SYNDROME DE WOLFF-PARKINSON-WHITE

SYNDROME DE WOLFF-PARKINSON-WHITE

 EMBRYOLOGIE 

A partir du 33 e jour de vie intra-utérine, l’anneau fibreux séparant anatomiquement les masses myocardiques atriales et ventriculaires [28], se développe horizontalement. Il abrite des ponts myocardiques anatomiques auriculoventriculaires mais non fonctionnels qui disparaissent à terme mais parfois après plusieurs mois ou années. Ainsi, à terme et après maturation normale de l’anneau fibreux, la communication électrique entre les étages auriculaire et ventriculaire devient exclusivement liée au tronc du faisceau de His qui les traverse. La persistance de ces ponts myocardiques [28] est à la base des différentes voies de conduction atrio-ventriculaire accessoires, pouvant court-circuiter le faisceau de His. 

ANATOMO-PATHOLOGIE 

Les travaux d’Anderson [29] définissent différents types anatomiques de connexion accessoire atrio-ventriculaire. Les premières dénominations (faisceau de Kent, fibres de James ou de Mahaïm) ont été remplacées par une terminologie plus précise établie par la Société Française de Cardiologie, basée sur une approche anatomique. On distingue ainsi des connexions: – auriculo-ventriculaires (faisceau de Kent) responsables du syndrome de W.P.W. ; – nodo-ventriculaires (entre le N.A.V. et les ventricules, anciennement nommées fibres de Mahaïm) ; – fasciculo-ventriculaires(entre le réseau His-Purkinje et les ventricules) ; – atrio-hisiennes (entre les oreillettes et le faisceau de His) responsables du syndrome de Lown-Ganong-Levine.

Le faisceau auriculo-ventriculaire : le faisceau de Kent 

Le faisceau de Kent, responsable du syndrome de W.P.W., est une connexion musculaire anormale accessoire reliant les myocardes atrial et ventriculaire (figure 6). Figure 6 : Représentation schématique d’un faisceau de Kent droit [1]. Il peut siéger sur toute la circonférence des anneaux auriculo-ventriculaires sauf dans la portion de l’anneau mitral adjacente à l’anneau aortique [3], le septum et dans l’épaisseur de la graisse du sillon auriculo-ventriculaire. Unique ou multiple [28], à droite comme à gauche, sa situation anatomique peut être latérale, postéro-septale ou antéro-septale ; la localisation la plus fréquente étant la paroi latérale du V.G. (54 %) [14]. Quand ils sont multiples, ils peuvent être situés, soit du même côté à droite ou à gauche, soit être bilatéraux. La nomenclature traditionnelle [28], les divise en : antéro-latéral gauche, latéral gauche, postérieur gauche, antérieur droit, latéral droit et postérieur droit. Les localisations septales peuvent être à droite comme à gauche. Les localisations postéro-septales sont proches du S.C. les septales moyennes sont plus antérieures Haut Gauche 22 à ce dernier, mais sont les plus proches de la portion compacte du N.A.V. (figure 7). Il existe une nomenclature plus récente qui a été proposée mais elle n’est pas encore entrée dans la pratique courante (figure 8) [30]. La dimension est variable : la longueur peut varier de 2 à 10 mm et le diamètre de 0,2 à 2 mm [28]. Le faisceau de Kent a deux insertions : atriale et ventriculaire. Le plus souvent, il naît d’une structure unique bien définie proche de l’anneau fibreux mais se ramifie près de son insertion dans le myocarde ventriculaire. Ceci explique les discordances électrocardiographiques de la conduction antérograde et rétrograde des voies accessoires. Figure 7 : Représentation schématique des différentes localisations des faisceaux de Kent et de leurs rapports avec les anneaux tricuspide, mitral et aortique [30] (nouvelle nomenclature) MV : mitral valve = valve aortique TV : tricuspid valve = valve tricuspide AV : aortic valve = valve aortique PV : pulmonary valve = valve pulmonaire Avant Gauche 23 Les travaux de Becker [31], constatent que la plupart des voies latérales gauches contournent, par voie épicardique, un anneau atrio-ventriculaire correctement formé, à la différence des voies droites dont la localisation préférentielle est sousendocardique, la jonction atrio-ventriculaire s’établissant par un défaut de la zone annulaire. Figure 8 : Schéma histologique du faisceau de Kent (Demoulin, 1988).

