SYNDROMES DRÉPANOCYTAIRES MAJEURS

SYNDROMES DRÉPANOCYTAIRES MAJEURS

La drépanocytose est une maladie chronique, héréditaire, la plus fréquente et la plus grave des hémoglobinopathies dans le monde. Elle s’accompagne très souvent d’un retard de croissance [1-4], affectant précocement le poids et la taille. Même si en définitive la croissance finie par rattraper celle des sujets normaux, une courbe de croissance conventionnelle ne conviendrait pas à la surveillance de ces enfants et au dépistage précoce d’autres pathologies affectant la croissance et qui pourraient se superposer à la maladie drépanocytaire (malnutrition carentielle, pathologies endocriniennes, cardiaques…..) Il existe une variabilité phénotypique dans la drépanocytose, due à des facteurs génétiques et environnementaux. L’haplotype Sénégal se caractérise par un taux élevé d’hémoglobine fœtale [4], une moindre hémolyse et une meilleure tolérance en rapport avec la faible fréquence des complications chroniques et la sévérité de la maladie drépanocytaire [5,6]. L’hémolyse étant la résultante des complications de la maladie drépanocytaire, la croissance ne serait qu’un reflet des répercutions de ses complications. Le retentissement sur la croissance pourrait donc varier selon les différents haplotypes. Au Sénégal où prédomine l’haplotype Sénégal, on pourrait s’attendre à voir un profil de croissance différent de ceux habituellement décrit sous d’autres cieux. Quelques études ont été menées sur la croissance [4, 7, 8], mais sur des populations différentes de la notre par la sévérité des signes cliniques et des complications. Au Sénégal où la prévalence de l’hémoglobine S est estimée 10 %, dont 1 % de formes homozygotes [9], aucune étude n’a été spécifiquement consacrée à l’évaluation de la croissance chez les drépanocytaires. 3 Une meilleure connaissance de ce profil particulier de croissance est nécessaire aujourd’hui afin d’établir des courbes de croissance mieux adaptées au suivi de l’enfant drépanocytaire sénégalais, car la croissance dans la drépanocytose est potentiellement améliorable [1]. C’est dans ce cadre que notre étude a été initiée, afin de décrire le développement staturo-pondéral des patients Sénégalais porteurs de syndromes drépanocytaires majeurs.

RAPPELS SUR LA DREPANOCYTOSE

 DEFINITION 

La drépanocytose est une maladie génétique autosomique récessive, conséquence de la substitution de l’acide glutamique par une valine en position 6 sur la chaîne β de la globine. On distingue la forme hétérozygote ou trait drépanocytaire, typiquement asymptomatique, des syndromes drépanocytaires majeurs qui sont symptomatiques comportent la forme homozygote et les hétérozygoties composites dues à la coexistence de l’hémoglobine S avec une autre anomalie qualitative de l’hémoglobine (SC, SE, SD) ou une béta-thalassémie (Sβ thalassémie). 

EPIDEMIOLOGIE 

La drépanocytose est une maladie de la race noire avec deux foyers majeurs d’origine : l’Afrique subsaharienne d’une part et un arc arabo-indien d’autre part. La maladie est connue en Afrique noire, en Amérique (Etats-Unis, Brésil), aux Antilles, à Madagascar, dans les pays du Maghreb, dans tout le Moyen-Orient jusqu’en Arabie Saoudite, dans le sous-continent indien et dans le Bassin méditerranéen. C’est un problème majeur de santé publique en Afrique noire où la prévalence du trait drépanocytaire est très élevée : 15 à 25% en Afrique centrale et de l’ouest. Elle est de 10 à 12% en Amérique et de 1 à 15% dans les régions méditerranéennes. L’espérance de vie du drépanocytaire dépendant de la prise en charge : elle est d’autant plus élevée que le pays est développé. La moitié des enfants meurent en Afrique avant l’âge de 5 ans. [15] Malgré le manque de précision dans les chiffres, les données récentes laissent suggérer plus de 230 000 naissances d’enfant affecté par la drépanocytose chaque année en Afrique, soit plus de 80 % de la population des naissances 7 affectées à travers le monde. En Amérique du Nord ces chiffres atteignent 2600 et 1300 en Europe . La figure (1) montre la distribution géographique de l’hémoglobine S dans le monde Figure 1 : Distribution géographique de l’hémoglobine S dans le monde This map shows the distribuition of the HbS allele. It was constructed with digitized data derived from Cavalli-Sforza and colleagues. 

