Synthèse de copolymères amphiphiles triblocs BAB par PISA-RAFT dans l’eau

Synthèse de copolymères amphiphiles triblocs BAB par PISA-RAFT dans l’eau

Synthèse de copolymères amphiphiles par PISA-RAFT 

 Généralités sur l’auto-assemblage des copolymères amphiphiles en solution 

Depuis les travaux de McBain en 1913, 1 mettant en évidence l’agrégation des molécules de savon dans l’eau, l’auto-assemblage des molécules amphiphiles, couramment appelées tensioactifs, a fait l’objet de nombreuses études.2,3 Elles ont notamment montré que les tensioactifs, constitués d’une tête hydrophile et d’une queue hydrophobe, s’auto-assemblaient spontanément dans l’eau à partir d’une certaine concentration, nommée concentration micellaire critique (CMC), pour former des structures de type cœur-couronne avec les têtes hydrophiles à l’extérieur et les queues hydrophobes au cœur de l’agrégat. Ces agrégats, appelés micelles, sont à l’équilibre thermodynamique et peuvent être de forme sphérique, cylindrique, vésiculaire ou lamellaire.4 Les propriétés des micelles (CMC, taille, forme) sont notamment déterminées par la nature chimique des parties hydrophile et hydrophobe, la concentration et la température. A la fin des années 90, ce comportement a été étudié à l’échelle macromoléculaire en analysant l’auto-assemblage de copolymères amphiphiles dans l’eau. 5,6 Eisenberg et ses collègues ont largement contribué à ces études et notamment montré que des copolymères amphiphiles à base de polystyrène (PS)7–9 pouvaient s’assembler d’une façon similaire aux tensioactifs en formant différents types de morphologies (voir Figure 1). Des morphologies plus exotiques comme de larges sphères comportant des micelles inversées ont notamment été obtenues (voir Figure 1h). L’association des copolymères amphiphiles est caractérisée par une concentration critique d’agrégation (CAC, similaire à la CMC pour les tensioactifs) qui est bien inférieure à celle des tensioactifs (10-5 -10-8 contre 10-2 -10-4 mol/L). De ce fait, les particules polymères possèdent une meilleure résistance aux effets de dilution que les micelles de tensioactifs, ce qui les rend potentiellement attractives – à la condition d’être biocompatibles – pour des applications biomédicales.Figure 1. Clichés obtenus par microscopie électronique en transmission (TEM) et schémas correspondants aux différentes morphologies formées par des copolymères amphiphiles poly(acide acrylique)-bloc-polystyrène (PAAx-b-PSy) en solution aqueuse (x et y correspondent respectivement au degré de polymérisation moyen en nombre des blocs PAA et PS). Dans ces schémas, la partie bleue représente le bloc hydrophile de PAA et la partie rouge le bloc hydrophobe de PS. (HHHs: hexagonally packed hollow hoops ; LCMs: large compound micelles, dans lesquelles les micelles inversées sont composées de cœurs PAA entourés de chaînes PS) (issus de la référence6 ). Les tensioactifs classiques de faible masse molaire peuvent être assemblés rapidement après dissolution directe dans un solvant sélectif et mènent à la formation de morphologies à l’équilibre thermodynamique. Cette approche est inapplicable pour les copolymères à blocs amphiphiles ayant un trop long bloc solvophobe avec une transition vitreuse (Tg) et