Système de Courant de Humboldt et Changement Climatique

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Le Système de Courant de Humboldt: un écosystème productif soumis à des conditions océaniques et atmosphériques très variables

Introduction

Le HCS doit son nom à l’explorateur et naturaliste Prussien Alexander von Humboldt (1769-1859) qui voyagea longuement à travers l’Amérique Latine entre 1799 et 1804. Le HCS est le deuxième EBUS le plus étudié après le Système de Courant de Californie, et les premières études qui lui furent consacrées remontent à 1936 (Gunther, 1936a,b). Cet intérêt important de la communauté scientifique s’explique par plusieurs raisons.
Premièrement, le HCS produit plus de poisson par unité de surface que n’importe quelle autre région de l’océan mondial (F.A.O., 2009). Deuxièmement, il est soumis à l’influence directe de la variabilité climatique à grande échelle de l’Océan Pacifique tropical, dont le célèbre phénomène El Niño, qui fut initialement baptisé par des pêcheurs Péruviens et Equatoriens. Troisièmement, la proximité du HCS vis-à-vis de l’équateur et l’orientation de la côte du Pérou permettent de connecter d’une part l’upwelling côtier avec l’upwelling équatorial et la cold tongue (langue d’eau froide) de l’Est du Pacifique tropical et d’autre part les courants côtiers avec les courants équatoriaux (Lukas, 1986; Strub et al., 1998; Kessler et al., 2006; Croquette, 2007). Quatrièmement, la cordillère des Andes agit comme un mur naturel qui force les alizés subtropicaux à prendre une direction parallèle à la côte, isole l’océan hauturier de l’influence du climat continental sud-américain et influence le climat du Pacifique Sud-Est de manière significative (Xu et al., 2004; Sepulchre et al., 2009). Cinquièmement, le HCS est caractérisé par la présence d’un stratocumulus cloud deck (couverture nuageuse de type stratocumulus) persistant, le plus étendu au monde, qui limite la pénétration solaire dans l’océan (Klein et Hartmann, 1993): avec l’upwelling, il contribue à faire des températures océaniques en face du Pérou les plus fraîches de toute la bande tropicale. Les modèles climatiques globaux de basse résolution rencontrent de nombreux problèmes dans cette région, qui incluent (non exhaustif): une mauvaise représentation de la topographie abrupte des Andes, un forçage de vent trop faible près de la côte, un stratocumulus deck mal représenté et l’absence d’interactions air-mer à petite échelle associées à la variabilité océanique à mésoéchelle (Xu et al., 2004; Large et Danabasoglu, 2006; Seo et al., 2007). Tous ces problèmes introduisent des erreurs significatives à la fois dans le climat régional simulé dans le Pacifique Sud-Est – telles que de forts biais dans les champs moyens de TSM et de flux solaire – et aussi dans le climat à plus grande échelle pour toute la région du Pacifique –biais chauds en TSM dans la cold tongue de l’est du Pacifique et le “problème de la double ITCZ” sont deux exemples bien connus – (Xu et al., 2004; Large et Danabasoglu, 2006), ce qui conduit à de grandes incertitudes dans les prédictions actuelles du changement climatique: par exemple, Bony et Dufresnes (2005) montrent que la principale source d’incertitude parmi les modèles climatiques globaux en termes de rétroaction tropicale nuages-albedo provient d’une sous-estimation de la sensibilité des nuages de couche limite marine aux changements de TSM dans les régions de subsidence (telles que le HCS). Une meilleure compréhension de la dynamique du climat dans cette région est une priorité pour la communauté scientifique travaillant sur le changement climatique et a conduit au développement du projet VOCALS, auquel j’ai participé dans le cadre d’une croisière océanographique effectuée dans la zone de Pisco-San-Juan (autour de 15°S) en octobre 2008. Enfin, le HCS est caractérisé par la présence près de la surface d’une des Zones de Minimum d’Oxygène (OMZs) les plus étendues de l’océan mondial (Anderson et al., 1982; Helly et Levin, 2004), connues pour leur rôle clé dans le cycle global de l’azote.
