Avec l’accessibilité croissante de systèmes électroniques intégrés bon marché tels que les circuits logiques programmables (FPGA, CPLD,…), l’apparition de technologie de transduction à haute densité de capteurs (Céramiques sciées, Composite 1-3, transducteurs micro-usinés (CMUT)) et la constante augmentation des puissances de calcul, les mondes de l’imagerie médicale ultrasonore et de l’acoustique sous-marine voient leur quête commune de systèmes à haute résolution spatiale et temporelle devenir technologiquement envisageables.
Imagerie médicale ultrasonore à haute cadence
Dans le domaine de l’imagerie médicale ultrasonore, cette aspiration d’imagerie à haute cadence (plusieurs centaines de Hertz à quelques kiloHertz) répond à trois types de besoins :
– La visualisation de mouvements rapides des tissus in vivo, par exemple pour l’échocardiographie des valves cardiaques dont les mouvements sont aujourd’hui mal résolus par les systèmes d’imagerie classique.
– L’amélioration de la résolution des débits des flux sanguins par imagerie Doppler. Notamment par l’intégration des traitements dans des circuits programmables (Fukuoka, Schneider, Yoo, Agarwal, & Kim, 2006) ou par l’utilisation de système de calcul haute performance tels que les processeurs graphiques (Chang, Hsu, & Li, 2009).
– La caractérisation de la viscoélasticité des tissus par mesure de la vitesse de propagation des ondes de cisaillement soit générées physiologiquement par les pulsations cardiaques du patient, soit par la génération acoustique d’une poussée de radiation dans le tissu (cône de Mach). (Bercoff, Tanter, & Fink, 2004) (Couade, Pernot, Tanter, Prada, Messas, & Fink, 2008) .
Des systèmes échographiques médicaux à hautes cadences sont disponibles commercialement depuis ces dernières années. Citons par exemple Hitachi EUB 7500 HV ou le système Philips iU22 atteignant des cadences de plusieurs centaines d’images par seconde. Mais c’est SuperSonic Imagine avec sa technologie Ultrafast qui présente aujourd’hui la cadence la plus élevée, atteignant plusieurs dizaines de kiloHertz, avec comme principale application l’élastographie des tissus. Ces méthodes hautes cadences permettent aujourd’hui la caractérisation des tissus plus que leur imagerie et sont restreintes à des utilisations bidimensionnelles.
Caméra acoustique sous-marine
En acoustique sous-marine les scènes d’intérêt se trouvent généralement à une distance importante de l’observateur (typiquement une dizaine de mètres) et l’imagerie active en acoustique sous-marine, plus encore que l’échographie médicale, souffre beaucoup de la vitesse limitée de propagation des ondes acoustiques dans l’eau. Le besoin en forte cadence y est encore plus critique. En ce sens, un système d’imagerie à forte cadence, appelée également caméra acoustique, répond lui aussi à des besoins d’origines très variées :
– Tout d’abord dans le domaine de la sécurité des ports et des installations sensibles (offshore, militaire), la caméra acoustique peut pallier aux limites des systèmes de visualisation optique liées à la turbidité de l’eau.
– L’exploitation pétrolière moderne nécessite de travailler à des profondeurs toujours plus importantes, à l’aide de systèmes autonomes (Autonomous Unmanned Vehicle) ou téléopérés (Remote Operating Vehicle). Un réel besoin opérationnel existe dans l’équipement de systèmes de visualisation performants pour de tels engins, dans le cadre notamment, de l’inspection des pipe-lines.
– La guerre des mines modernes implique elle aussi l’utilisation de systèmes de plus en plus automatisés nécessitant l’emploi d’outils de visualisation fiables et performants.
– Enfin d’autres domaines plus marginaux pourraient bénéficier de tels systèmes, comme la biologie sous-marine, l’équipement de plongeur ou l’inspection de structure (BTP sous-marin, barrage,…).
Il est important de noter que les imageurs acoustiques classiques fabriquent leur image par déplacement mécanique et juxtapositions des fauchées réalisées. C’est le cas des sonars latéraux et des sondeurs multi-faisceaux. Les images peuvent être d’excellente qualité mais elles ne constituent pas ce qu’on attend intuitivement d’une « caméra », c’est-à-dire une vision en 3D obtenue sans mouvement spécifique de la plate-forme. Une caméra acoustique est donc un dispositif dont on attend une image à grande résolution à travers une eau turbide et capable d’obtenir cette image à une cadence et un contraste satisfaisant. On s’attend aussi à ce que cette image n’exige pas un balayage mécanique ou un déplacement contrôlé de l’observateur. Enfin cette image doit pouvoir restituer les 3 dimensions. Des systèmes de caméra acoustique sont aujourd’hui disponibles commercialement. Si les systèmes Blueview ou Didson sont en fait des sonars multifaisceaux haute fréquence, ne permettant qu’une imagerie bidimensionnelle, l’Echoscope de Coda Octopus, basée sur une émission omnidirectionnelle et l’utilisation d’un récepteur bidimensionnel constitue le premier système imageur tridimensionnel temps réel. Ce système permet en effet un pointage électronique dans n’importe quelle direction de l’espace contenue dans un cône de 50°x50° autour de l’axe de l’antenne. Cependant le mode de fonctionnement d’un tel système, adapté aux cadences élevées, ne constitue pas un optimum en termes de qualité de l’image.
Émission distribuée
Le principe de l’émission « MIMO » (Multiple Input Multiple Output) consiste à émettre un signal différent sur chacun des transducteurs d’un réseau, et à séparer temporellement (ou spectralement) les échos à la réception. Idéalement, l’intérêt de cette approche, est de réaliser, en une seule émission, autant d’images que de signaux séparables, et de recombiner ces images de façon cohérente. Cette approche est la plus générale du procédé d’imagerie active, dans le sens où elle prend en compte l’ensemble des degrés de liberté de l’imagerie active en émission. A savoir :
– Géométrie de l’antenne
– Pondération à l’émission
– Codage du signal émis
Supposons par exemple que l’on émette des signaux à des fréquences différentes {f1, f2,…, fk} sur chacun des K transducteurs ; on peut fabriquer en une seule émission K images au lieu d’une seule, ce qui augmente évidemment la cadence. La combinaison « cohérente » de ces K images est envisageable, mais elle ne permet pas d’améliorer le gain en détection dans la réverbération. (Bienvenu, Pillon, & Tournois, 1981) Une seconde approche consiste à utiliser le même contenu spectral sur les transducteurs mais avec une loi de pondération différente sur chacun d’eux. Cette méthode nommée codage spatial (spatial encoding) fait l’objet d’un traitement spécifique dans la suite de cette thèse et présente un grand intérêt dans la recherche de méthodes d’imageries optimales. Notons enfin qu’une grande partie des procédés dit MIMO repose sur l’orthogonalité des différents signaux transmis. Il est important de préciser à ce stade, qu’en traitement du signal, l’orthogonalité ne peut être qu’asymptotique : l’orthogonalité « temporelle » parfaite supposant une bande spectrale infinie, l’orthogonalité « spectrale » parfaite supposant une durée infinie et, plus généralement, l’orthogonalité des codes suppose un produit Bande x Durée infini. L’orthogonalité temporelle est cependant la plus facile à atteindre et correspond à l’antenne synthétique.
Antenne synthétique
L’antenne synthétique est certainement l’un des dispositifs les plus connus de la synthèse d’ouverture (le Radar à antenne synthétique date des années 1950). Elle illustre le bénéfice que l’on peut attendre de l’exploitation de plusieurs récurrences pour améliorer les performances. Des illustrations semblables proviennent d’autres domaines – comme l’échographie en mode PW et CFM – mais la spécificité de la contribution de l’antenne synthétique est de montrer que l’aspect spatial peut autant contribuer aux améliorations que l’aspect temporel. S. Banks montre dans sa thèse que l’on peut fabriquer une antenne synthétique exploitable quelle que soit sa géométrie (Banks, 2002). La question présente un grand intérêt en acoustique sous marine pour le développement de sonar à géométrie variable. C’est aussi dans le domaine de l’antenne synthétique que l’on introduit la notion de « centre de phase », une notion clef pour comprendre le fonctionnement du sonar à antenne synthétique (SAS) et réfléchir à d’autres configurations (par exemple une antenne synthétique frontale).
1. Introduction et position du problème |