ELECTROPHYSIOLOGIE 

La conduction normale va des oreillettes aux ventricules et est dite antérograde. 

 Voies de conduction normales

Les cellules cardionectricessont des cellules douées d’automatisme. L’activité électrique cardiaque prend naissance au niveau du nœud sinusal qui est le « pace-maker » du cœur. L’influx dépolarise ensuite, de proche en proche, l’ensemble du massif auriculaire et rejoint le N.A.V. par les faisceaux inter-nodaux antérieur et postérieur. La voie antérieure est courte, rapide et directe ; la voie postérieure est lente et plus longue. L’influx électrique dépolarise ensuite le faisceau de His qui, par l’intermédiaire de ses deux branches, droite et gauche, active ainsi simultanément les deux ventricules. Le N.A.V. est le seul passage possible pour l’activité électrique entre les massifs auriculaire et ventriculaire. En effet, les anneaux mitral et tricuspide sont en continuité, renforcés au centre par le noyau fibreux central qui est traversé par le N.A.V. Ils sont formés par des structures fibreuses imperméables au courant électrique [14]. Quant à la voie nodale, elle a une conduction décrémentielle jouant ainsi un rôle de filtre. Ainsi tous les stimuli rapides parvenant au N.A.V. ne peuvent être conduits aux ventricules [33]. La dépolarisation myocardique s’accompagne d’une période réfractaire subdivisée en période réfractaire absolue (P.R.A.) et période réfractaire relative (P.R.R.). Pendant la P.R.A. un stimulus électrique n’entraîne aucune réponse. La conduction normale antérograde est caractérisée par un ralentissement initial au niveau de la portion haute du N.A.V., suivi d’une conduction rapide par le faisceau de His et le réseau de Purkinje. 