PHYSIOPATHOLOGIE

 Par une mutation ponctuelle du codon 6 du gène de la globine bêta du chromosome 11, une valine hydrophobe s’est substituée à la glutamine hydrophile dans l’hémoglobine falciforme HbS. En raison des interactions hydrophobes de l’HbS dans son état désoxygéné, les molécules d’hémoglobine se polymérisent et interagissent avec la membrane des érythrocytes, formant ainsi les hématies falciformes. Sous l’effet de la polymérisation, il s’en suit une entrée massive de calcium dans les hématies qui entraîne une phase secondaire d’acidose intra-cellulaire, celle-ci active le co-transport KCl et entraîne une sortie massive de potassium et d’eau donnant ainsi des drépanocytes irréversibles. Les globules rouges ainsi déformés présentent une résistance mécanique et perdent leur propriété d’élasticité nécessaire pour passer dans la microcirculation et mènent à l’occlusion vasculaire, Ils sont plus rapidement détruits que les globules rouges normaux, ce qui rend compte de l’anémie hémolytique. [17]. Enfin l’augmentation de l’adhésion des réticulocytes drépanocytaires à l’endothélium vasculaire ralentirait le flux sanguin et favoriserait la falciformation des globules rouges. Ainsi les jeunes réticulocytes immatures anormalement adhésifs seraient responsables du déclenchement du processus vaso-occlusif ; les globules rouges âgés, peu déformables, frappées dans un second temps en assureraient la propagation, le tout aboutissant à l’obstruction complète du vaisseau. Par ailleurs la libération d’hémoglobine libre induite par l’hémolyse réduit l’effet vasodilatateur du monoxyde d’azote, principal régulateur du tonus vasculaire. [18] La rigidification et la déformation des globules rouges ainsi que l’augmentation de la viscosité sanguine expliquent les complications vaso-occlusives de la maladie. 9 Le retard de croissance chez les drépanocytaires majeurs s’expliquerait par quatre principaux facteurs : le dysfonctionnement endocrinien, l’insuffisance des apports nutritionnels, les carences en micronutriments, et l’hyper métabolisme . Le dysfonctionnement endocrinien est en partie dû à une altération de la synthèse des facteurs de croissance comme l’Insuline Like Growth Factor I (IGF-I) et de l’insuffisance en proteine porteur de l’IGF, l’Insuline Like Growth Factor Binding proteine 3 (l’IGF-BP3). La baisse de la production de l’IGF est secondaire à une perturbation de l’axe Growth Hormone – Insuline Growth Factor I (GH–IGF-I), à la dénutrition et à l’hypermétabolisme qui accompagne la maladie drépanocytaire. L’apport nutritionnel inadéquat : bien que l’étiologie de cet apport insuffisant ne soit pas complètement compris, des études ont démontré la prévalence de l’anorexie après les épisodes vaso-occlusives, et de douleur. Les enfants atteints de la maladie drépanocytaires ont une moins bonne absorption de certains nutriments comme les vitamines D, E, l’acide folique, le calcium et les fibres. La carences en micronutriments : surtout les vitamines D, A et le zinc, connus pour leur rôle dans la croissance. La vitamine D favorise l’absorption du calcium dans l’intestin et de maintient les taux de calcium sérique suffisantes et les concentrations de phosphate afin de permettre une bonne minéralisation osseuse. La vitamine A et le Zinc renforcent l’immunité et diminuent ainsi la fréquence des infections et des séjours hospitaliers. L’hypermétabolisme : en effet chez l’enfant drépanocytaire, on assiste à un hypermétabolisme du fait de la consommation en oxygène du myocarde nécessaire pour le renouvellement des protéines et l’érythropoïèse. L’hémolyse étant constante dans la maladie drépanocytaire, on assiste à une augmentation du 10 métabolisme basal afin de produire l’énergie nécessaire pour la synthèse de l’hémoglobine. Le principal déterminant de la sévérité de la maladie est l’ampleur de la polymérisation qui est en rapport avec des facteurs génétiques modulant la production d’HbS et le taux d’HbF qui a un effet protecteur [16]. La figure (2) résume la physiopathologie de la maladie drépanocytaire Figure 2 : Physiopathologie de la maladie drépanocytaire.