Fig. 1.8: Topographie et bathymétrie de l’Amérique du Sud occidentale établies à partir de données ETOPO1 (Amante et Eakins, 2009), précédemment interpolées sur une grille horizontale 1/3°x1/3°. L’unité est le mètre. Les countours pleins représentent la topographie continentale, tandis que les contours en pointillés représentent la bathymétrie océanique. L’intervalle de contour est de 2000m. Au cours de cette thèse de doctorat, je me suis principalement concentré sur le deuxième et le troisième point, cad sur le forçage distant du HCS par la variabilité du Pacifique équatorial via des connexions océaniques, à savoir les ondes piégées à la côte et les courants océaniques. Cependant, du fait du rôle prédominant de l’atmosphère dans la dynamique du HCS, quelques aspects de la dynamique atmosphérique régionale seront également décrits. Dans la subdivision suivante, les principales caractéristiques du fonctionnement physique du HCS sont brièvement passées en revue.

Topographie et bathymétrie: des hautes montagnes aux fosses océaniques profondes

La côte ouest de l’Amérique du Sud s’étend de 7°N à 53°S avec une direction méridionale prédominante (fig. 1.8), et comprend les côtes de Colombie (7°N-1°N), de l’Equateur (1°N-3°S), du Pérou (3°S-18°S) et du Chili (18°S-53°S). C’est une zone de subduction, un type particulier de convergence des plaques tectoniques: la plaque océanique de Nazca, plus dense, est en subduction au-dessous de la plaque continentale Sud-Américaine, qui elle est moins dense. Par conséquent, la bathymétrie est caractérisée par une fosse océanique profonde et étroite atteignant les 6900m de profondeur autour de 20°S, tandis que la topographie comprend une haute chaîne de montagnes avec de nombreux sommets dépassant les 6000m d’altitude, ce qui fait des Andes les montagnes les plus hautes de la zone tropicale. Une distance relativement courte (quelques centaines de kilomètres maximum) sépare la fosse océanique des montagnes: par conséquent, le plateau continental est très réduit voire même inexistant (au nord du Chili par exemple) et une bande côtière étroite excédant rarement les cent kilomètres sépare la côte des Andes. La cordillère des Andes agit comme une barrière naturelle qui force les alizés tropicaux et subtropicaux à prendre une direction parallèle à la côte et isole la région côtière des perturbations atmosphériques produites au-dessus de l’Atlantique ou du continent: par conséquent, les côtes du Pérou et du nord du Chili sont caractérisées par un climat très aride, particulièrement au Chili où l’on trouve le désert le plus sec de la Terre: le désert d’Atacama. Dans le bassin océanique intérieur, la dorsale de Nazca, perpendiculaire à la côte au niveau de la région de Pisco (15°S), remonte jusqu’à la profondeur de 2000 m et sépare le bassin du Pérou au Nord du bassin du Chili au Sud. A l’équateur, la dorsale des Galapagos sépare la Plaque de Nazca au Sud de la Plaque des Cocos au Nord et connecte les Îles Galapagos à l’ouest (90°W) au continent sud-américain situé plus
à l’est (~80°W). Le HCS caractérise l’océan côtier de l’ouest de l’Amérique du Sud entre 30
l’équateur et 40°S environ, région sur laquelle nous nous concentrerons dans le reste de la thèse.

Conditions atmosphériques et upwelling côtier

Puisque le forçage atmosphérique n’est pas le point central de ce travail de thèse, nous nous limitons ici à une brève présentation des conditions atmosphériques dans le Pacifique Sud-Est. Les principales composantes de la circulation atmosphérique dans la région sont schématisées sur la figure 1.9:
Fig. 1.9: Schéma des principaux systèmes atmosphériques du Pacifique Sud-Est: la Zone de Convergence Inter-tropicale (ITCZ), le StratoCumulus cloud deck (Stratus Deck), l’anticyclone subtropical (H) et les Jets Côtiers (low-level jet). La flèche en trait plein représente les alizés dirigés vers l’equateur et la flèche en pointillés représente le transport d’Ekman associé à l’upwelling côtier. Les couleurs de fond pour l’océan schématisent la TSM moyenne (figure mise à disposition par Rob Wood, University of Washington).
