SYNTHESE ET CARACTERISATION DES POUDRES D’ANB
L’élaboration des poudres
La synthèse des apatites nanocristallines biomimétiques
Les analogues de synthèse du minéral osseux ont été obtenus par précipitation en voie aqueuse. Les réactifs de départ, utilisés pour la synthèse des poudres, sont le nitrate de calcium tétrahydrate Ca(NO3)2,4H2O (Merck, qualité : pour analyses, pureté : 99 %), et l’hydrogénophosphate de diammonium (NH4)2HPO4 (Carlo Erba, qualité : pour analyses, pureté : 98 %). La mise en solution des précurseurs dans l’eau déionisée ne pose pas de problème de dissolution. La précipitation [Drouet2009] se fait à température ambiante (environ 22°C), entre une solution aqueuse d’hydrogénophosphate de diammonium ((NH4)2HPO4 à 0,6M) et une solution aqueuse de nitrate de calcium (Ca(NO3)2, 4H2O à 0,3M). L’un des avantages de cette synthèse est dû aux concentrations utilisées des solutions de sels. Contrairement à la synthèse de l’HA réalisée par voie hydrothermale [Raynaud2002] dans des conditions stœchiométriques (rapport molaire des réactifs Ca/P = 10 / 6 ≈ 1,67), la préparation des ANB est réalisée avec un large excès en ions phosphate (rapport molaire des réactifs Ca/P = 0,5), ce qui permet de tamponner le milieu de synthèse à un pH (7,2) proche de la valeur physiologique, sans ajout d’ions ou de molécules étrangères. De plus, cette voie de synthèse restreint l’apparition de phases étrangères au cours de la précipitation et limite les phénomènes de dissolution – reprécipitation. La solution contenant les cations calcium (solution A, Figure 13) est versée manuellement, de façon rapide dans la solution contenant les anions phosphate (solution B, Figure 13). Après avoir agité quelques secondes pour assurer l’homogénéité, le pH de la solution est de 7,2, proche de la valeur du pH physiologique (7,4). Le précipité ainsi formé est vieilli en solution (maturation), à température ambiante, dans des récipients fermés pendant différentes durées déterminées, de 20 minutes à 3 semaines. Au terme de la maturation, le précipité est filtré sur büchner et rincé abondamment à l’eau déionisée, avant d’être séché par lyophilisation. L’étape de lavage est très importante car il est nécessaire d’éliminer tous les ions phosphate en excès ainsi que les contre-ions présents dans les solutions de départ. Le gel recueilli après filtration du précipité étant assez épais, il a été choisi de diviser la filtration sur 4 büchners (≈ 5 g de poudre d’ANB recueillie par büchner) et de laver avec 5L d’eau par büchner afin de favoriser l’élimination des espèces ioniques n’intervenant pas dans la composition de l’apatite ainsi synthétisée. Le mode de séchage par lyophilisation permet ensuite d’éliminer la majorité de l’eau non liée résiduelle tout en limitant les altérations de la couche hydratée présente sur les nanocristaux d’ANB. Après lyophilisation, les poudres sont conservées au congélateur (-18°C) afin de modérer toute évolution. Un tamisage de la poudre permet de conserver les agglomérats de poudre de taille inférieure à 400 μm (≈ 80 % massique de la poudre synthétisée) qui seront utilisés pour la réalisation des céramiques et les différentes expérimentations. Les ions ammonium et les ions nitrate, respectivement pour les solutions de phosphate et de calcium, ont été choisis en raison de leur interférence négligeable avec le réseau apatitique. Il a été montré que ces ions ne pénètrent que très peu dans le réseau [LeGeros1984]. Comme évoqué dans le chapitre précédent (§ I.1.2.b), la composition chimique du minéral osseux varie en fonction des individus, de leur âge, des apports alimentaires, des facteurs génétiques ou environnementaux, et de l’état de maturation du minéral osseux. Dans le cas des ANB, le temps de maturation des ANB a une incidence directe sur l’étendue de la couche hydratée constituée d’espèces ioniques non-apatitiques labiles qui sont responsables de la grande réactivité de surface et de la capacité des ANB à évoluer [Cazalbou2004a]. Au cours de ce travail, des ANB synthétisées et maturées pendant différentes durées ont été analysées au moyen de différentes techniques de caractérisations physico-chimiques complémentaires afin de suivre l’effet de la maturation sur ces analogues de synthèse du minéral osseux.