une tension de surface (γ) trop importantes. C’est pourquoi, une méthode d’assemblage indirecte, appelée « méthode des co-solvants » est alors très souvent utilisée pour ces copolymères. Développée par Eisenberg,8 elle consiste à dissoudre un copolymère amphiphile, un poly(acide acrylique)- bloc-polystyrène (PAA-b-PS) par exemple, dans un bon solvant pour les deux blocs (typiquement du DMF) à faible concentration. Puis, un solvant miscible au solvant organique et sélectif pour l’un des blocs, de l’eau dans ce cas-ci, est progressivement ajouté sous agitation. A partir d’une certaine concentration en eau, les blocs hydrophobes de PS vont s’assembler et former des agrégats stabilisés par les segments hydrophiles de PAA. Dans une dernière étape, le solvant organique est retiré, le plus souvent par dialyse. Au cours de ce procédé, la mobilité des chaînes polymères diminue avec l’enrichissement progressif du milieu en eau. Les échanges de chaînes polymères entre agrégats deviennent alors de plus en plus lents, menant à des objets cinétiquement figés, couramment appelés particules. La morphologie des particules obtenues est, par conséquent, fortement dépendante des conditions de préparation, comme la concentration ou la vitesse d’ajout du solvant sélectif. Ceci est illustré dans la Figure 1 où l’assemblage de copolymères amphiphiles PAA-b-PS de compositions similaires a mené à la formation de particules de morphologies différentes. En milieu aqueux, la formation d’agrégats cinétiquement figés est observée pour la majorité des copolymères à blocs principalement à cause d’une tension interfaciale entre le bloc hydrophobe et l’eau trop élevée, ce qui empêche l’échange des chaînes polymères entre agrégats.11 Pour les systèmes ayant un bloc solvophobe relativement flexible (faible Tg), d’autres méthodes d’assemblage peuvent être utilisées. La dissolution directe du copolymère dans un solvant sélectif, sous forte agitation, peut être envisagée. Pour faciliter la mobilité des chaînes et leur assemblage, il est préférable d’effectuer la dissolution à une température supérieure à la Tg du copolymère. Cependant, malgré des conditions de préparation facilitées pour T > Tg, le bloc étant très solvophobe, les objets obtenus sont généralement hors équilibre thermodynamique et leur morphologie fortement dépendante du chemin de préparation.12,13 La méthode de réhydratation de film, 6 qui consiste à préparer un film polymère par évaporation du solvant avant de le réhydrater, peut également être utilisée. Bien que toutes ces méthodes permettent l’obtention de particules aux morphologies variées, elles présentent de nombreux désavantages. En effet, l’assemblage se fait post-polymérisation, nécessite plusieurs étapes relativement longues, requière l’utilisation de co-solvant organique et mène à des latex ayant une faible concentration en particules (généralement < 1 %mass.), dont la morphologie est fortement influencée par la méthode choisie. Afin de remédier à ces limitations, la méthode PISA, au cours de laquelle la polymérisation et l’auto-assemblage ont lieu simultanément, a récemment été utilisée. Dans la partie qui suit, l’utilisation de cette méthode pour la synthèse de copolymères amphiphiles est décrite.

