Synthèse et étude mécanistique de nanocristaux d’InP et formation d’hétérostructures
Généralités sur les nanocristaux semi-conducteurs
Qu’est-ce qu’un nanocristal colloïdal ?
Définition d’un nanocristal
Les nanocristaux sont des cristaux de taille nanométrique dont au moins une des dimensions est comprise entre 1 et 100 nm. Il s’agit d’assemblages de quelques dizaines à quelques milliers d’atomes arrangés en mono- ou poly-cristaux. Du fait de leur taille nanométrique, ces objets présentent des propriétés uniques par rapport aux matériaux dits massifs. Un des effets important est l’augmentation du rapport surface/volume lorsque la taille du NC diminue. Ainsi, les atomes situés au cœur de la nanoparticule auront des environnements électroniques différents de ceux situés à sa surface. Les conséquences de ce phénomène sont nombreuses et nous pouvons notamment citer la modification du paramètre de maille du NC en comparaison du matériau massif à cause des contraintes engendrées par la taille nanométrique. De même, la température de fusion est abaissée avec la diminution de la taille des nanoparticules.
Synthèse par voie colloïdale
Afin de former des NCx, deux méthodes sont couramment employées, l’une dite descendante (ou physique) consistant à partir d’un matériau massif pour le miniaturiser jusqu’à la taille nanométrique. L’autre dite ascendante (ou chimique) permet en partant d’atomes, de molécules ou d’agrégats de former des nanoparticules. Cette dernière méthode permet un meilleur contrôle des NCx formés (taille, forme et composition) et présente un faible coût de revient (synthèses en conditions douces et facilité de mise en forme) comparée à la voie physique mais ne permet pas l’obtention d’échantillons d’une grande pureté (moins de défauts, absence de stabilisants organiques). Dans ce manuscrit, nous nous intéresserons uniquement à la méthode dite ascendante et plus spécifiquement à la synthèse par voie colloïdale. Un colloïde contient des particules en suspensions dispersées dans une solution formant un système stable à deux phases. Dans notre cas, les particules sont tellement petites que d’un point de vue macroscopique, le colloïde semble être une solution homogène. Pourtant la phase dispersée correspond bien à un cristal et non à des molécules dissoutes. Afin d’assurer la stabilité colloïdale en solution et d’éviter l’agrégation, les NCx sont entourés de ligands. Ces ligands sont situés à la surface des NCx et possèdent une tête avec une bonne affinité pour la surface des NCx et une queue avec une bonne affinité pour le solvant. Pendant la synthèse des NCx, certains ligands sont liés à la nanoparticule et d’autres sont libres en solution. L’échange dynamique des ligands à la surface des particules permet notamment un bon contrôle de la croissance des NCx. En fin de synthèse, il est important d’éliminer les ligands non liés aux NCx. Par exemple, alors que les solvants organiques apolaires apportent une bonne stabilité colloïdale, les solvants organiques polaires ont une faible affinité avec les chaines apolaires des ligands. En ajoutant de tels solvants, il est possible de déstabiliser la suspension colloïdale et d’agréger les NCx. Ceux-ci peuvent alors être isolés par des cycles de floculation/dispersion.
