Stress et trouble cognitif léger amnésique

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Stress physiologique et TCLa

Les stimuli physiques ou psychologiques interprétés comme dangereux, nouveaux, imprévisibles, incontrôlables ou menaçants pour l’égo (Dickerson et Kemeny, 2004; Mason, 1968) peuvent déclencher la réponse physiologique de stress qui permet à l’organisme de mobiliser ses ressources pour répondre aux stresseurs (McEwen, 2007). Cette réponse physiologique implique l’activation de l’axe hypothalamique-pituitaire-surrénal (HPS), soit une cascade endocrine menant à la libération du cortisol, une hormone de stress, via les glandes cortico-surrénales (Lupien, McEwen, Gunnar et Heim, 2009). Une fois libéré, le cortisol se lie aux récepteurs à glucocorticoïdes présents au niveau de plusieurs organes et structures cérébrales. Puis, le cortisol effectue une rétroaction négative au niveau de l’hippocampe, une région cérébrale riche en récepteurs à glucocorticoïdes (King et Hegadoren, 2002). Cette dernière étape permet l’arrêt de la réponse de stress et le retour au calme de l’organisme (voir la Figure 3 de l’Annexe C pour les étapes détaillées de l’activation de l’axe HPS). Néanmoins, l’exposition prolongée au cortisol peut s’avérer neurotoxique, notamment au niveau de l’hippocampe, et ainsi nuire à l’arrêt de la réponse physiologique de stress.
En contexte de recherche, le cortisol est reconnu comme un biomarqueur du stress et est collecté via la salive, le plasma sanguin ou l’urine (Levine, Zagoory-Sharon, Feldman, Lewis et Weller, 2007). Les études s’intéressent plus particulièrement au taux de cortisol diurne ou à la réponse d’éveil cortisolaire (RÉC), deux mesures pouvant être influencées par le stress psychologique chronique ou excessif (Smyth et al., 1998; van Eck, Berkhof, Nicolson et Sulon, 1996). Le taux de cortisol diurne est mesuré à l’aide de plusieurs échantillons répartis durant la journée et permet d’observer le cycle de sécrétion de cette hormone qui suit un rythme circadien (Smyth et al., 1997). La RÉC est déterminée en comparant le taux de cortisol au lever et le taux de cortisol 15 à 45 minutes plus tard. La RÉC est caractérisée par une élévation du cortisol pouvant refléter un état de bien-être ou de mal-être physique et psychologique (Clow, Thorn, Evans et Hucklebridge, 2004; Pruessner et al., 1997).
Wolf, Convit, Thorn et de Leon (2002) ont réalisé une des premières études visant à évaluer le taux de cortisol salivaire diurne des adultes âgés avec un TCLa. Les résultats n’ont révélé aucune différence significative entre le taux de cortisol salivaire diurne des participants avec un TCLa et celui des participants sains. Les chercheurs expliquent que la petite taille de l’échantillon a pu limiter l’atteinte d’un seuil significatif pour cette mesure. Par ailleurs, Wolf et al. (2002) ont rapporté une association entre un taux de cortisol salivaire diurne élevé et des performances mnésiques faibles au test de rappel immédiat de paragraphes parmi les participants ayant un TCLa (Wolf et al., 2002). Au sujet des effets du cortisol sur la mémoire, Souza-Talarico, Chaves, Lupien, Nitrini et Caramelli (2010) ont aussi observé une association négative entre le taux de cortisol salivaire diurne et les performances en mémoire déclarative chez les adultes âgés ayant un TCLa. À l’inverse, une association positive entre le taux de cortisol salivaire diurne et la mémoire déclarative a été rapportée pour les adultes âgés sains et ce, pour des niveaux de cortisol similaires. Pour expliquer ces résultats, les chercheurs se basent sur l’étude de Diamond, Bennett, Fleshner et Rose (1992) qui propose une relation en U inversé entre le fonctionnement de la mémoire et le cortisol. Le fonctionnement de la