Synthèse organométallique de nanoparticules de FeCo pour l’intégration sur inductance
Les filtres à mode commun
Dans un appareil électronique, la transmission du signal entre un émetteur et un récepteur peut être effectuée sur un ou deux fils électriques. Lorsque les fréquences de fonctionnement sont supérieures à 300 MHz, la transmission sur deux fils électriques est privilégiée. Le signal reçu par le récepteur comporte l’information souhaitée, véhiculée via un signal différentiel. Cependant, il existe des perturbations électromagnétiques, transmises de manière similaire sur les deux lignes et que l’on nomme mode commun. Afin d’éliminer ce signal parasite et ne récupérer que le signal différentiel qui contient l’information, des filtres à mode commun (CMF) sont utilisés (cf. Figure I.1). Les CMF sont typiquement constitués de deux inductances planaires L1 et L2, de deux résistances internes R1 et R2, et de deux capacités C1 et C2. Le fonctionnement du filtre CMF repose sur une induction mutuelle M entre les inductances, qui définit un coefficient de couplage k : 𝑘 = 𝑀 √𝐿1 × 𝐿2 (𝐸𝑞 𝐼. 1) Un coefficient de couplage proche de 1 est classiquement observé dans les CMF. Si nous supposons de plus que L1 ≈ L2 = L alors nous pouvons écrire la relation : I.4 𝑀 = 𝑘 × √𝐿1 × 𝐿2 ≈ 𝐿 (𝐸𝑞 𝐼. 2) Figure I.1: Principe d’un filtre à mode commun
Modélisation d’un filtre CMF
Considérons que l’inductance 1 est parcourue par le courant i1 et l’inductance 2 par le courant i2 (cf. Figure I.2). Figure I.2: Inductances dans un filtre à mode commun Les impédances Z1 et Z2 des inductances 1 et 2 sont obtenues en sommant les contributions réelles, dues à la résistance interne, et imaginaires, dues aux impédances propres et mutuelles : 𝑍1 = 𝑅1 + 𝑗𝜔𝐿1 + 𝑗𝜔𝑀 × 𝑖2 𝑖1 (𝐸𝑞 𝐼. 3) 𝑍2 = 𝑅2 + 𝑗𝜔𝐿2 + 𝑗𝜔𝑀 × 𝑖1 𝑖2 (𝐸𝑞 𝐼. 4) où ω est la pulsation. Ces expressions pourront se simplifier au vu de l’équation I.2 suivant le mode considéré.
Impédances en mode différentiel
Le mode différentiel est caractérisée par i2 = -i1, les impédances sont alors décrites par les équations : 𝑍1 = 𝑅1 + 𝑗𝜔(𝐿1 − 𝑀) ≈ 𝑅1 (𝐸𝑞 𝐼. 5) 𝑍2 = 𝑅2 + 𝑗𝜔(𝐿2 − 𝑀) ≈ 𝑅2 (𝐸𝑞 𝐼. 6) L’impédance perçue par le signal en mode différentiel est donc proportionnelle à la résistance du circuit. En microélectronique, les résistances R1 et R2 sont typiquement inférieures à 5 Ω.