– L’Anticyclone Subtropical du Pacifique Sud-Est: c’est le moteur principal de la circulation atmosphérique dans cette région. Comme c’est le cas dans l’Est d’autres bassins océaniques (le Pacifique Nord, Atlantique Nord et Sud), ce système de hautes pressions entraîne des alizés dirigés vers l’équateur en raison de sa rotation anticyclonique (en sens inverse des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère sud). La branche orientale de l’anticyclone est bordée à l’Est par la cordillère des Andes qui forcent les alizés à suivre la direction du littoral, produisant ainsi un upwelling côtier persistant au large du Pérou et du Chili. Comme dans d’autre EBUS, des alizés plus forts au large que plus près du bord produisent un pompage d’Ekman important dans les 50-200km près de la côte (Bakun et Nelson, 1991). La force des vents favorables à l’upwelling est modulée par la saisonnalité de la position de l’anticyclone (fig. 1.10). Pendant l’été austral, le centre du système de hautes pressions est situé vers (95°W, 32°S) et favorise un upwelling côtier entre 40°S et l’équateur; pendant l’hiver austral, il se déplace vers le nord-est jusqu’à environ (85°W, 27°S): par conséquent, les vents du Chili central sont plus faibles voire même favorables au downwelling en hiver, tandis qu’ils sont plus forts au Pérou (Bakun et Nelson, 1991). Ceci explique pourquoi l’upwelling côtier est permanent au large du Pérou, tandis qu’il est saisonnier au large du Chili central. En face de la côte du nord du Chili, entre 18°S et 23°S, les vents sont plus faibles toute l’année, et il en est de même pour l’upwelling: par conséquent, les TSM sont significativement plus chaudes à cet endroit qu’au large du reste des côtes du Pérou et du Chili (fig. 1.11).
Fig. 1.10: Vents (a) et courants (b) climatologiques en hiver (août-juin) et en été (février-décembre) dans l’hémisphère sud (S.H). Les vents sont issus de la réanalyse NCEP à 1000 mbar (Kalnay et al., 1996). Les régions de fortes précipitations sont hachurées. Le terme ITCZ indique la position de la Zone de Convergence Inter-Tropicale, et H celle de l’anticyclone du Pacifique Sud-Est. EF représente le Front Équatorial. Les flêches sur le panneau (b) schématisent l’emplacement et l’intensité des principaux courants: la Dérive de Vent D’ouest (WWD), le Sous-Courant Équatorial (EUC), le Courant Sud-Équatorial (SEC), le ContreCourant Nord-Équatorial (NECC), le Courant de Colombie (CC), le Courant Annuel El Niño (AENC), le Courant du Pérou (PC), le ContreCourant du Pérou-Chili (PCCC), le Sous-Courant du Pérou-Chili (PUC), le Courant Côtier du Pérou (PCC), le Courant Côtier du Chili (CCC) et le Courant du Cap Horn (CHC). Adapté de Strub et al. (1998).
– Jets Côtiers: ce sont des épisodes de vents parallèles à la côte très intenses (jusqu’à 15 m/s) qui apparaissent au large du Chili central entre 30°S et 35°S au printemps et en été austral (Garreaud et Muñoz, 2005; Muñoz et Garreaud, 2005; Renault et al., 2009). On en trouve aussi au large du Pérou central dans le secteur de Pisco/San Juan (15°S) et au large du nord du Pérou vers Paita (4°S), avec des vitesses maximales (~7-8 m/s) en automne et en hiver austral (Renault, 2008). Ils ont une influence directe sur l’intensité de l’upwelling côtier en raison du transport et du pompage d’Ekman (Shaffer et al., 1999).
Fig. 1.11: TSM moyennes climatologiques (°C) dans le Pacifique Sud-Est à partir de données satellite AVHRR Pathfinder (Vazquez et al., 1995).
– La Zone de Convergence Inter-tropicale (ITCZ), qui borde l’anticyclone du Pacifique Sud Est au nord, est la zone de convergence des alizés de l’hémisphère Sud et de l’hémisphère Nord, et elle est présente tout autour de la planète dans la zone tropicale. Elle est caractérisée par une convection profonde accrue et de fortes pluies. Dans l’Est du Pacifique tropical, elle est située vers 10°N en hiver austral et vers 5°N en été: bien qu’elle ait une forte influence sur le climat régional des pays bordant la Baie du Panama (l’Equateur, la Colombie, certains pays d’Amérique centrale), son influence ne va pas au-delà de 5°S, ce qui fait qu’elle n’est généralement pas considérée pour l’étude de la dynamique du HCS.
Fig. 1.12: Parcours original et stations de la campagne VOCALS-Rex Pérou conduite à bord du N/O Jose Olaya (IMARPE) du 02/10/08 au 17/10/08 au large de la zone de Pisco-San-Juan au sud du Pérou. L’image en arrière-plan représente le pourcentage climatologique de ciel degagé (%) pour le mois d’octobre, extrait de données SeaWIFS.