 ETUDE CLINIQUE 

 Signes cliniques La maladie drépanocytaire a une grande variabilité d’expression clinique. Elle est marquée par trois grandes catégories de manifestations cliniques : – L’anémie hémolytique chronique avec épisodes d’aggravation aiguë, – Les phénomènes vaso-occlusifs, – Les infections bactériennes. 

Les modes de révélation 

La maladie drépanocytaire se révèle le plus souvent dès l’âge de 3 mois (mais jamais avant l’âge de 2 mois, compte tenu de la présence d’HbF) par : – des crises vaso-occlusives (CVO) ou crises douloureuses drépanocytaires : syndrome «pieds-mains» chez le nourrisson, avec dactylite (gonflement douloureux des doigts et des pieds) ; douleurs osseuses d’autres localisations chez le petit enfant; – des anémies aiguës (taux d’hémoglobine < 5 g/dl, le plus souvent 2 à 3 g/dL) nécessitant une transfusion sanguine d’urgence, dues à des crises hémolytiques aiguës, plus rarement à des crises de séquestration splénique aiguë avec splénomégalie, douleurs abdominales, choc hypovolémique mettant en jeu le pronostic vital ; – des infections : pneumonies (dues au pneumocoque, à Haemophilus influenzae), ostéites souvent extensives et pluri focales (salmonelles, staphylocoques dorés), méningites, infections urinaires, septicémies. Les accès palustres à Plasmodium falciparum entraînent une aggravation de l’anémie. Il faut insister sur l’importance des infections, en particulier des infections à pneumocoques, comme cause précoce de mortalité, souvent même avant qu’un diagnostic de drépanocytose n’ait été porté. Le risque de mortalité est maximal entre 6 mois et 3 ans.

 Le devenir de la maladie drépanocytaire

 Sur un fond permanent d’anémie hémolytique chronique (Hb entre 6 et 8 g/dl), la drépanocytose entraîne un retard staturo-pondéral, un retard pubertaire (premières règles à 15 ans) ; un ictère, une hépatomégalie, une splénomégalie qui peut persister chez le grand enfant africain (sans doute en rapport avec l’infection palustre) ; des anomalies radiologiques : épaississement des os de la voûte du crâne, ostéoporose (vertèbre en H). 

 Les complications aiguës 

Elles sont celles qui ont révélé la maladie chez le petit enfant.  Crises douloureuses à répétition au niveau des os : os longs, vertèbres, thorax (côtes, sternum) qui durent 4 à 5 jours, et crises douloureuses de l’abdomen avec iléus réflexe durant 2 à 3 jours.  infections : Une infection pulmonaire est la première cause à rechercher, elle peut être causée par des virus, le pneumocoque, le mycoplasme ou le chlamydia ; L’ostéomyélite aiguë qui se manifeste par des douleurs osseuses, fixes et durables malgré un traitement antalgique chez un enfant fébrile, elle est due à des salmonelles, des pneumocoques, ou au staphylocoque doré ; Cholécystite ; Pyélonéphrite ; Septicémies et les méningites.  anémies de cause infectieuse (bactérienne, paludéenne) ou par aplasie médullaire (érythroblastopénie due au parvovirus B19) sur un fond d’anémie chronique par hyperhémolyse.  accidents vaso-occlusifs graves : infarctus osseux ; les accidents vasculaires cérébraux (accident ischémique, hémorragie cérébrale) étant une complication redoutable de la drépanocytose chez l’enfant et chez l’adolescent réalisant la vasculopathie cérébrale : 10% des drépanocytaires présentent un infarctus cérébral symptomatique avant l’âge de 20 ans; syndromes thoraciques aigus (acute chest syndrom) : survient entre de 2 et 5 ans, dans les formes SS et Sβ° et associe des signes respiratoires, la fièvre, la douleur thoraco-abdominale et un foyer d’infiltrat pulmonaire de novo à la radiographie thoracique, Une infection pulmonaire est la première cause à rechercher : virus, pneumocoque, mycoplasme, chlamydia. Il survient près d’une fois sur deux après une crise vasoocclusive. La répétition des STA fait craindre une évolution ultérieure vers l’insuffisance respiratoire chronique et l’HTAP ; priapisme ischémique aigu ou intermittent chronique; Les crises de séquestration spléniques, parfois hépatiques. 