Impédances en mode commun
Le mode commun est caractérisé par un signal transmis de manière similaire sur les deux voies, c’est à dire i2 = i1. L’expression des impédances devient alors : 𝑍1 = 𝑅1 + 𝑗𝜔(𝐿1 + 𝑀) ≈ 𝑅1 + 𝑗𝜔 × 2𝐿 (𝐸𝑞 𝐼. 7) 𝑍2 = 𝑅2 + 𝑗𝜔(𝐿2 + 𝑀) ≈ 𝑅2 + 𝑗𝜔 × 2𝐿 (𝐸𝑞 𝐼. 8) L’impédance, à haute fréquence, est donc proportionnelle à deux fois la valeur de l’inductance propre. Dans les CMF commerciaux, la valeur des inductances est de l’ordre de la dizaine de nano Henry (typiquement 50-100 nH). 1.3 Réponses fréquentielles d’un filtre CMF La Figure I.3 présente la réponse en fréquence d’un filtre à mode commun. En mode différentiel, la transmission du signal doit être possible avec une faible atténuation, c’est-àdire un taux de réjection inférieur à -3 dB, sur une large bande passante (matérialisée en vert). Dans l’exemple présenté, la limite supérieure de la bande passante est de 5,8 GHz. En mode commun, l’objectif est de rejeter le signal parasite dans une gamme de fréquences donnée (zone rouge). Dans cet exemple, le taux de réjection du mode commun est de -35 dB, centré sur 1,9 GHz. En fonction de l’application, la fréquence du signal a rejeté n’est pas la même. Pour un filtre utilisé en téléphonie mobile, la fréquence de réjection doit être centrée sur 900 MHz. En revanche, dans le cas d’un filtre sur une connexion USB 3.0, le pic de réjection est plus large et centré sur 1,3 GHz. I.6 Figure I.3: Réponse en fréquence d’un filtre à mode commun a) en mode différentiel et b) en mode commun 1.4 Amélioration des propriétés des CMF D’après les expressions des impédances présentées ci-dessus, la résistance interne du dispositif doit être diminuée pour favoriser la transmission du signal différentiel, tandis que les valeurs d’inductance doivent être élevées pour rejeter au maximum le signal commun. La résistance interne (R) du dispositif est donnée par la relation : 𝑅 = 𝜌𝑙 𝑆 (𝐸𝑞 𝐼. 9) avec l et S la longueur et la section du bobinage choisi et ρ la résistivité du matériau. En microélectronique, le matériau de choix est le cuivre qui présente une très faible résistivité linéique (ρcuivre = 17×10-9.m). Au vu de l’équation I.9, la diminution de la résistance peut passer par : – l’augmentation de la section S, en choisissant des lignes de cuivre plus épaisses, mais cette solution implique des problèmes de coût et d’intégration. – la diminution de la longueur l et donc du nombre de spires, cette approche est souvent privilégiée. Dans notre cas, les inductances utilisées pour la réalisation de filtres à mode commun sont des inductances planaires, consistant en un enroulement concentrique en forme de spirale d’une ligne de cuivre (cf. Figure I.4). I.7 Figure I.4 : Image d’une inductance planaire (figure adaptée de [Capelle 2012]) La valeur d’une telle inductance peut être décrite par la formule modifiée de Wheeler [Mohan 1999] selon la relation : 𝐿0 = 𝐶1𝜇0 𝑛 2𝑑𝑚𝑜𝑦 1 + 𝐶2𝜌 (𝐸𝑞 𝐼. 10) où μ0 est la perméabilité magnétique du vide, C1 et C2 des coefficients dépendant de la forme des spires, n le nombre de spires, dmoy le diamètre moyen de la spirale ( 𝑑𝑚𝑜𝑦 = (𝑑𝑖𝑛 + 𝑑𝑜𝑢𝑡)/2) et ρ le taux de remplissage (𝜌 = (𝑑𝑜𝑢𝑡 − 𝑑𝑖𝑛)/(𝑑𝑜𝑢𝑡 + 𝑑𝑖𝑛)), din et dout étant respectivement le diamètre intérieur et extérieur de l’inductance (cf. Figure I.5 ). Figure I.5 : Différents types d’architecture d’inductances planaires avec din le diamètre intérieur, dout le diamètre extérieur, w la largeur de la spire et s la distance entre les spires, C1 et C2 les coefficients dépendant de la forme des spires (figure adaptée de [Mohan 1999]) La valeur de l’inductance étant proportionnelle au carré du nombre de spires, la diminution de la longueur de la ligne de cuivre, i.e. du nombre de