Structuration du SIS-17% et étude de sa cinétique
Suivi général d’une expérience LAOS
Suivi Rhéologique
La suite d’expériences généralement menée en rhéologie est constituée de trois étapes : 1. un premier balayage en fréquence afin de caractériser le comportement rhéologique du matériau à l’état initial, 2. un traitement de forte déformation pouvant être un cisaillement oscillatoire de forte amplitude (LAOS) ou quelquefois un cisaillement de courte durée (STS) afin d’orienter la morphologie par cisaillement simple, 3. un second balayage en fréquence pour déterminer l’effet du traitement mécanique sur la rhéologie du matériau, dans le but d’en tirer des conclusions en termes de modification de nanostructure. Au vu des résultats obtenus lors de la caractérisation de ce copolymère, la gamme de températures pour laquelle nous espérons pouvoir orienter la morphologie cylindrique hexagonale initiale est de 90 °C à 160 °C. Pour ce premier exemple, une température de 140 °C est choisie. Deux raisons justifient ce choix : une Tg du polystyrène amplement dépassée pour être certain que les deux domaines soit liquides, et une certaine distance à la TOOT montrant un comportement rhéologique « simple ». Concernant les conditions de cisaillement, le LAOS est ici utilisé. Une déformation de 100 % est appliquée à une fréquence de 1 rad/s. Ces choix sont basés sur des valeurs classiques vues dans la littérature et bien entendu la fréquence est choisie de sorte que le temps entre chaque cycle soit supérieur au temps de relaxation du copolymère. Le temps d’expérience sera de 900 s. Cette expérience sera donc notée : LAOS-140 °C ; 100 % ; 1 rad/s ; 900 s. La géométrie cône/plan (Chapitre II) est utilisée tout au long de cette étude.
Etude des balayages en fréquence
Dans un premier temps regardons l’effet de ce traitement LAOS sur le comportement rhéologique du SIS-17% lors d’un balayage en fréquence, de 100 rad/s à 0.01 rad/s, à 5 % de déformation. La figure III.1 montre les balayages en fréquence obtenus avant et après le LAOS. Nous pouvons voir que le traitement LAOS modifie le comportement rhéologique du copolymère. Deux grands changements sont visibles : la disparition du croisement entre le module conservation G’ et le module de perte G’’ aux alentours de 1 rad/s et une chute de plus d’une décade de G’ et G’’ notamment aux faibles fréquences. Sur les courbes de tandelta ( qui est le rapport G’/G’’), cela se traduit par une amplitude de pic très importante. Il est important de noter que les expériences sont répétables. En effet les courbes de G’’ correspondantes aux trois expériences post-LAOS sont superposables et on ne remarque qu’une légère différence concernant celles de G’ aux basses fréquences. Le but du LAOS est d’orienter macroscopiquement les cylindres dans la direction de l’écoulement. Bien entendu, ce balayage en fréquence ne permet pas à lui seul de conclure à cet alignement. Cependant cette modification du comportement rhéologique en est une bonne indication. En rouge, bleu et vert après un traitement LAOS ; 100 % ; 1 rad/s ; 900 s. a) modules ; b) tan-delta Afin de confirmer que le changement de comportement rhéologique correspond bien à une orientation des cylindres, appuyons nous sur des clichés TEM. Un échantillon a donc été préparé à l’aide du rhéomètre grâce à un traitement thermomécanique similaire. Puis l’échantillon, préalablement coupé à froid, est observé en TEM suivant le plan (Sd ; Td). La Figure III.2 montre les résultats obtenus. Figure III.2 : Clichés TEM d’un SIS-17% ayant subi un traitement LAOS ; 140 °C ; 100 % ; 1 rad/s ; 900 s, observation dans le plan (Sd ; Td), plan de cisaillement. Dans le chapitre II, nous avons montré que le SIS-17% à l’état initial présente une morphologie cylindrique hexagonale (HEX) localement organisée et aléatoirement orientée. Si l’on regarde maintenant les clichés ci-dessus, on remarque une nette orientation des cylindres dans la direction du cisaillement et ce, sur une échelle de plusieurs μm. Ce résultat montre que ce traitement LAOS conduit à une orientation que l’on peut qualifier de macroscopique. Il apparaît donc que les modifications de comportement rhéologique sont bien le fait de l’orientation des cylindres. Pour expliquer les variations de G’ et G’’, considérons la Figure III.3 a). Ce schéma représente l’échantillon dans son état initial, localement organisé mais aléatoirement orienté. On peut, dans cette configuration, apparenter la phase styrène à un réseau percolant. A 140 °C, la phase PS se trouve relativement rigide alors que la phase PI est de faible viscosité. Ainsi le comportement est similaire à celui d’un réseau tridimensionnel. Ce réseau, à la manière de charges percolées dans une matrice polymère, entraine une stabilisation de G’ qui reste supérieur à G’’ lorsque la fréquence diminue. Suite à l’orientation des cylindres par le cisaillement, le polymère se retrouve tel que schématisé Figure III.3 b). Le réseau disparaît et le comportement tend plutôt vers celui d’un matériau rigide (PS) dispersé en série avec une phase liquide (PI), c’est-à-dire celui d’un liquide viscoélastique chargé. a) b) Figure III.3 : Schématisation du copolymère à l’échelle de quelques centaines de nanomètre. En rouge se trouve les domaines riches en styrène et en blanc les domaines riches en isoprène. a) SIS-17% à l’état initial. b) SIS-17% orienté par un traitement LAOS. On aboutit ainsi à un comportement proche d’un solide pour le matériau non orienté alors que le matériau orienté adopte un profil rhéologique plus proche d’un liquide qui dans le cas idéal, présenterait un module complexe donné par l’équation III.1.Il faut cependant préciser que dans notre cas, ce comportement liquide n’est pas totalement atteint puisque, sur la Figure III.1.a, un sous plateau apparaît nettement aux basses fréquences sur la courbe de G’. Ce sous plateau montre la persistance d’un réseau percolant après le LAOS.
Détermination du temps de structuration
Nous avons vu qu’effectuer un balayage en fréquence après un traitement LAOS nous permet d’observer un changement de comportement rhéologique attestant d’une modification nanostructurale. Il est également possible d’enregistrer l’évolution du module complexe mesuré durant le LAOS. D’ailleurs, bien que les déformations appliquées soient très importantes, hors du domaine linéaire, les mesures de G* restent valables car nous utilisons une géométrie cône/plan. La Figure III.4 décrit l’évolution de G’ et G’’ durant les 900 s de sollicitation à 100 % ; 1 rad/s. Figure III.4 : Evolution de G’ (symboles vides) et G’’ (symboles pleins) durant des LAOS à 140 °C ; 100 % de déformation ; 1 rad/s durant 900 s. Ainsi, on observe une chute de G’ et G’ dans les 200 premières secondes, cette chute étant plus importante pour G’’. Cette baisse des modules est le fait de l’alignement des cylindres dans la direction du cisaillement. Ce résultat est en accord avec les balayages en fréquences effectués durant et après le LAOS (Figure III.1). On remarque également qu’il est possible d’obtenir un temps de structuration. En raison d’une baisse plus marquée pour G’’, nous nous baserons sur l’évolution ce module dans la suite de notre étude. Le temps de structuration est défini comme le temps nécessaire à l’obtention de la structure finale du matériau. Nous verrons par la suite que cette structure peut être variable suivant les conditions de cisaillement utilisées.