La synthèse de l’hydroxyapatite stœchiométrique
L’hydroxyapatite phosphocalcique stœchiométrique (HA) est un matériau qui a été utilisé comme référence tout au long de ces travaux. Le laboratoire SPCTS maîtrise depuis longtemps sa méthode de préparation [Raynaud1999]. Comme pour la synthèse des ANB, la synthèse de l’hydroxyapatite stœchiométrique s’effectue par précipitation en voie aqueuse à partir d’une solution de nitrate de calcium Ca(NO3)2, 4H2O (Sigma Aldrich, pureté : 99 %), et d’une solution d’hydrogénophosphate de diammonium (NH4)2HPO4 (Merck, pureté : 99 %). Mais contrairement à la synthèse des ANB, la précipitation de l’HA se fait en milieu basique, à pH égal à 8,5, et à 90°C suivant l’équation de réaction ci-dessous : 6 (NH4)2HPO4 + 10 Ca(NO3)2 + 8 NH4OH T, pH Ca10(PO4)6(OH)2 + 20 NH4NO3 + 6 H2O De plus la méthode de synthèse utilisée est de type « inverse » : Elle consiste à ajouter à débit contrôlé la solution de phosphate à la solution de calcium à pH et température régulés.
Le montage et le protocole de synthèse
La mise en solution des précurseurs de synthèse dans l’eau distillée se fait sans difficulté. Le schéma du montage de synthèse de l’HA est présenté à la Figure 14. La solution de nitrate de calcium est introduite dans le réacteur, puis chauffée, agitée (RZR 2102 Control, Heidolph) et maintenue à une température de consigne. Le contrôle de la température se fait à l’aide d’une sonde (Horst) plongeant dans la solution. La température est régulée par chauffe-ballon. Une colonne à reflux permet la recondensation des gaz émis durant la synthèse. Le pH du milieu réactionnel doit être maintenu constant à sa valeur de consigne. Il est contrôlé par un régulateur de pH relié à une pompe doseuse (Pompe gamma/L, ProMinent) permettant son ajustement par ajout automatique d’une solution d’ammoniaque NH4OH à 3 mol.L-1 (Merck). La solution contenant le précurseur de phosphate, placée dans un second réacteur, est également maintenue à une température de consigne via une plaque chauffante régulatrice munie d’une sonde de température (IKA Labortechnik). Afin d’éviter une éventuelle carbonatation des produits de synthèse, le réacteur est placé sous balayage d’argon. Lorsque les solutions de calcium et de phosphate ont atteint leur température de consigne, la solution de phosphate est introduite à débit contrôlé dans le réacteur principal à l’aide d’une pompe péristaltique (Pumpdrive 5206, Heidolph). Après ajout complet, le mélange est maintenu sous agitation mécanique constante et balayage d’argon pendant le temps de maturation. Les régulations en température et en pH sont également maintenues durant cette période. A l’issue de la maturation, le précipité est récupéré par centrifugation (IEC CL40 Centrifuge, Thermo Scientific) à 2500 rpm pendant 5 min. Pour éliminer un maximum de résidus de synthèse, il est ensuite lavé deux fois à l’eau distillée. Le « gâteau » récolté est alors séché dans une étuve ventilée (Memmert) à 80°C pendant 24 h.
Les paramètres de synthèse de l’HA
De nombreux paramètres sont à contrôler lors d’une précipitation aqueuse car ce sont eux qui vont conditionner la nature et la qualité de la poudre : la température de réaction le pH de la réaction le temps de maturation les concentrations en réactifs le rapport molaire Ca/P en solution la vitesse d’introduction de la solution de phosphate l’atmosphère de la réaction La concentration des solutions de Ca(NO3)3, 4H2O et de (NH4)2HPO4 sont identiques et égales à 0,6413 mol.L–1. Les quantités de solution sont ajustées afin de conserver le rapport molaire Ca/P égal à 10/6 = 1,67 qui correspond au rapport final de l’hydroxyapatite phosphocalcique stœchiométrique. Ces conditions sont issues d’un précédent travail effectué au sein du laboratoire SPCTS [Raynaud2002]. La température du milieu réactionnel est régulée à 90,0 ± 1,0°C tandis que la solution phosphate est maintenue à 75,0 ± 1,0°C. Le pH du milieu réactionnel est fixé à 8,5 ± 0,1 et la vitesse d’addition du précurseur de phosphate est maintenue à 2,4 L.h-1. Afin d’obtenir des composés monophasés, un temps de maturation de 90 min est appliqué. De plus, un débit d’argon à 30 L.h-1 et une vitesse d’agitation du milieu réactionnel à 120 rpm sont imposés tout au long de la synthèse.