– Le StratoCumulus cloud deck (SCu deck) est la couverture nuageuse persistante de type stratocumulus la plus étendue au monde (Klein et Hartmann, 1993). Sa présence dans le Pacifique Sud-Est limite la pénétration solaire et ainsi le forçage radiatif de l’océan superficiel: avec l’upwelling, il contribute à faire des températures océaniques du Pérou les plus froides de toute la bande tropicale (Yu et Mechoso, 1999). De plus, la contribution du SCu deck au bilan de chaleur de l’océan superficiel est significative non seulement à l’échelle régionale (Takahashi, 2005) mais aussi à l’échelle globale. Cependant, les couplages air-mer à fine échelle qui contrôlent sa formation, sa structure et sa variabilité n’ont pas encore été bien documentés. La basse résolution des modèles climatiques globaux est incapable de représenter le SCu deck: par conséquent, les températures océaniques simulées sont généralement trop élevées dans la région, ce qui induit des biais importants dans le gradient zonal de TSM à travers le Pacifique tropical et ainsi dans la circulation de Walker, qui est l’un des principaux mécanismes de variabilité climatique tropicale à l’échelle globale. La representation du SCu deck par les modèles climatiques constitue une question importante car de tels biais introduisent de grandes incertitudes dans les prédictions du changement climatique futur. L’amélioration de notre compréhension de la dynamique du climat dans cette région est une priorité pour la communauté scientifique travaillant sur le changement climatique, et a conduit au développement du projet VOCALS (www.eol.ucar.edu/projects/vocals/) qui repose sur des mesures de terrain extensives au large du Pérou et du Chili, à la fois océanographiques et atmosphériques, et sur une plate-forme de modélisation. J’ai eu la chance de participer à la campagne océanographique VOCALS-Rex Pérou conduite à bord du N/O José Olaya (IMARPE, Pérou) au large de la zone de Pisco-San-Juan (autour de 15°S) en octobre 2008 (fig. 1.12). Les mesures de terrain ont permis de caractériser les conditions atmosphériques (lancements de radiosondes), océanographiques (CTD, ADCP, drifters de surface et planeur sous-marin), biogéochimiques (oxygène, fluorescence, chlorophylle-a…) et biologiques (filet Hensen, hydroacoustique) pendant un épisode de cloud clearing (ciel dégagé) dû à la présence d’un intense jet côtier. Comprendre les interactions complexes entre l’atmosphère, l’océan et l’écosystème marin constitue un sujet de recherche actuel à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement), l’IMARPE (Institut de recherches Marines Péruvien) et l’IGP (Institut Péruvien de Géophysique).

Circulation océanique régionale

Dans ce qui suit, nous passons d’abord en revue les principaux courants présents dans le Pacifique Sud-Est et dans l’Est du Pacifique tropical: le système de courant côtier, appelé HCS, et le système de courant équatorial. Les connexions entre ces deux systèmes sont ensuite présentées, sur la base de travaux précédents.
Le système de courant côtier
Le HCS consiste en un ensemble de courants de surface et de subsurface qui coulent le long des côtes du Pérou et du Chili. Strub et al. (1998) proposent une synthèse sur ce sujet, et les principaux courants sont schématisés sur la figure 1.10b:
– Le Courant du Pérou, parfois appelé Courant Océanique du Pérou, Courant du Chili-Pérou ou même Courant de Humboldt, transporte des eaux froides du Sud vers l’est du Pacifique tropical, où il rejoint finalement la branche sud du Courant Sud Équatorial (SEC) dirigé vers l’ouest, et participe avec l’upwelling équatorial à entretenir la cold tongue de l’est du Pacifique équatorial (fig. 1.11), présente en hiver austral entre le secteur de Cabo Blanco (4°S) et les Îles Galapagos (Wyrtki, 1967; Strub et al., 1998; Chaigneau et Pizarro, 2005a). Ce courant très large (~500km) est présent entre la surface et 700m de profondeur, et suit la côte à une distance de 500 à 1500km environ (Wyrtki, 1963, 1967). Sa vitesse moyenne se situe autour de 15-20 cm/s au Sud de 25°S et autour de 5-7 cm/s au Nord de 25°S (Chaigneau et Pizarro, 2005a).