mémoire se trouve donc altéré lorsque les récepteurs à cortisol de l’hippocampe sont hypo- ou hyper- saturés (Diamond et al., 1992). Dans le TCLa, la région de l’hippocampe est atrophiée, sous-entendant une diminution du nombre de récepteurs à cortisol (Souza-Talarico et al., 2010). Ainsi, une moindre dose de cortisol est suffisante pour saturer les récepteurs et altérer les processus mnésiques pris en charge par l’hippocampe chez les adultes âgés atteints d’un TCLa en comparaison avec les adultes âgés sains (Souza-Talarico et al., 2010). Les chercheurs suggèrent donc que le TCLa puisse être caractérisé par un seuil critique au-delà duquel le cortisol devient délétère pour la mémoire et qui serait plus bas que la norme (Souza-Talarico et al., 2010). Peavy et al. (2009) ajoutent que les adultes âgés avec un TCLa sont plus vulnérables aux effets néfastes du stress psychologique et physiologique que les adultes âgés sains, en raison d’une fragilité cérébrale possiblement due à la MA en évolution.
Lind, Edman, Nordlund, Olsson et Wallin (2007) ont démontré que 15 minutes après le lever, les adultes âgés atteints d’un TCLa présentent une RÉC plus élevée que les adultes âgés sains et ce, même après la prise orale de dexamethasone3. Bien que les données scientifiques soient mitigées concernant la signification d’une RÉC anormalement élevée, celle-ci a été le plus souvent associée au stress chronique, à un haut niveau de stress perçu et à la dépression (Checkley, 1996; Chida et Steptoe, 2009; Pruessner, Hellamer et Kirschbaum, 1999; Wüst, Federenkol, Hellamer, Kirschbaum, 2000). En somme, les résultats de Lind et al. (2007) suggèrent une perturbation du fonctionnement de l’axe HPS et un déficit d’arrêt de la réponse de stress chez les adultes âgés avec un TCLa. Les résultats de l’étude de Souza-Talarico, Chaves, Nitrini et Caramelli (2009) appuient ces conclusions en démontrant que les adultes âgés avec un TCLa et un haut niveau de stress psychologique présentent des taux de cortisol salivaire diurne plus élevés que les adultes âgés sains.
Des équipes de recherche se sont intéressées aux liens entre le stress psychologique, le cortisol et la progression vers la MA. Selon Peavy et al. (2012), une faible RÉC est associée à l’évolution du statut de contrôle sain à celui de TCLa, tandis que les expériences stressantes prolongées sont davantage reliées à la transition du TCLa vers la MA. Les chercheurs proposent que les anomalies dans l’activation de l’axe HPS et la sécrétion de cortisol font partie intégrante ou reflètent la présence de processus neuropathologiques précoces de la MA (Peavy et al., 2012). De leur côté, Popp et al. (2015) ont démontré que les adultes âgés atteints d’un TCLa ou de la MA présentent des concentrations de cortisol plus élevées dans le liquide céphalo-rachidien que ceux avec un TCLna ou en bonne santé. Le taux plus élevé de cortisol chez les adultes âgés TCLa est associé à un déclin cognitif et fonctionnel plus rapide (Popp et al., 2015). Popp et al. (2015) concluent que la sécrétion accrue de cortisol est impliquée dans le processus neuropathologique de la MA, qu’elle est observable dès le stade prodromique du TCLa et que sa présence accélère la progression de la pathologie.

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Hypothèses explicatives

À cet égard, deux hypothèses principales, soit la réactivité face aux pertes mnésiques et la neurotoxicité due au stress, ont été proposées pour tenter d’expliquer les liens entre le stress psychologique et physiologique, le TCLa et la progression accélérée vers la MA. Les deux catégories d’hypothèses sont présentées dans les sections suivantes afin d’offrir une perspective globale et nuancée.

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