Stockage et diffusion des vidéos sur Internet
Poursuivant l’étude de notre corpus de vidéos et du lien que nous pouvons établir, d’un point de vue intermédiale, entre vidéo activiste sur Internet et cinéma, visant à déstabiliser son cousinage par trop naturalisé d’avec la télévision et le fantasme de l’information alternative, nous allons nous attacher à réfléchir à la question de la diffusion et de la distribution de ces « réalisations ».
*Ces productions s’avèrent en effet tout autant des « matériaux bruts » pour la production de subjectivités politiques multiples que des « œuvres », terme qui nous est apparu, au vu des pratiques, inapproprié. Il ne suffit pas de réaliser des films, encore faut-il, cela va de soit, les faire voir à un public, ce qui nécessite d’envisager tout une série de questions qui associent étroitement une dimension technique et une dimension juridique.
Avant de développer plus spécifiquement les problématiques liées à Internet, nous voudrions montrer, en introduction de notre propos, comment ces questions se sont nouées au moment de l’apparition de « l’utopie vidéo » en France. Les données du problème se trouvent assez bien résumées sur le site local de Chalon-sur-Saône de L’Appel des 200 contre le Projet de Traité Constitutionnel.
Le concepteur du site de cet appel a décidé de mettre en ligne sur une page baptisée « Boîte à outils247 », toute une série de vidéos, de films ou de clips, défendant le « non » au Traité de Constitution. Sur ce site se trouve, par exemple, le clip de Dominique Cabrera ou encore le film Gravé dans le marbre réalisé en mai 2005 par Romain Thieriot et Philippe Cusummano (ShBoom films) que nous évoquions un peu plus haut.
Sur cette page sur laquelle les lecteurs sont autorisés à poster des commentaires, une internaute esquisse un débat avec le concepteur du site en posant la question du droit des auteurs sur leur œuvre : « Des films à voir en ligne, par Sylvie (…), le 2005-04-25 : Je vais jouer les troubles fêtes. Avez-vous pensé à demander au réalisateur du film « Quelques choses de notre histoire » l’autorisation de le mettre en ligne ?
Ce beau documentaire n’est pas un objet banal, ce n’est pas la captation d’une conférence, ni une suite de micro-trottoirs et d’interviews. Il a un auteur qui s’appelle Jean Druon et il faut lui rendre hommage, comme à tant d’autres documentaristes, d’y avoir mis du temps et de l’intelligence. Pitié pour le documentaire ! » Établissant une distinction très nette dans l’ordre de la légitimité entre un « beau documentaire » réalisé par un « auteur » auquel « il faut rendre hommage » et un « micro-trottoir » ou une « captation de conférence »,
cette internaute s’inquiète du régime juridique sous lequel est diffusé le film. La mis à disposition d’un documentaire sur ce site, par ailleurs diffusé quelques semaines plus tôt sur la chaîne câblée Planète, est perçue très nettement commae lésant l’auteur et de manière plus générale comme lésant toute une profession : « Pitié pour le documentaire ! » Cette inquiétude est, de manière plus générale celle qui s’exprime dans les médias par l’industrie de la culture (industrie musicale et cinématographique notamment) vis-à-vis d’Internet.
Elle est particulièrement récurrente à la fois chez les auteurs, mais aussi de la part d’une partie du public qui se met souvent dans la position de défense de l’auteur, de son « temps » de travail et de son « intelligence ». Dès lors qu’un « documentaire », sous-entendu de gauche, est réalisé par un « auteur » et diffusé par une grande chaîne de télévision, il acquiert une légitimité qui est incompatible avec sa diffusion large sur Internet. La réponse de l’administrateur du site, en ce sens qu’elle va radicalement à l’encontre de ce que nous avons pu repérer dans le milieu de l’activisme sur Internet, est particulièrement intéressante :
« Des films à voir en ligne par Yannick, le 2005-04-26 : Pour ce qui concerne le documentaire « Quelques choses de l’histoire… », j’ai modifié le texte pour rendre plus hommage au réalisateur. La qualité moyenne et la taille de l’image ne permettent qu’une vision individuelle sur son ordinateur. De plus le choix du format streaming venant du site http://nonautraite.free.fr ne permet pas d’enregistrer les fichiers sur son ordinateur, en tout cas pour le commun des mortels. Enfin, je n’ai pas encore pu contacter le réalisateur ».