Structure microscopique et dynamique des vortex dans un superfluide dense

Structure microscopique et dynamique des vortex dans un superfluide dense

 Le gaz de Bose superfluide : modélisation microscopique

L’état superfluide est un état ordonné de la matière – au même titre que l’état cristallin ou l’état ferromagnétique. Il est ainsi possible de le décrire en terme de paramètre d’ordre. Dans le cas d’un superfluide, on choisit la fonction d’onde Ψ (« r) =< c&r >, valeur moyenne de l’opérateur annihilation d’une particule à la position « r comme paramètre d’ordre. En effet, le caractère aléatoire de sa phase annule cette quantité dans l’état normal. Comme la densité ρs reste non-nulle dans la phase superfluide, avant de disparaître à la température critique, on peut être tenté de l’assimiler au carré de la fonction d’onde. En fait, cette assimilation n’est correcte que pour un gaz dilué. La fonction d’onde du superfluide est un nombre complexe, avec un module et une phase, que l’on peut réécrire sous la forme : Ψ (« r) = f (« r) eıφ. La phase, notée φ, est reliée à la vitesse du superfluide par : « vs = ! m ∇ » φ. (1.1) 1.1 Equation de Gross-Pitaevskii Cette équation, déterminée séparément par Gross [22] et Pitaevskii [43], est la modélisation la plus communément admise pour étudier le comportement d’un superfluide à température nulle. Il s’agit dans sa forme générale d’une équation de Schrödinger non-linéaire (NLSE) pour la fonction d’onde d’un atome au sein d’un ensemble de bosons en interactions : ı! ∂Ψ (« r, t) ∂t = & − !2 2m ∆ + Vext (« r, t) + ‘ Ψ∗ (« r $ , t) V (« r $ − « r) Ψ (« r $ , t) d3 « r $ ( Ψ (« r, t). (1.2) Dans le cas d’un gaz dilué, on peut montrer que les seules interactions qui contribuent de façon significative à la détermination de la fonction d’onde sont les interactions binaires et que le potentiel alors associé peut être décrit par l’intermédiaire   d’une fonction de Dirac répulsive, d’intensité V0, comme Cohen [12] ou Pitaevskii et Stringari [44] le synthétisent. Dans ce modèle, les particules n’interagissent donc entre elles que lorsqu’elles “occupent” la même position « r, ce qui signifie que la portée du potentiel d’interaction est nulle. En présence d’un tel terme de potentiel, on obtient alors une équation de champ moyen typique, où le paramètre d’ordre doit être calculé de façon autocohérente : ı! ∂Ψ (« r, t) ∂t = & − !2 2m ∆ + Vext (« r, t) + V0|Ψ (« r, t)| 2 ( Ψ (« r, t). (1.3) Solution uniforme On écrit la fonction d’onde sous la forme, où Ψ0 est une constante réelle : Ψ (« r, t) = |Ψ0|e−ı E0t ! . (1.4) La séparation des variables temporelle et spatiales suggère qu’on recherche une solution stationnaire. On réinjecte dans l’équation de Gross-Pitaevskii (1.2) et on obtient la relation suivante entre E0 et la densité |Ψ0| : E0 = ‘ |Ψ0| 2 V (« r $ − « r) d3 « r (1.5) ce qui devient dans le cas local : E0 = V0|Ψ0| 2 . (1.6) On constate clairement que l’énergie peut être déterminée à partir de la densité uniforme et inversement. Transformation de Madelung Dans ce formalisme, comme le rappellent Nore, Abid et Brachet [39], on écrit la fonction d’onde stationnaire comme : Ψ (r) = )ρ (r)eıφ (1.7) en supposant qu’à la limite thermodynamique, la densité est assimilable à la probabilité de présence, égale au carré de la fonction d’onde. L’équation de Gross-Pitaevskii peut alors se réécrire sous la forme de deux équations. La première, portant sur ρ, est simplement l’expression de la conservation de la masse :    ∂ρ ∂t + ∇ · (ρ »vs)=0 ! m ∂φ ∂t + 1 2 . ! m ∇φ /2 + V0 ρ m − !2 2m2 ∆√ρ ρ = 0 (1.8) La seconde décrit un fluide isentropique, compressible – et irrotationnel, comme le montre l’équation (1.1) – si on néglige le dernier terme du membre de gauche,  également appelé terme de “pression quantique”, bien qu’il ait la dimension d’un potentiel chimique. Ce dernier n’a d’influence que lorsque la fonction d’onde varie fortement sur une petite échelle (que ce soit près du cœur d’un vortex ou près d’une paroi), dont l’ordre de grandeur de “l’épaisseur” est aussi appelé longueur de relaxation ; au cœur du superfluide, là où l’échelle de variation de √ρ est large et donc loin des parois, il n’a pas d’effet – la pression est alors proportionnelle au carré de