 Les complications chroniques 

Se voient chez les adolescents et les adultes : – Cardio pulmonaires : la myocardiopathie liée à l’anémie chronique; l’hypertension artérielle pulmonaire ; – Rénales : hyposthinurie (diminution de concentration maximale des urines responsable de déshydratation), l’hématurie, l’insuffisance rénale chronique révélée par une protéinurie à rechercher systématiquement ; – Gastro intestinales et hépato biliaires: la lithiase biliaire asymptomatique dans la moitié des cas et mise en évidence à l’échographie abdominale, l’asplénie fonctionnelle, l’hypersplénisme ; – Ostéo articulaires / cutanées/ musculaires : l’ostéonécrose aseptique de la tête fémorale et humérale, l’ulcère de la jambe, les myosites ; – Neurologiques : déficit moteur, cécité, surdité, comitialité ; – Ophtalmiques : la rétinopathie pré-proliférative ou proliférative : consultation ophtalmologique immédiate en cas de douleur oculaire, 14 perception de taches noires, chute brutale de l’acuité visuelle; bilan annuel pour les SC, dès l’âge de 6 ans, pour les SS dès l’âge de 10 ans ; – Les retards de croissance (staturo-pondérale) et de la maturation sexuelle. La distinction en trois périodes de l’histoire naturelle de la maladie drépanocytaire comporte : – avant 7 ans : le syndrome mains-pieds du nourrisson, les infections (pneumocoques), les épisodes anémiques aigus, le retard staturo-pondéral, l’apparition de la vasculopathie cérébrale ; – après 7 ans : la répétition des syndromes vasculo-occlusifs hyperalgiques, la vasculopathie cérébrale, l’apparition des syndromes thoraciques aigus ; – à l’âge adulte : les problèmes orthopédiques et ophtalmologiques.

Table des matières

INTRODUCTION
OBJECTIFS DE L’ETUDE
1. Objectif général
2. Objectifs spécifiques
PREMIERE PARTIE : RAPPELS SUR LA DREPANOCYTOSE
I. DEFINITION
II. EPIDEMIOLOGIE
III. PHYSIOPATHOLOGIE
IV. ETUDE CLINIQUE
IV.1. Signes cliniques
IV.2. Les modes de révélation
IV.3. Le devenir de la maladie drépanocytaire
IV.4. Signes biologiques
V. PRISE EN CHARGE
V.1. La prise en charge à l’état basal
V.2. Les perspectives
DEUXIEME PARTIE: TRAVAIL PERSONNEL
I. PATIENTS ET METHODES
I.1. Type d’étude
I.2. Période d’étude
I.3. Cadre de l’étude
I.4. Population d’étude
I.4.1. Calcul de la taille de l’échantillon
I.4.2. Technique d’échantillonnage
I.4.3. Critères de non inclusion
I.5. Paramètres étudiés
I.6. Recueil des données
I.7. Saisie et analyse des données
II. RESULTATS
II.1.Caractéristiques Générales Des Patients
II.1.1. Profil génotypique
II.1.2. Sexe et âge
II.1.3. Provenance
II.1.4. Qualité du suivi
II.2.Caractéristiques Anthropométriques De La Population D’étude
II.2.1. Développement pondéral des enfants Sénégalais drépanocytaires homozygotes
II.2.2. Développement statural des enfants drépanocytaires homozygotes Sénégalais
II.3 Caractéristiques Cliniques Biologiques Et Evolutives
II.3.1. Données biologiques
II.3.2. Données clinique et évolutives
II.4. Analyse Univariée Des Facteurs Influençant La Croissance
II.4.1. L’hémoglobine de base et l’hémoglobine F
II.4.2. Les crises vaso-occlusives (CVO)
II.4.3. Les complications
III. DISCUSSION
III.1.Caractéristiques générales de la population d’étude
III.2.Caractéristiques Anthropométriques De La Population D’étude
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
RÉFÉRENCES

 

projet fin d'etudeTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *