en accord avec le schéma de la figure suivante (loi de Smell – Descartes). Chapitre I 40 Figure I. 32: Réfraction d’une équipotentielles à l’interface de deux matériaux de permittivité complexe différentes La permittivité complexe des matériaux diélectriques s’écrit de la manière suivante : Eq. I 1 La permittivité complexe des matériaux diélectriques est dépendante de la permittivité ( �′ ) et la conductivité (�). Doncpour modifier la répartition de potentiel, deux voies sont possibles: augmenter la conductivité ou augmenter la permittivité. Pour ce faire, ici encore deux voies sont envisageables : – la première voie concerne l’ajout d’une couche mince à la surface du DBC juste en dessous de l’encapsulant de volume . La répartition de la contrainte électrique est toutefois peu modifiée avec l’utilisation d’une couche capacitive. La réduction du champ induite par ce type de matériau est donc faible . Les auteurs estiment que les rapports de permittivité entre la couche capacitive (de permittivité de 2 à 10) et l’isolant de volume ne sont pas assez importants. En revanche, l’ajout d’une couche semi-résistive à conductivité contrôlée à la surface du DBC réduit fortement les renforcements de champ. Les couches semi-résistives peuvent être des dépôts plasmas à propriétés semirésistives (a-Si:H) ou des vernis polymères chargés avec des particules semi-conductrices ou non linéaires de type SiC ou ZnO. – la seconde voie pour lisser le potentiel est de modifier directement les propriétés électriques des matériaux d’encapsulation de volume. Une telle modification peut se faire au moyen d’un chargement de l’encapsulant avec des particules inorganiques (high-k ou semi-conductrices). Les études montrent un impact conséquent sur la réduction du pic de champ par des chargements en particules à forte permittivité ou semi-conductrices.
Stratégie de gradation par couches répartitrices
Nous venons de présenter dans le paragraphe ci-dessus les stratégies mises en place pour grader le potentiel dans le volume de l’encapsulation. Passons maintenant aux résultats obtenus dans la littérature pour des couches répartitrices. La Figure I. 33 montre la répartition du potentiel dans un espace interélectrodes sous tension continue. Sur la Figure I. 33 a), nous avons la répartition du potentiel dans un Impact de l’augmentation de la densité de puissance sur les modules de puissance 41 espace inter-électrodes sans vernis. On constate une répartition non-homogène du potentiel de surface. Sur le premier tiers de la distance inter-électrodes, la chute de tension représente deux tiers de la tension appliquée. Sur la Figure I. 33 b), nous avons la répartition de la tension dans un espace inter-électrodes avec un vernis chargé avec des particules de ZnO (35 % en volume). Dans ce cas, on remarque une linéarisation du potentiel dans l’espace inter-électrode donc une réduction de la contrainte. (a) (b) Figure I. 33: Répartition du potentiel dans un espace inter-électrodes : a) sans vernis, b) avec un vernis chargé à 35 % vol. en ZnO [65] Un modèle numérique comparant l’influence d’un gel diélectrique avec ou sans couche semi-résistive sur le champ électrique a été développé . Les résultats obtenus par le modèle sont représentés sur la Figure I. 34. La valeur maximale du champ obtenue est de 23 kV/mm en présence du gel seulement. En revanche, avec l’ajout de la couche semi-conductrice, la valeur du champ électrique diminue à 9 kV/mm. Figure I. 34: Répartition du champ électrique, a) gel seul et b) avec une couche semi-résistive + gel Des mesures de décharges partielles sur des structures avec et sans film semi-résistif ont été réalisées selon la norme IEC 1287 . La couche semi-résistive est du silicium amorphe hydrogéné (a-Si:H) de 300 nm déposé par plasma (PECVD). Lors des mesures du seuil d’apparition de DP, il a été observé de meilleurs résultats en présence de la couche de a-Si:H. En effet, la quantité de charge reste inférieure à b) a) Chapitre I 42 la norme jusqu’à une tension de test de 10 kVrms. Alors que dans le cas d’une structure classique, le seuil de quantité de charge est dépassé pour une tension de 3.5 kVrms [69]. Toutefois, l’utilisation d’une couche semi-résistive dans un espace inter-électrodes doit répondre à quelques contraintes d’utilisation comme le passage du courant et la réponse du matériau lors du fonctionnement d’une puce (commutation). Cette technique présente deux points critiques pour une isolation des modules de puissance: les pertes diélectriques de la couche sont élevées, et l’isolation interpistes est insuffisante. Pour pallier ces problèmes, Donzel et al. ont utilisé comme couche répartitrice un polyimide (PI) chargé en microparticules de ZnO [66]. Dans ce cas, le film de PI/ZnO est une couche résistive non-linéaire en fonction du champ électrique appliqué. L’étude par éléments finis de Donzel et al.est orientée sur l’étude d’une protubérance au niveau du point triple. On retrouve cette protubérance lors de l’élaboration de substrats métallisés par la technique AMB. Dans son étude, l’auteur compare les effets des films de PI et PI/ZnO sur la réduction du champ électrique. La solution avec le film PI/ZnO à résistivité non-linéaire est la plus efficace pour réduire le pic de champ à proximité de la protubérance. En revanche, la mise en œuvre d’une telle solution dans les modules de puissance semble être contraignante. En effet, l’incorporation d’un film complique les étapes d’assemblage. De plus, à notre connaissance, la compatibilité d’un tel assemblage n’a toujours pas été démontrée dans une structure réelle
Stratégie de gradation par matériaux composites
Les travaux de Duchesne sur la gradation de potentiel dans les modules de puissance se sont orientés sur la modification de la conduction électrique dans l’isolation de volume . La matrice isolante est chargée avec des particules de SiC à 18 % en volume. Dans cette étude, l’auteur compare différentes matrices, de type gels, utilisées dans le milieu industriel. La Figure I. 35 représente la répartition du potentiel (mesure du potentiel de surface) dans un espace inter-électrodes en fonction des différentes matrices utilisées pour faire les matériaux composites comparés à une structure non chargée. La mesure avec l’encapsulant non chargée est représentée en bleue. Les autres couleurs représentent les matrices chargées en SiC. Lors des mesures, la tension appliquée a été fixée à 4 kV dans un espace interélectrodes de 2 mm. L’inclusion de particules semi-conductrices permet de décaler le potentiel dans l’espace inter-électrodes. Comme lors de son étude sur les vernis, Duchesne observe alors les effets de la gradation à partir de 0.5 mm. Les écarts les plus importants sont pour une distance de 1mm. La tension à cette distance est multipliée par deux entre la structure « vide » et celle avec les composites. En revanche, il n’y a pas d’impact majeur en fonction de la matrice sur la répartition du potentiel dans l’espace inter-électrodes. Cette étude conforte dans le fait que seules les particules modifient la répartition du potentiel.
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