la densité ρ2. Le fait que l’hélium soit un système de bosons fortement corrélés ainsi que la capacité de l’équation de Gross-Pitaevskii à modéliser un fluide d’Euler explique en grande partie le succès de cette dernière dans la description d’un superfluide. Solution vorticitaire L’équation de Gross-Pitaevskii a une solution vorticitaire [23]. En coordonnées cylindriques, r, θ, z, on cherche alors une solution de la forme : Ψ (r, θ, z, t, n) = f (r) eınθ e− ıEnt ! avec ‘ |f (r)| 2 2πrdrdz = N (1.9) où n est le nombre de quanta associé au tourbillon, c’est-à-dire le nombre de quanta de circulation du vortex considéré. On note qu’en identifiant nθ, où θ est l’angle azimutal, à φ, la phase dans la convention phase-densité, l’amplitude )ρ (r) est assimilable à la fonction radiale f (r). Quant à la vitesse du superfluide, elle vaut alors : vθ = !n Mr (1.10) Une première remarque concerne la vorticité. Par définition de la vitesse, cette dernière est nulle wz = ∇ ∧ « v = 1 2r ∂ ∂r (rvθ) (1.11) excepté en r = 0, où elle n’est pas définie. En substituant Ψ par sa forme dans l’équation de Gross-Pitaevskii, on détermine une équation radiale pour f (r) : Enf (r) = − !2 2M .1 r d dr . r d dr/ − n2 r2 / f (r) + V0f (r)|f (r)| 2 (1.12) dont on peut étudier les limites à r → 0 et r → ∞. Pour r → 0, le terme centrifuge n2 r2 doit diverger. Or, puisqu’on s’attend à trouver une solution stationnaire, l’énergie En doit rester finie, ce qui implique que la fonction f (r) tend vers 0 pour r petit. On peut alors en déduire que le terme V0f (r)|f (r)| 2 est négligeable devant le reste de l’équation : l’effet de la pression quantique est prédominant sur celui des interactions où A est une constante non déterminée et Jn [x] est la fonction de Bessel du premier genre. En effet, l’équation devenant linéaire, n’importe quelle solution multipliée par un coefficient non-nul en sera également solution. On remarque qu’il n’est donc pas possible de déterminer la pente à l’origine. Pour r → ∞, la solution vorticitaire se confond avec celle de la densité uniforme par construction. On a donc : f (r) → ρ0 (1.14) Gross propose ainsi en première approximation de relier les deux limites en faisant correspondre leurs dérivées logarithmiques respectives. Le résultat fait apparaître un coeur de la taille de la longueur de relaxation ξ0, qui est l’échelle de longueur caractéristique sur laquelle la densité du gaz de Bose varie. Pour obtenir la forme complète du profil de la fonction d’onde près de la singularité, on résout alors numériquement l’équation de Gross-Pitaevskii, comme montré sur la figure (1.1). Il faut cependant garder à l’esprit que l’équation de Gross-Pitaevskii ne saurait être utilisée que lorsque les phénomènes étudiés se situent sur des échelles spatiales bien plus grandes que la longueur de diffusion a. Les vortex dont le nombre quantique n associé est supérieur à 1 sont considérés comme instables énergétiquement : l’énergie d’un vortex, que l’on peut interpréter comme équivalente à la tension le long de la ligne, croit avec le carré du quantum de  circulation. Un vortex de nombre quantique n = 2 aura une énergie linéique deux fois plus élevée que deux vortex de circulation ! m. Dans l’hypothèse où de tels vortex apparaîtraient naturellement, il semble logique de penser qu’ils se décomposent rapidement sous la forme d’autant de tourbillons quantiques. Cependant, il est intéressant de noter qu’il est toujours possible de déterminer leur profil de densité dans l’hypothèse d’une séparation des variables temporelle et spatiales pour la fonction d’onde. L’équation de Gross-Pitaesvkii est considérée comme une équation convenable pour décrire la dynamique du mouvement d’un superfluide comme l’a rappelé Vinen [56]. En effet, les travaux de Koplik et Levine [31] ont montré qu’elle contient les mécanismes de reconnexion. De plus, le phénomène de nucléation [19], [5] de vortex ainsi que celui relevant de l’interaction entre vortex et ondes sonores [40], [34] peuvent également émerger lorsque l’on résout l’équation de Gross-Pitaevskii. On peut noter également qu’elle fait apparaître des vortex dans un superfluide lorsque la vitesse de la circulation est de l’ordre de grandeur de celle trouvée expérimentalement.

Travail de Bogoliubov sur les excitations linéaires pour un condensat

On reprend l’équation de Gross-Pitaevkii dépendante du temps : ı!∂t Ψ(« r, t) = & − !2 2m ∆ + Vext(« r, t) ( Ψ(« r, t) + V0 |Ψ(« r, t)| 2 Ψ(« r, t) (1.15) L’ensemble des bosons est “agité” grâce à une perturbation dynamique qui peut se superposer, par exemple, au potentiel statique Vext 1, qui s’écrit alors Vext(« r, t) = V0(x) + δV (« r, t). Si Vext(« r, t) est une constante, une solution de l’équation (1.15) est de la forme : Ψ(« r, t) = Ψ0e− ıµt ! (1.16) où Ψ0 est la solution uniforme de l’équation de Gross-Pitaevskii stationnaire, vue précédemment. Si la perturbation δV vérifie |δV | ( V0|Ψ0| 2, on peut alors supposer que la solution du problème “perturbé” s’écrit : Ψ(« r, t) = Ψ˜ (« r, t)e− ıµt ! avec Ψ˜ (« r, t) = Ψ0 + δΨ(« r, t) (1.17) 1. On note qu’il est aussi possible de déterminer les excitations du condensat par une autre méthode. Partant de l’hamiltonien exact exprimé dans le formalisme de la seconde quantification, on peut développer l’opérateur champ, qui est constitué d’une partie décrivant le condensat et d’une autre décrivant le nuage thermique – c’est cette dernière fraction qui est vue comme un terme perturbatif -, pour retrouver, au deuxième ordre, les équations précédentes. Cependant, il n’est pas trivial que le résultat produit par ces deux méthodes soit identique, car la perturbation du potentiel est une fluctuation classique du champ, tandis que la perturbation induite par le champ créé par les particules non-condensées elles-mêmes est une fluctuation quantique.  En injectant cette forme de solution dans l’équation (1.15) et en négligeant les termes perturbatifs du second ordre, proportionnels à δΨ2 et son conjugué δΨ∗2 ou |δΨ| 2, on obtient une équation sur δΨ : ı!∂t δΨ = & − !2 2m ∆ + Vext(« r, t) ( δΨ+V0Ψ2 0δΨ∗ + 2V0 |Ψ0| 2 δΨ−µδΨ+Ψ0δV (1.18) L’équation conjuguée nous donne une deuxième équation pour δΨ∗, que l’on réécrit alors dans le système : ı!∂t . δΨ δΨ∗ / = L . δΨ δΨ∗ / + . S −S∗ / où L = . H − µ V0Ψ2 0 −V0Ψ∗2 0 −H + µ / (1.19) où H = − !2 2m∆ + Vext(« r)+2V0|Ψ0| 2 et S = δV Ψ0 est le terme source de la perturbation. Ces équations linéarisées sont dites de Bogoliubov-De Gennes. Elles nous donnent accès à la partie de la relation de dispersion de faible énergie. Pour simplifier, on prend le cas d’un ensemble de bosons identiques en interactions dans une boîte cubique d’où Vext = 0 et Ψ0 = √ρ0 = 2 N L3 . On néglige les termes sources S et −S∗. Cherchons alors les solutions δΨ des équations sous la forme δΨ = ueı(& k·&r−ωt)+ve−ı(& k·&r−ωt),(u, v) ∈ R et équilibrons les termes en eı(& k·&r−ωt) dans l’équation (1.19). Cela revient à chercher les valeurs propres en énergie de la matrice précédente, ce qui s’écrit : !ω . u v / = . − !2 2mk2 + 2gN|Ψ0| 2 − µ V0Ψ2 0 −V0Ψ∗2 0 !2 2mk2 − 2V0|Ψ0| 2 + µ / . u v / (1.20) Le déterminant de |L − !ω Id| nous donne alors la relation de dispersion : !ω = 3 !2k2 2m .!2k2 2m + 2V0ρ0 / (1.21) que l’on a représentée sur la figure (1.2), en la confrontant à la relation de dispersion des phonons ainsi que celle des particules libres. On voit alors apparaître deux régimes. Pour des longueurs d’onde inférieures à la longueur caractéristique ξ0 = √ π! mV0ρ0 , les excitations élémentaires sont des phonons, ce qui est vérifié par l’expérience. La courbe de dispersion est linéaire à l’origine : les variations de densité se propagent à une vitesse donnée par la pente c = √ ! 2m √V0ρ0, qui correspond à la vitesse du son dans le fluide. Cependant, pour des énergies plus hautes, caractérisées par un vecteur d’onde k > 1/ξ0, la relation de dispersion s’approche de la relation de dispersion des particules libres, comme on le voit si on néglige le terme 2V0ρ0 dans l’équation (1.21).