Mécanisme de formation
Les synthèses colloïdales de NCx ont pour but l’obtention de dispersions composées d’objets présentant tous des propriétés équivalentes. Il est donc nécessaire de contrôler la taille de ces nano-objets afin d’obtenir une population monodisperse, c’est à dire avec une variation en taille inférieure à 5 %.6 En 1950, LaMer et al., proposent un modèle, présenté en Figure 1, où ils introduisent le concept de « Nucléation-Croissance ».7 Ce modèle a été développé pour la synthèse de nanoparticules de soufre à partir d’ions thiosulfates mais peutêtre élargi aux autres synthèses de NCx. Ce modèle se décompose en trois étapes notée I, II et III sur la Figure 1. Figure 1. Modèle de LaMer représentant l’évolution de la concentration en monomères en fonction du temps. Lors de l’injection des précurseurs dans le milieu réactionnel, une importante conversion des précurseurs en monomères (espèce réactive) se produit. La concentration en monomères augmente alors fortement jusqu’à sursaturation du milieu. Cette augmentation de la concentration en monomères se poursuit pour conduire au seuil de nucléation (étape I). Il y a alors formation spontanée de nucléi, ce qui correspond à l’apparition d’une phase cristalline au sein d’un liquide sursaturé en monomères. La formation des nucléi provoque alors une diminution de la concentration en monomères qui passe en dessous du seuil de nucléation (étape II). La nucléation s’arrête au profit de la phase de croissance (étape III). Dans son modèle, LaMer introduit également le concept d’explosion de nucléation qui permet de découpler les étapes de nucléation et de croissance. Cette explosion intervient si l’étape de nucléation est très courte car il y a formation de tous les nucléi très rapidement puis une croissance lente et « homogène » des NCx. Cette séparation dans le temps entre la phase de nucléation et la phase de croissance permet l’obtention de NCx plus monodisperses. L’étape de croissance est régie par un équilibre thermodynamique entre les monomères présents en solution et les NCx formés. Si la concentration en monomères reste légèrement supérieure au seuil de sursaturation et si nous considérons la croissance des NCx limitée par les phénomènes de diffusion, alors la dispersion en taille de l’échantillon diminue pendant la phase de croissance.8,9 Un autre phénomène prend place lors de la formation des NCx et a pour conséquence l’augmentation de la dispersion en taille de l’échantillon. Il s’agit du mûrissement d’Ostwald qui correspond à l’inter-diffusion des monomères des particules les plus petites vers les plus grosses. Ainsi la taille des plus petites particules diminue jusqu’à leur consommation totale et la taille des plus grosses augmente. Afin d’obtenir un échantillon présentant de bonnes propriétés, il est préférable d’éviter ce phénomène qui rend la dispersion en taille des NCx hétérogène.
Structure cristalline
Les NCx, comme leur nom l’indique, sont des cristaux de taille nanométrique composés d’empilements ordonnés d’atomes. Les NCx, que nous allons étudier dans ce manuscrit, présentent majoritairement une structure cristalline zinc blende, à savoir une structure cubique face centrées de groupe d’espace ̅̅̅̅ ̅̅. Cependant, une seconde structure, moins fréquente, de type wurtzite est possible et correspond à une structure hexagonale de groupe d’espace La Figure 2 représente ces deux types de structures cristallines.
Contrôle de la forme des nanocristaux
Nous avons vu précédemment qu’un contrôle de la taille des NCx synthétisés était possible par la maitrise du mécanisme de formation. Cependant, un contrôle de leur forme est également réalisable. Cette maitrise est très importante puisque, tout comme la taille des NCx, leur morphologie influence grandement leurs propriétés physiques.11 Les premiers NCx synthétisés en 1993 par Murray et al. étaient sphériques.5 Cette morphologie est la plus thermodynamiquement favorisée puisqu’elle minimise le rapport surface/volume des NCx. Afin d’induire une anisotropie morphologique, il est important de favoriser une croissance cinétique en jouant sur les ligands et la quantité de monomères en solution. En effet les ligands vont avoir des affinités accrues pour certaines facettes du NC. Ainsi, en contrôlant la nature des ligands, il est possible d’orienter la croissance dans une direction ou une autre.12 Des structure en nanofils13, nanodisques14 ou encore nanoplaquettes (NPLs)15 ont pu être obtenues. 2. Propriétés physico-chimiques des nanocristaux semi-conducteurs luminescents a. Généralités sur les semi-conducteurs Les semi-conducteurs sont des matériaux dont les propriétés sont intermédiaires entre les métaux et les isolants. La théorie des bandes permet de modéliser le comportement électrique des semi-conducteurs. Deux bandes permises sont particulières, la bande de valence (BV) qui est la bande permise de plus haute énergie complètement remplie d’électrons (e- ) et la bande de conduction (BC) qui est la bande permise de plus basse énergie vide ou partiellement remplie d’électrons. La Figure 3 représente le niveau d’énergie relatif de ces deux bandes. La différence d’énergie entre la BC et la BV est appelée bande interdite. Nous observons que pour un métal conducteur la BV et la BC se chevauchent. Dans ce cas, la conductivité électrique peut se faire sans apport d’énergie. Pour un isolant, l’énergie de la bande interdite est trop importante pour que les charges puissent la franchir. Et dans le cas d’un semi-conducteur, cet apport d’énergie est moindre et le passage des électrons de la BV à 11 Alivisatos, A. P. la BC est possible. L’électron peut donc passer de la BV à la BC sous l’influence d’une excitation. Un trou (h+ ) apparait alors dans la bande de valence. La paire électron-trou (e- -h+ ) est appelée exciton. La distance moyenne entre l’électron et le trou est appelée rayon de Bohr.
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