– Le Courant Côtier du Chili-Pérou (CPCC), parfois appelé Courant de Humboldt (!), et connu sous le nom de Courant Côtier du Chili (CCC) au large du Chili et Courant Côtier du Pérou (PCC) au large du Pérou (fig. 1.10b), est un courant de surface dirigé vers l’équateur et situé beaucoup plus près de la côte, dans les 100 premiers kilomètres (Brandhorst, 1971; Bernal et al., 1982; Brink et al., 1983; Huyer et al., 1991). Il s’agit d’un flux géostrophique contrôlé par l’upwelling côtier, conformément à la description proposée à la section 1.1.2 (fig. 1.4). Les vitesses maximales au large du Pérou se situent autour de 10-15 cm/s (Brink et al., 1983; Huyer et al., 1991) en hiver austral, quand les vents parallèles à la côte et l’upwelling sont à leur maximum (Cucalon, 1987; Fiedler, 1994). Au nord du Chili, les vitesses dans le CPCC atteignent leur maximum en automne, en raison de la variation latitudinale du cycle saisonnier des vents parallèles à la côte (Blanco et al., 2001). Comme pour le PC, l’extension septentrionale du CPCC se mêle avec le SEC, et en hiver avec la cold tongue (Enfield, 1976; Weare et al., 1976; Fort, 1986) qu’il alimente avec l’eau froide et salée upwellée près de la côte (Strub et al., 1998).
– Le Contre-Courant du Pérou-Chili (PCCC) est un courant de surface dirigé vers le pôle et coulant parallèlement à la côte à une distance de 100 à 300km (Wyrtki, 1963; Brandhorst, 1971; Robles, 1979; Bernal et al., 1982; Silva et Fonseca, 1983; Huyer et al., 1991; Strub et al., 1995, 1998) et à des vitesses de l’ordre de 10 cm/s (Huyer et al., 1991). Il transporte des eaux chaudes et salées de la région équatoriale. Cependant, son existence, son origine et ses caractéristiques restent controversées à cause du manque de mesures directes et du peu d’études consacrées jusqu’à present à ce courant. Selon l’étude de modélisation de Penven et al. (2005), le PCCC serait forcé par un rotationnel de vent cyclonique au nord de 15°S en accord avec la relation de Sverdrup (Sverdrup, 1947), et tournerait ensuite vers l’ouest en direction de l’océan hauturier. Bien qu’il ait été observé au large du Pérou, sa présence au large du Chili est sujette à controverse (Fonseca, 1989; Strub et al., 1998; Penven et al., 2005).
– Le Sous-Courant du Pérou-Chili (PCUC), également connu sous le nom de Courant de Gunther, d’après E. R. Gunther qui fut le premier à le découvrir (Gunther, 1936a, b), ou simplement comme Sous-Courant du Pérou (PUC), est un courant dirigé vers le pôle qui domine le flux littoral en sub-surface en-dessous de 50m de profondeur (Brink et al., 1983). Il est généralement situé dans les 200 premiers kilomètres depuis la côte, au-dessus du plateau continental et de la pente associée (Fonseca, 1989), et s’étend jusqu’à 600-700m de profondeur (Wyrtki, 1963), avec des vitesses maximales autour de 10-15 cm/s à 100-150m de profondeur au large du Pérou (Huyer, 1980; Huyer et al., 1991) et une profondeur croissante en allant vers le Sud (Gunther, 1936a, b). Le lecteur est invité à se reférer à la figure 1.4 (1.1.2) qui représente le PCUC ainsi que le PCCC sur une section perpendiculaire à la côte du Pérou central. Un tel approfondissement du PCUC a été attribué à la conservation de la vorticité potentielle par Penven et al. (2005), et à la décroissance plus rapide des modes baroclines d’ordre inférieur comparés aux modes d’ordre supérieur par McCreary (1981) et par Clarke (1989). Cependant, il se pourrait que le PCUC affleure comme un contre-courant de surface à certains endroits au large du Pérou central et du nord du Chili en raison d’un rotationnel de vent cyclonique (McCreary et Chao, 1985; Penven et al., 2005), ce qui le rend parfois difficile à distinguer du PCCC. Le PCUC s’étend le long de la côte Sud-Américaine jusqu’à 48°S, bien qu’il soit considérablement plus faible au Sud de 38°S (Silva et Neshyba, 1979). Comme le PCCC, il est caractérisé par des eaux chaudes, salées et peu oxygénées (Gunther, 1936a,b; Fonseca, 1989), et a été identifié comme une source majeure des eaux riches en nutriments upwellées près de la côte (Wyrtki, 1963; Brink et al., 1983, Huyer et al., 1987).