Table des matières

Résumé
Abstract
Remerciements
Table des matières
Avant-propos
1 Modèles de superfluide
1 Le gaz de Bose superfluide : modélisation microscopique
1.1 Equation de Gross-Pitaevskii
1.2 Travail de Bogoliubov sur les excitations linéaires pour un condensat
2 De l’importance de la reconnexion
3 Le superfluide réel
3.1 Rotons
4 (Au-delà de) Gross-Pitaevskii
4.1 Trois exemples instructifs
2 Autour d’une singularité
1 Ce que l’on peut attendre
2 Théorie des excitations linéaires dans un superfluide
2.1 Paramètre d’ordre, modèle de Pomeau-Rica
2.2 Densité d’un superfluide quelconque
3 Sur une ligne de vortex
3.1 Intégration directe
3.2 Intégration indirecte
4 Aspect énergétique
5 Modèle de verre superfluide
5.1 Une vue simplifiée
5.2 Le modèle
3 Le vortex rectilinéaire
1 Calcul de la relation de dispersion dans le cas d’interactions non-locales
2 Modèle gaussien
2.1 Résolution de l’équation
3 Modèle de Pomeau-Rica
3.1 Résolution de l’équation
3.2 Comportement près du seuil de cristallisation
3.3 Cas à plusieurs quantas
4 Modèle de Berloff-Roberts
4.1 Forme du potentiel d’interaction
4.2 Equation adimensionnée
4.3 Relation de dispersion
4.4 Résolution de l’équation
4.5 Discussion
5 Comparaison avec d’autres méthodes
4 Le vortex en anneau
1 Théorie classique
1.1 Energie, quantité de mouvement et vitesse du vortex
1.2 Approximation locale, Ondes de Kelvin
2 Le vortex réel
2.1 A faible vitesse
2.2 Calcul pour une perturbation localisée à vitesse quelconque
2.3 Calcul pour un vortex en anneau à vitesse quelconque
3 Discussion
3.1 Profil
3.2 Energies potentielle et cinétique
3.3 Quantité de mouvement et vitesse
3.4 Discussion finale
5 Conclusions et Ouverture
A Algorithme : Gauss-Siedel et Crank-Nicolson
B Calcul de l’intégrale de Bessel
Références bibliographiques
Bibliographie

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