spires, entraîne donc une diminution significative de la valeur d’inductance, contradictoire avec le rejet du mode commun. Cependant, cette diminution peut être compensée par la présence d’un matériau ferromagnétique à forte perméabilité au voisinage du dispositif inductif. La valeur de l’inductance propre L0 est alors augmentée pour atteindre Lmag : I.8 𝐿𝑚𝑎𝑔 ≈ 𝐿0 × 𝑓(𝜇𝑅, 𝑒𝑚𝑎𝑔, 𝑔𝑎𝑝, 𝑎𝑟𝑐ℎ𝑖𝑡𝑒𝑐𝑡𝑢𝑟𝑒) (𝐸𝑞 𝐼. 11) La fonction traduisant l’augmentation des propriétés dépend de la perméabilité magnétique relative (μr) du matériau en contact, de son épaisseur (emag), de la distance entre ce dernier et l’inductance (gap) et de l’architecture de l’inductance (cf. Figure I.6) [Couderc 2006-thèse]. Figure I.6: Représentation schématique d’un matériau ferromagnétique sur une inductance planaire avec gap la distance entre l’inductance et le matériau et emag l’épaisseur du matériau magnétique L’intégration d’un matériau ferromagnétique possédant une forte perméabilité permet donc i) de réduire la taille des inductances pour favoriser le signal différentiel, et/ou ii) de favoriser le rejet du mode commun pour une taille d’inductance donnée. Les filtres à mode commun étant des composants essentiels en télécommunication, l’intégration d’un matériau ferromagnétique à leur surface est un enjeu majeur en microélectronique. Afin que cette intégration soit efficace, le matériau ferromagnétique doit présenter une perméabilité magnétique élevée et ce, jusqu’aux hautes fréquences. 2 Les propriétés magnétiques en radio fréquences (RF) Nous nous intéressons donc aux propriétés RF des matériaux ferromagnétiques afin de comprendre quels sont les paramètres à prendre en compte pour l’intégration d’un matériau magnétique sur des inductances. Tout d’abord, nous devons rappeler quelques notions du ferromagnétisme, puis nous aborderons leurs propriétés dynamiques. Cette section s’inspire du livre Introduction to magnetic materials de B.D. Cullity et C.D. Graham, édité en 2009 par Wiley et IEEE Press et du livre Magnetism and magnetic materials de J. M. D. Coey, édité en 2009 par Cambridge UniversityPress.
Rappel sur le ferromagnétisme
Nous détaillerons ici les différentes contributions énergétiques présentes au sein d’un matériau ferromagnétique et les configurations magnétiques qui en découlent. Enfin, nous rappellerons ce qu’est la perméabilité magnétique.
Les énergies magnétiques
Le ferromagnétisme est un ordre magnétique où les moments magnétiques portés par les atomes sont colinéaires et orientés dans le même sens (configuration parallèle). Cet ordre magnétique résulte d’une somme de diverses contributions énergétiques, à savoir : (i) l’énergie d’échange, qui tend à aligner les moments magnétiques dans le matériau. Cette énergie, notée Eech, fait interagir les moments magnétiques sur de courtes distances. Elle est caractérisée par une constante d’échange J. (ii) l’énergie d’anisotropie magnétocristalline, qui tend à aligner les moments magnétiques selon les axes cristallographiques du matériau. Il en découle des directions privilégiées appelées axes de facile aimantation. La direction de ces axes n’est pas la même selon la symétrie du réseau cristallin et le signe de la constante d’anisotropie magnétocristalline K1. Par exemple, le fer (c.c.) présente des axes de facile aimantation selon les directions {100} grâce à une constante K1 positive. En revanche, le nickel (c.f.c.) présente des axes de facile aimantation selon les directions {111} du fait de sa constante négative. Quant au cobalt (h.c.p.) de symétrie hexagonale, il possède une anisotropie uniaxiale selon la direction (0001) (cf. Figure I.7). Figure I.7 : Représentation schématique des axes de facile et difficile aimantation