La PISA contrôlée par RAFT

 Depuis une quinzaine d’années, une nouvelle technique de préparation de nanoparticules à base de copolymères amphiphiles est apparue : la technique PISA (polymerization-induced self-assembly). 14,15 Cette méthode consiste à étendre un polymère fonctionnel solvophile par un second bloc polymère solvophobe en milieu hétérogène (en émulsion ou en dispersion). Durant la polymérisation, le bloc solvophobe croît et un copolymère amphiphile se forme qui va alors s’auto-assembler sous forme de nanoparticules stabilisées de manière stérique ou électro-stérique par le bloc solvophile (voir Figure 2). Afin de former des nanoparticules de morphologies bien définies, la PISA est associée à une technique de polymérisation vivante ou contrôlée. Le plus souvent, des techniques de polymérisation radicalaire par désactivation réversible (PRDR) 16 sont utilisées, comme la polymérisation radicalaire contrôlée par transfert d’atome (ATRP)17–19 ou la polymérisation radicalaire contrôlée par les nitroxydes (NMP).20–22 Mais c’est la polymérisation radicalaire contrôlée par transfert de chaînes réversible par addition-fragmentation (RAFT)23,24 qui reste la plus répandue, certainement pour sa facilité de mise en œuvre et sa grande polyvalence. De manière générale, ces techniques reposent sur l’introduction dans le milieu de polymérisation d’un agent de contrôle qui induit un équilibre entre les chaînes en croissance et les chaînes dormantes,25 permettant ainsi la formation de polymères ayant une masse molaire et une architecture contrôlées et bien définies. La polymérisation radicalaire contrôlée par RAFT est aujourd’hui bien connue et nécessite l’utilisation d’un agent de contrôle, appelé couramment agent RAFT qui va permettre d’établir un équilibre entre les chaînes en croissance et celles dites « dormantes » et ainsi permettre la formation de chaînes polymères ayant une faible dispersité en masse molaire (généralement Ð < 1,3). Un agent RAFT se compose d’un groupement thiocarbonylthio (S=C-S) et de deux substituants : un groupement stabilisant (Z) et un groupement partant (R), qui régissent la solubilité et la réactivité de l’agent RAFT. Les agents RAFT couramment utilisés sont les dithioesters, les trithiocarbonates (TTC), les dithiocarbamates et les xanthates (voir Figure 3). Le premier exemple de PISA contrôlée par polymérisation RAFT date de 2002. 14 Dans cette étude, un oligo(acide acrylique) fonctionnalisé par un agent RAFT a été étendu en émulsion aqueuse par un bloc de poly(acrylate de n-butyle) (PBuA). De nombreuses études ont suivi, aussi bien en milieu organique qu’en milieu aqueux.27–31 L’eau s’est révélée être un solvant particulièrement intéressant car peu coûteux, PAn PAn -b- PBm Copolymère amphiphile Polymère solvophile Polymérisation en Dispersion/ Emulsion B Assemblage in situ (PISA) Sphère Fibre Vésicule non-toxique et non-inflammable, ce qui rend ce procédé d’autant plus attractif à l’échelle industrielle à la fois pour des raisons de sûreté, économiques et environnementales. C) dithiocarbamates et D) xanthates. En PISA-RAFT, le bloc solvophile – stabilisant les particules – est un agent RAFT macromoléculaire couramment appelé « macro-agent RAFT » et est synthétisé par polymérisation en solution, le plus souvent en solvant organique. Le macro-agent RAFT est ensuite étendu lors d’une polymérisation soit en émulsion, soit en dispersion, selon la solubilité du monomère choisi. Comme dit précédemment, les premiers travaux en PISA-RAFT ont été réalisés en émulsion aqueuse en polymérisant des monomères hydrophobes comme l’acrylate de n-butyle (BuA) et le styrène. Hawkett et ses collègues ont montré que des copolymères PAAb-PBuA pouvaient être synthétisés de manière contrôlée lorsque le BuA était ajouté en continu dans le milieu réactionnel et que des particules stables étaient formées dans ces conditions. 14 L’équipe de Charleux a ensuite montré que des particules stables, obtenues par extension d’un macro-agent RAFT à base de poly(éthylène glycol) (PEG) par du styrène ou du BuA, pouvaient également être synthétisées en émulsion selon un procédé « batch », où des gouttelettes de monomère sont initialement présentes dans le milieu. 32 De nombreuses études ont suivi, menées notamment par les équipes de Charleux, Monteiro et Cunningham.33,34 En dispersion, le monomère est soluble dans le solvant choisi et la polymérisation démarre en milieu homogène. L’addition d’unités monomères dans le macro-agent RAFT mène à la formation d’oligomères qui restent solubles dans le solvant jusqu’à une certaine longueur critique. Une fois cette longueur atteinte, le bloc polymère en croissance devient insoluble et précipite, menant à la formation de particules stabilisées par le bloc solvophile présent initialement dans le macroagent RAFT utilisé. En milieu organique, les premiers exemples de PISA-RAFT en dispersion ont été réalisés en 2006 dans le cyclohexane  et en 2008 dans le chloroforme, suivis par de nombreuses études faites dans des alcools et dans différents solvants non-polaires.30,37 En milieu aqueux, la première étude en dispersion a été réalisée en 2007 par Hawker et ses collègues qui ont préparé des copolymères diblocs poly(acrylamide de N,N-diméthyle)-blocA) B) C) D) Avec Z = alkyle ou aryle poly(acrylamide de N-isopropyle) (PDMAc-b-PNIPAm). 38 Puis, de nombreux travaux ont été réalisés, 39 notamment par les équipes de Charleux,40 An41 et Armes. 42,43 Certains groupes ont développé une stratégie de polymérisation dite one-pot dans lesquelles le macro-agent RAFT et le copolymère sont synthétisés dans le même réacteur/solvant sans purification intermédiaire. Le procédé one-pot dans l’eau est particulièrement intéressant car il élimine toute utilisation de solvant organique, ce qui rend ce procédé d’autant plus attractif au niveau industriel. Généralement, les copolymères ont été synthétisés par un procédé one-pot en deux étapes, aussi bien en émulsion aqueuse44–46 qu’en dispersion aqueuse.43,47–50 Dans une première étape le macro-agent RAFT est synthétisé dans l’eau, puis en fin de polymérisation, le second monomère est directement ajouté dans le milieu réactionnel. Récemment, une équipe a réalisé la synthèse dans l’eau de copolymères via un procédé one-pot en une seule étape en profitant de la différence de réactivité des monomères.51 En optimisant les conditions de polymérisation, des copolymères poly(méthacrylate de oligo(éthylène glycol) méthyle éther-grad-diacétone acrylamide) (P(OEGMA-grad-DAAm)) à fort gradient, se rapprochant d’une structure à blocs, ont ainsi pu être synthétisés en une seule étape dans l’eau. Cette même équipe a ensuite développé un procédé PISA semi-batch basé sur l’ajout continu du monomère solvophobe pour synthétiser des copolymères à fort gradient à partir de monomères ayant une réactivité similaire. 52 La stratégie développée consiste à réaliser la polymérisation en conditions « affamées » en ajoutant graduellement le monomère constituant le bloc hydrophobe dans le milieu réactionnel. Ainsi, ils ont montré qu’il était possible de synthétiser différents copolymères P(DMAc-grad-DAAm) en une seule étape et de manière contrôlée. En dispersion ou en émulsion, la PISA contrôlée par RAFT s’est révélée être une méthode efficace pour la synthèse de particules à base de copolymères amphiphiles. Contrairement aux techniques d’assemblage précédemment décrites, la PISA est une méthode rapide et fiable pour former des particules auto-stabilisées et ce à des taux de solide élevés (généralement à 10-20 %mass. et pouvant aller jusqu’à 50 %mass.).33,27,37,34 De plus, comme nous allons le voir dans la partie qui suit, cette technique donne accès à des morphologies de particules variées

Table des matières

Introduction
I. Synthèse de copolymères amphiphiles par PISA-RAFT
I. 1. Généralités sur l’auto-assemblage des copolymères amphiphiles en solution
I. 2. La PISA contrôlée par RAFT
I. 3. Formation de particules par PISA-RAFT
I. 3. 1. Des particules aux morphologies variées
I. 3. 2. Comment moduler la morphologie des particules ?
I. 4. Particules stimulables par PISA-RAFT en milieu aqueux 31
I. 4. 1. Particules pH-sensibles
I. 4. 2. Particules thermosensibles
I. 5. Cas des copolymères amphiphiles à base de DMAc et DAAm
I. 5. 1. Les différentes architectures de copolymères PDMAc/PDAAm
I. 5. 2. Les systèmes PDMAc/PDAAm thermosensibles
II. Les copolymères triblocs BAB en milieu aqueux
II. 1. Synthèse en solution des copolymères BAB
II. 2. Comportement associatif des copolymères BAB dans l’eau
II. 3. Les copolymères BAB stimulables dans l’eau
II. 3. 1. Copolymères BAB thermosensibles
II. 3. 2. Copolymères BAB pH-sensibles
Conclusion
Référence

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