Caractéristiques électrophysiologiques des voies accessoires 

Contrairement aux tissus de conduction nodo-hisienne, il n’existe pas de cellules à conduction lente ni de conduction décrémentielle au niveau du faisceau de Kent. Cependant, une conduite décrémentielle a été observée exceptionnellement sur certains faisceaux accessoires postéro-septaux droits [34]. La conduction au niveau de la voie accessoire est donc plus rapide que celle normale. Elle obéit à la loi du tout ou rien selon que le faisceau de Kent est en période réfractaire relative (P.R.R.), laissant passer l’influx ou en période réfractaire absolue (P.R.A.) où il n’existe aucun passage de l’influx vers les ventricules. La période réfractaire est variable, parfois courte, parfois longue. La conduction peut être antérograde comme rétrograde. Généralement, la conduction rétrograde est la meilleure et il est fréquent que la période réfractaire du faisceau de Kent soit plus courte en rétrograde qu’en antérograde [35]. Ainsi, on attribue les anomalies électriques du W.P.W. à la présence et aux caractéristiques de cette voie accessoire de conduction. La conduction peut être classique bidirectionnelle ou unidirectionnelle (antérograde ou rétrograde exclusive). 26 VIII. PHYSIOPATHOLOGIE Le syndrome de W.P.W. est dû à l’existence du faisceau de Kent [36]. Celui-ci constitue une voie de conduction atrio-ventriculaire accessoire court-circuitant partiellement ou totalement la voie de conduction normale (figure 11). Figure 9 : Double voie de conduction dans le syndrome de W.P.W. : la voie nodale et la voie accessoire [37]. Ces conséquences électriques sont à l’origine des manifestations cliniques. La conduction dans le faisceau de Kent étant plus rapide, l’influx partant de l’oreillette et descendant par le faisceau de Kent arrive plus rapidement au ventricule homolatéral, qu’il active prématurément à partir de son insertion ventriculaire, d’où la pré-excitation ventriculaire avec l’intervalle PR court. Il s’ensuit un asynchronisme de la dépolarisation ventriculaire avec l’aspect de pseudo bloc de branche : o L’activation ventriculaire par la voie accessoire commence au niveau du myocarde indifférencié et se répand de proche en proche d’où la présence d’onde delta, Haut Gauche 27 o Puis vient, la stimulation normale des ventricules par la voie normale avec un complexe QRS, après l’onde delta. La figure 10 représente de manière schématique la pré-excitation ventriculaire. Figure 10 : Représentation schématique et aspect électrocardiographique d’une pré-excitation ventriculaire par un faisceau de Kent [14]. L’influx électrique part du N.S., dépolarise les ventricules par le N.A.V. (flèche noire) et par la voie accessoire (flèche rouge). Sur l’E.C.G. on observe un intervalle PR court et un empâtement du pied du QRS (onde delta, représentée en rouge). La dépolarisation de l’ensemble de la masse ventriculaire est liée en partie à l’influx descendant par le Kent et en partie à l’influx descendant par le His : o Sur le faisceau de Kent, l’influx descend toujours avec la même vitesse, alors que sur les voies normales, l’influx descend moins vite selon l’état vagal au niveau du N.A.V. Il en résulte un complexe de fusion du QRS entre ce que serait le QRS si l’influx ne descendait que par le faisceau accessoire et ce que serait le QRS si l’influx ne descendait que par les voies normales, 28 o Les proportions respectives de la masse ventriculaire dépolarisée par l’une et l’autre des deux voies de conduction, et donc le degré de fusion, varient (figure 11), Figure 11 : Différents degrés de pré-excitation [22]. o La morphologie du QRS varie en fonction de la perméabilité du faisceau accessoire avec disparition des QRS larges pré-excités en cas de passage exclusif par la voie normale ou majoration de ces complexes en cas de passage uniquement par la voie accessoire (aspect de « super- Wolff »), o L’induction d’un réflexe vagal peut reproduire cet aspect de pré- excitation majeure. Dans ce cas, l’influx sera bloqué, ou très ralenti dans le N.A.V. Par contre, il descendra normalement par le faisceau de Kent, qui assurera donc à lui seul la dépolarisation de la quasi-totalité des ventricules. Au fur et à mesure que le réflexe vagal disparaît, l’aspect de pré-excitation est de moins en moins marqué. «La loi du tout ou rien» explique le fait que l’E.C.G. soit changeant. Il peut être normal si le faisceau de Kent est en P.R.A. La durée de la période réfractaire de la conduction antérograde détermine la dangérosité potentielle du W.P.W. : o Si elle est courte, elle peut être à l’origine de troubles du rythme graves. En effet, dans ce cas, une arythmie supra-ventriculaire rapide telle qu’une fibrillation atriale, plus fréquente en cas de pré-excitation 29 ventriculaire, peut être conduite très rapidement aux ventricules par la voie accessoire, ce qui n’est pas possible par les voies de conduction normales du cœur qui jouent un rôle de filtre. L’arythmie atriale risque alors de se dégrader en F.V., responsable des morts subites constatées dans cette pathologie, o Si elle est longue, le sujet peut être asymptomatique. À l’extrême, la présence de la voie accessoire peut ne pas entraîner de modifications de l’E.C.G. en rythme sinusal et l’on parle alors de Kent masqué (figure 12). Il existe une conduction antérograde par la voie accessoire mais les ventricules sont activés plus rapidement par les voies de conduction normales du cœur. Une manœuvre vagale ou l’injection d’adénosine peut permettre de démasquer la pré-excitation. Certains faisceaux de Kent n’ont en apparence qu’une conduction rétrograde d’où la notion de Kent caché [35] (figure 13). Figure 12 : Kent masqué [14]. L’influx électrique passe des oreillettes vers les ventricules par les voies normales du cœur (flèche noire) et par la voie accessoire (flèche rouge) mais le passage par la voie accessoire prend plus de temps que par le N.A.V. Il n’y a donc pas de préexcitation ventriculaire en rythme sinusal. 30 Figure 13 : Kent caché [14] Il n’y a pas de conduction antérograde par la voie accessoire (flèche rouge bloquée). La dépolarisation ventriculaire se fait donc uniquement par le N.A.V. Il n’y a pas de pré-excitation en rythme sinusal.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS SUR LES PRE-EXCITATIONS
I. HISTORIQUE
II. EPIDEMIOLOGIE
III. CLASSIFICATIONS
III.1. Classification de Rosenbaum.
III.2. Classification de Puech
III.3. Classification de Boineau
III.4. Classification de Frank et Fontaine
III.5. Classification de Gallagher
III.6. Classification de Reddy-Schamroth
III.7. Classification de Lindsay-Cain
III.8. Synthèse
IV. ANATOMO-HISTOLOGIE
V. EMBRYOLOGIE
VI. ANATOMO-PATHOLOGIE
VII. ELECTROPHYSIOLOGIE
VII.1.Voies de conduction normales
VII.2.Caractéristiques électrophysiologiques des voies accessoires.
VIII. PHYSIOPATHOLOGIE
IX. ETIOPATHOGENIE ET HISTOIRE NATURELLE31
X. SIGNES
X.1. Tableau clinique
X.2. Signes E.C.G. du syndrome de W.P.W
X.2.1. L’aspect typique
X.2.2.Variantes électrocardiographiques du syndrome de W.P.W
X.2.3.Localisation du faisceau de Kent grâce à l’E.C.G
XI. PRINCIPAUX TROUBLES DU RYTHME DANS LE SYNDROME DE W.P.W
XI.1. Tachycardie réciproque
XI.1.1. Forme commune ou orthodromique (%)
XI.1.2. Forme antidromique
XI.2. Fibrillation atriale
XII. EVOLUTION – PRONOSTIC
XII.1.Méthode d’évaluation du risque évolutif du syndrome de W.P.W
XII.1.1. Les méthodes d’exploration non invasives
XII.1.1.1. HOLTER E.C.G. de 24 heures
XII.1.1.2. Epreuve d’effort
XII.1.1.3. Les tests pharmacologiques
XII.1.2. Méthode semi-invasive : la stimulation œsophagienne
XII.1.3. Méthode invasive : exploration électrophysiologique (E.E.P.)
XII.2.Pronostic
XIII. DIAGNOSTI
XIII.1. Positif
XIII.2. Différentiel
XIII.3. Diagnostic étiologique
XIV. TRAITEMENT
XIV.1. Buts
XIV.2. Moyens
XIV.2.1. Les anti-arythmiques
XIV.2.2. L’ablation
DEUXIEME PARTIE : NOTRE TRAVAIL
I. METHODOLOGIE
I.1. Cadre de l’étude
I.2. Population étudiée
I.2.1. Critères d’inclusion
I.2.2. Critères de non inclusion
I.3. Méthode d’étude
I.3.1. Type et période d’étude
I.3.2. Paramètres étudiés
I.3.3. Traitement et analyse statistique des données
I.3.4. Considérations éthique
II. RESULTATS
II.1. Aspects épidémiologiques
II.2. Aspects cliniques
II.3. Aspects paracliniques
II.4. Aspects thérapeutiques
II.5. Evolution à court terme (02 mois)
II.6. Evolution à moyen terme (03 mois)
III. COMMENTAIRES ET DISCUSSION
III.1. Limites de l’étude
III.2. Données épidémiologiques
III.3. Données cliniques
III.4. Données paracliniques
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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