pour a) la symétrie cubique, K1 > 0, b) la symétrie cubique, K1 < 0 et c) la symétrie hexagonale (figures adaptées de [Cullity 2009]) I.10 L’anisotropie magnétocristalline peut agir comme un champ magnétique interne au matériau. On définit alors le champ d’anisotropie magnétocristalline (HK) qui a pour orientation les axes de facile aimantation et pour intensité celle du champ magnétique nécessaire pour écarter l’aimantation de sa direction privilégiée. Pour les matériaux de symétrie cubique, ce champ s’exprime par : 𝐻𝐾 = 2𝐾1 𝜇0𝑀𝑆 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝐾1 > 0 (𝐸𝑞 𝐼. 12) 𝐻𝐾 = −4(3𝐾1 + 𝐾2) 9µ0𝑀𝑆 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝐾1 < 0 (𝐸𝑞 𝐼. 13) où MS est l’aimantation à saturation du matériau, K1 et K2 les constantes d’anisotropie magnétocristalline des directions privilégiées et μ0 la perméabilité du vide. (iii) l’énergie d’anisotropie de forme, qui provient de l’interaction dipolaire entre l’aimantation et le champ démagnétisant. Dans un matériau aimanté avec une aimantation M, il existe un champ interne au matériau, appelé champ démagnétisant, qui va s’opposer à l’aimantation, permettant de refermer la boucle de flux magnétique (cf. Figure I.8). Contrairement à l’énergie d’échange, elle fait interagir les moments magnétiques sur de longues distances. Le champ démagnétisant s’exprime par : 𝐻𝐷 ⃗⃗⃗⃗⃗ = −𝑁⃡𝑀⃗ (𝐸𝑞 𝐼. 14) où M est l’aimantation du matériau et N le coefficient de champ démagnétisant sous forme de tenseur. Ce coefficient dépend de la forme du matériau et peut être décrit par trois coefficients démagnétisants NX, NY, et NZ dont la somme est égale à 1. Figure I.8 : Représentation schématique du champ démagnétisant dans un matériau avec H le champ appliqué, M l’aimantation du matériau et HD le champ démagnétisant (iv) l’énergie d’anisotropie de surface, qui a pour origine la rupture de symétrie des atomes de surface du matériau. Toutefois, cette anisotropie peut être négligée par rapport à l’anisotropie magnétocristalline dans le cas des métaux de transition 3d pour des tailles de l’ordre de 10 nm. I.11 Au final, l’énergie totale peut donc s’écrire sous la forme : 𝐸𝑇𝑜𝑡𝑎𝑙𝑒 = 𝐸𝐸𝑐ℎ𝑎𝑛𝑔𝑒 + 𝐸𝐾 + 𝐸𝐷𝑖𝑝 (𝐸𝑞 𝐼. 15)
Configuration magnétique et notion de taille critique
Au sein d’un matériau ferromagnétique, il existe donc une compétition entre l’énergie magnétocristalline, l’énergie dipolaire et l’énergie d’échange. La configuration magnétique adoptée permettra de minimiser l’énergie totale. Pour des grandes tailles, cette compétition donne lieu à la formation de domaines magnétiques, appelés domaines de Weiss, dans lesquels tous les moments sont parallèles. Ces domaines sont séparés par des parois de domaines (cf. Figure I.9). Lorsque la taille du matériau est réduite en dessous d’une taille critique, la présence d’un seul domaine magnétique peut devenir énergétiquement plus favorable. Cette taille critique dépend des paramètres intrinsèques du matériau [Skomski 2003] : 𝐷𝐶 = 72√𝐽𝐾1 𝜇0𝑀𝑆 2 (𝐸𝑞 𝐼. 16) avec J la constante d’échange, K1 la constante d’anisotropie magnétocristalline et Ms l’aimantation à saturation. La transition entre configuration monodomaine et multidomaine peut être progressive et implique une configuration intermédiaire : la configuration vortex. La taille des nanoparticules reste trop faible pour faire apparaître des domaines magnétiques, mais les interactions dipolaires sont suffisamment fortes pour former une boucle de flux. Les moments en périphérie forment alors une spirale, tandis que les moments au cœur du vortex basculent hors du plan. De telles configurations ont récemment été observées par Gatel et al., dans des cubes de fer de 25 à 27 nm [Gatel 2015].
Chapitre I |