Les données de courantomètres places au large du Chili central ont révélé que le PCUC est soumis à des variations significatives d’origine équatoriale à des échelles de temps allant de l’intrasaisonnier (Shaffer et al., 1997) au saisonnier et à l’interannuel (Pizarro et al., 2001, 2002). Il a été montré que la variabilité intrasaisonnière est surtout due à des CTW se propageant le long de la côte en direction du pôle (Shaffer et al., 1997), tandis que la propagation d’ETRW domine la variabilité annuelle du PCUC (Pizarro et al., 2002). En revanche, il a été montré que les vents favorables à l’upwelling ont peu d’effet sur le PCUC (Huyer et al., 1991; Pizarro et al., 2001). Ce dernier représentant une source importante de nutriments pour la production primaire dans le HCS, les fluctuations qu’il subit risquent d’avoir un impact direct sur l’écosystème marin. Un objectif important de la présente thèse de doctorat est d’évaluer l’influence à distance des ondes de Kelvin équatoriales intrasaisonnières (IEKW) sur la variabilité côtière du Pérou et du Chili, et particulièrement sur le CPCC et le PCUC. À cause du manque d’observations de ces courants tant dans le temps que dans l’espace, une approche de modélisation a été favorisée. C’est l’objet du chapitre 3 (section 3.) ainsi que d’un article en préparation (Belmadani et al., in prep.).
Le système de courant équatorial
Une brève vue d’ensemble du système de courant équatorial est présentée ici. Kessler (2006) propose une synthèse des principales études conduites sur la circulation océanique dans l’Est du Pacifique tropical (fig. 1.13), qui constitue l’état de l’art des connaissances sur la structure du système de courant équatorial. À 100°W entre 10°S et 10°N, au moins deux courants de surface ont été observés: le Contre-Courant Nord Équatorial (NECC) dirigé vers l’est, et deux branches du Courant Sud Équatorial (SEC) dirigées vers l’ouest. De plus, trois courants de sub-surface dirigés vers l’est ont été identifiés: le Sous-Courant Équatorial (EUC) et deux Tsuchiya Jets (Tsuchiya, 1975), appelés aussi Contre-Courants de SubSurface Nord/Sud (respectivement NSSCC et SSSCC). Quelques précisions sont données ci-dessous pour les principaux courants équatoriaux d’intérêt pour la région du Pérou-Chili, cad le SEC, l’EUC et le SSSCC:
– Le SEC est un courant de surface dirigé vers l’ouest présent le long de l’équateur dans l’Océan Pacifique tropical et forcé par des alizés d’est. Il est alimenté par les eaux froides du HCS qui s’étendent vers l’ouest et forment la cold tongue, avant de se diviser près des Galapagos en deux branches séparées par l’EUC (Kessler, 2006). La branche Sud vire vers l’Ouest au Sud-Ouest des Galapagos (Reverdin et al., 1994; Kessler et al., 1998; Johnson et al., 2002). Le SEC est faible à l’Est de 85°W à cause de faibles vents zonaux (Kessler, 2006) et accélère à l’Ouest de 85°W en raison du ralentissement de l’EUC près des Galapagos (Wyrtki, 1966; Reverdin et al., 1994): selon des estimations basées sur des données ADCP (Johnson et al., 2002), le transport associé au SEC augmente de 12 Sv à 95°W à 35 Sv à 140°W alors qu’il reçoit un apport de 20 Sv de l’EUC près des Galapagos (Wyrtki, 1966; Montes et al., 2009). Le SEC présente aussi deux branches profondes dirigées vers l’ouest, qui pourraient être dues à des spirales cycloniques alimentées par le N/SSSCC (Rowe et al., 2000). Étant surtout forcé par les alizés, le SEC suit leur cycle annuel, avec un minimum de mars à juillet (Kessler, 2006).
– L’EUC, également appelé Courant de Cromwell (Cromwell et al., 1954; Knauss, 1960), est un courant de sub-surface dirigé vers l’est, qui lui aussi s’étend à travers le Pacifique tropical et transporte les eaux chaudes de l’Ouest du Pacifique Sud vers l’Est du bassin. Il est contrôlé par le gradient zonal de pression à l’échelle du bassin induit par les alizés dominants. Son transport moyen a été évalué à 39 Sv (Knauss, 1960). Dans la partie orientale du bassin, sa profondeur suit la thermocline qui remonte vers l’est (Wyrtki, 1981; McPhaden et Taft, 1988). Il fait même surface au printemps boreal, ce qui induit alors un flux de surface de 20cm/s dirigé vers l’est à l’ouest des Galapagos (Kessler et al., 1998; Yu et McPhaden, 1999a,b; Johnson et al., 2002), en raison de la faiblesse des alisés. Comme le SEC à l’est des Galapagos, l’EUC se sépare en deux branches à l’ouest des îles (Steger et al., 1998), peut être à cause de l’upwelling local induit par la présence des îles (l’Eden et Timmermann, 2004) qui permet uniquement aux couches plus profondes de s’écouler vers les côtes de l’Equateur et du Pérou (Lukas, 1986; Toggweiler et al., 1991). Cependant, l’étude de modélisation par Karnauskas et al. (2007) suggère que l’EUC est entravé par les îles. Le destin des couches superficielles upwellées de l’EUC est lui aussi controversé, certaines études indiquant une déviation vers le Sud (Blanke et Raynaud, 1997) et d’autres vers le Nord (Sloyan et al., 2003). La branche Sud est la plus forte (Steger et al., 1998), probablement à cause des vents dirigés vers le nord et du rotationnel associé qui advectent le SEC vers le nord et l’EUC vers le sud dans une boucle méridionale (Philander et Delecluse, 1983; Mitchell et Wallace, 1992; Kessler et al., 1998). Bien que l’on trouve de faibles alisés ainsi qu’un gradient zonal de pression inversé à l’est des Îles Galapagos, l’EUC a tout de meme été identifié dans cette région.
– Le SSSCC, parfois appelé Contre-Courant Sud Équatorial (SECC), ou Tsuchiya Jet Sud, est un courant de subsurface dirigé vers l’est présent dans l’Est du Pacifique tropical entre 5°S et 10°S (Tsuchiya, 1975). Il est souvent constitué par deux branches distinctes, à 4°S et à 8°S (Rowe et al., 2000; Johnson et al., 2001).
La structure tridimensionnelle complexe des courants est à l’origine du Front Équatorial (EF – fig. 1.10b), qui sépare les eaux fraîches de la cold tongue au Sud des eaux plus chaudes de la piscine d’eau chaude (warm pool) du Pacifique Est au Nord. Ce front est modulé par le mélange induit par le réchauffement de la cold tongue par les ondes tropicales d’instabilité (TIW) qui équilibre l’effet de refroidissement dû à l’upwelling équatorial. De telles ondes sont produites par le cisaillement du SEC dirigé vers l’ouest avec le NECC et l’EUC dirigés vers l’est, et contribuent significativement au bilan de chaleur dans la couche de mélange de l’Est du Pacifique équatorial (Philander, 1978; Yu et al., 1995; Vialard et al., 2001; Chelton et al., 2003; Willett et al., 2006). De juillet à décembre, les vents se renforcent, provoquant une augmentation à la fois de l’upwelling équatorial, du SEC et du NECC, ce qui conduit à une augmentation de l’activité des TIW, qui à son tour s’oppose à l’effet refroidissant dû à l’upwelling (Enfield, 1986; Kessler et al., 1998; Swenson et Hansen, 1999).

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Table des matières

Introduction (en français)
Chapitre 1: Système de Courant de Humboldt et Changement Climatique.
1.1. Présentation du Système de Courant de Humboldt
1.1.1. Systèmes d’Upwelling de Bord Est
1.1.1.1. Introduction
1.1.1.2. Dynamique de l’upwelling côtier
Transport et pompage d’Ekman
Courants Côtiers
Processus mésoéchelle et sub-mésoéchelle
Ondes piégées à la côte.
1.1.2. Le Système de Courant de Humboldt: un écosystème productif soumis à des conditions océaniques et atmosphériques très variables.
1.1.2.1. Introduction
1.1.2.2. Topographie et bathymétrie: des hautes montagnes aux fosses océaniques profondes
1.1.2.3. Conditions atmosphériques et upwelling côtier
1.1.2.4. Circulation océanique régionale.
Le système de courant côtier
Le système de courant équatorial
Liens entre le HCS et les courants équatoriaux
1.1.2.5. Le guide d’ondes équatorial…
Ondes de Kelvin équatoriales et ondes piégées à la côte
ENSO: Variabilité à grande échelle et impacts régionaux.
1.2. Le Pacifique Sud-Est: refroidissement régional au sein d’un réchauffement global?
1.2.1. Tendances reconstruites à partir d’enregistrements paléoclimatiques et d’observations historiques
1.2.2. Tendances actuelles et futures à partir d’études de modélisation
Introduction (in english)
Chapter 1: Humboldt Current System and climate change
1.1. Presentation of the Humboldt Current System
1.1.1. Eastern Boundary Upwelling Systems
1.1.1.1. Introduction
1.1.1.2. Coastal upwelling dynamics
Ekman transport and pumping
Coastal currents
Mesoscale and sub-mesoscale processes
Coastal-trapped waves
1.1.2. The Humboldt Current System: a highly productive ecosystem under strongly variable oceanic and atmospheric conditions
1.1.2.1. Introduction
1.1.2.2. Topography and Bathymetry: from high mountains to deep trenches
1.1.2.3. Atmospheric conditions and coastal upwelling
1.1.2.4. Regional ocean circulation
The coastal current system
The equatorial current system
Link between the HCS and the equatorial currents.
1.1.2.5. The equatorial waveguide
Equatorial Kelvin waves and coastal-trapped waves
ENSO: large-scale variability and regional impacts
1.2. The eastern South Pacific: regional cooling in a warming climate ?
1.2.1. Reconstructed trends from paleoclimate records and historical observations
1.2.2. Simulated present and future trends from modelling studies
Chapter 2: Global climate models: ENSO and the Eastern South Pacific
2.1. ENSO feedbacks and associated timescales of variability in a multi-model ensemble
Résumé
Abstract
2.1.1. Introduction
2.1.2. Datasets and methodology
2.1.2.1. Datasets
2.1.2.2. Method
Diagnosing the ENSO mode
Diagnosing the privileged dynamical regime
2.1.3. ENSO regime and mean state
2.1.3.1. SST tendency terms: variability and biases
2.1.3.2. Model classification.
2.1.3.3. Impact on the ENSO period
2.1.4. Discussion.
2.1.4.1. On the origin of mean circulation biases
2.1.4.2. Differences with earlier attempts to identify ENSO feedbacks in CGCMs
2.1.5. Conclusions.
Acknowledgements
References
2.2. Properties of ENSO and the near-annual mode in climate models.
2.2.1. Role of the near-annual mode in the ENSO cycle
2.2.2. ENSO spatial and temporal properties in hybrid CGCMs.
2.3. Eastern South Pacific mean state and variability in hybrid CGCMs.
2.3.1. The wind structure over the ESP
2.3.2. Exchanges with the wider Pacific Ocean: importance of the equatorial region
2.3.3. Equatorial mean state: zonal currents and temperature
2.3.3.1. Zonal currents
2.3.3.2. Temperature.
2.3.4. Equatorial intraseasonal-to-interannual variability: zonal currents and temperature
2.3.4.1. Zonal currents
2.3.4.2. Temperature.
2.3.5. Conclusions.
Chapter 3: Regional dynamics and large scale forcing of the Humboldt Current System
3.1. Regional ocean modelling of the Humboldt Current System.
3.2. The intraseasonal coastal-trapped and Rossby waves in the Humboldt system: where does the critical latitude stand ?
3.2.1. Introduction and background
3.2.1.1. Introduction
3.2.1.2. Limits of the linear theory
3.2.2. Models, observations and methods.
3.2.2.1. Numerical models
ROMS
ORCA
3.2.2.2. Observed sea level data
3.2.2.3. Methodology
3.2.3. Regional model results.
3.2.3.1. Regional downscaling and model validation
3.2.3.2. The propagation, reflection and coastal-trapping of IEKW
3.2.3.3. CTW: cross-shore and alongshore structure.
3.2.3.4. The influence of CTW on coastal current variability.
3.2.4. On the differences between CTW and CKW.
3.2.5. Discussion and conclusion
3.2.5.1. Discussion
3.2.5.2. Summary and concluding remarks
Chapter 4: Conclusion and perspectives
4.1. Main findings in relation to PCCC
4.2. Scientific outreaches
4.3. Additional results in the framework of the PCCC program
4.4. Limitations and perspectives
4.5. Long-term perspectives
Chapitre 4: Conclusions et perspectives.
4.1. Principales découvertes en lien avec PCCC
4.2. Avancées scientifiques.
4.3. Résultats additionnels dans le cadre du programme PCCC
4.4. Limitations et perspectives
4.5. Perspectives à long terme.
Appendix
A. Global climate change: past, present and future
A.1. The observed post-1850 global warming
What is global warming ?
Radiative forcing and greenhouse gases
Observed temperature change
A.2. IPCC scenarios and climate models
A.3. Future XXIst century climate change
References

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