STIMULATION MAGNETIQUE TRANSCRANIENNE
Le savoir psychiatrique a longtemps souffert de l’absence d’une unité théorique. Sa pratique profondément empirique est à ce jour basée sur un assemblage de doctrines, qui confère à la maladie mentale, une définition plurielle et une représentation imprécise, aussi bien pour le professionnel de la santé que pour le patient. Les neurosciences ont connu ces dernières années un essor considérable dans le champ de la pathologie mentale. Leurs avancées renforcent de plus en plus leurs légitimités en tant que sciences fondamentales de la psychiatrie et promettent une réelle révolution dans la pratique clinique.1 Nous assistons à la mise en œuvre de pratiques thérapeutiques qui traitent, de manière plus objective, le fonctionnement mental et appréhendent mieux le dualisme existant en psychiatrie. Un dualisme qui intrique le vécu individuel et les dysfonctionnements cérébraux dans l’explication du symptôme. Ces nouvelles pratiques imposent un bouleversement dans la façon de concevoir la maladie mentale. Elles suscitent à la fois l’intérêt de médecins en quête de cohérence conceptuelle souffrant de l’écart biologico-clinique que peut présenter leur spécialité, mais aussi, une certaine réticence de la part d’autres praticiens. Or, cette réticence n’est pas un phénomène nouveau auquel font face les innovations thérapeutiques. Plusieurs techniques thérapeutiques, aussi bien chimiques qu’électriques, ont dû affronter un scepticisme qualifié par certaines études de «résistance aux changements »2 . Cette résistance est-elle justifiée ? Participe-t-elle à une forme de protection du patient contre des techniques jugées « immaîtrisables » ? Ou au contraire, empêche-t- elle le patient de bénéficier de techniques thérapeutiques permettant à la fois une rémission satisfaisante et une meilleure qualité de vie ? Dans ce travail de recherche, nous nous intéresserons principalement à la stimulation magnétique transcrânienne (TMS) et à la stimulation transcrânienne à courant direct (tDCS). Deux thérapies innovantes expérimentées à l’unité de recherche clinique de l’établissement de santé Ville-Evrard. Nous tenterons d’étudier le vécu subjectif des patients ayant bénéficié de ces thérapeutiques à travers deux méthodes. L’analyse phénoménologique et le logiciel Iramuteq pour l’analyse multidimensionnelle de textes et de questionnaires. Les données seront puisées à même l’expérience vécue par le sujet, telle qu’elle est spontanément perçue et éprouvée. Cette méthode de recueil des données nous permettra d’éliminer toutes présuppositions idéologiques ou spéculatives concernant l’effet thérapeutique de ces techniques. Dans l’analyse du vécu subjectif lié au traitement, entrent en ligne de compte les éléments ressentis directement par le patient sur sa symptomatologie ainsi que le retentissement que ces traitements peuvent apporter en terme de qualité de vie.3 Prendre en compte le vécu subjectif des patients permet de les faire évoluer d’une place passive de « bénéficiaire » d’un traitement à une place plus active de « collaborateur ». Intégrer le patient dans les choix thérapeutiques représente l’un des aspects des stratégies de décision médicale partagée. Le vécu subjectif représente un bon moyen de prédire la rémission symptomatique. Son évaluation permet d’intéressantes perspectives concernant l’amélioration des stratégies de soins. 4 L’appréhension de ces dimensions subjectives est donc essentielle pour mettre en place des prises en charge objectives, efficaces et adaptées aux patients, quelques soient les idéologies de son médecin traitant. Dans certaines études menées sur le vécu subjectif des patients, on propose d’emblée des dimensions à étudier. Nous citerons pour exemple celles du Professeur Naber D. de l’université de Hambourg où il propose un modèle de vécu subjectif comprenant les dimensions suivantes5 : Régulation émotionnelle Autocontrôle Fonctionnement mental Intégration sociale Fonctionnement physique Dans notre travail basé sur une procédure phénoménologique inductive, les thèmes dérivés à analyser ne seront pas définis préalablement, ni imposés comme cadre d’analyse, mais émergeront des informations recueillies lors de la collecte des données. Le logiciel Iramuteq nous permettra, dans un deuxième temps, de faire une analyse statistique plus pertinente concernant les informations recueillies. Au terme de notre étude, il sera discuté la pertinence de l’importation de ces techniques thérapeutiques au Centre Hospitalier Universitaire FANN de Dakar, Sénégal, tout en tenant compte des orientations thérapeutiques de ce site et des aspects transculturels.
La stimulation magnétique transcrânienne (TMS)
La TMS est une méthode innovante de stimulation cérébrale qui, depuis les vingt dernières années, fait de plus en plus preuve d’efficacité tant en Neurologie qu’en Psychiatrie. Elle a été introduite en 1985 par le Dr Anthony Baker, chercheur de l’Université de Sheffield en Angleterre. Il s’agit d’une technique non-invasive et indolore qui, au moyen d’un champ électromagnétique pulsé, stimule des régions cérébrales précises dans le but d’investiguer ou de moduler leurs fonctions. Elle offre ainsi la possibilité d’agir directement sur le fonctionnement de ces zones cérébrales et d’établir des relations causales entre des localisations spécifiques et des rôles fonctionnels. Cette technique opère selon le principe d’induction électromagnétique établi, dans la première moitié du XIXème siècle, par le physicien Anglais Michael Faraday. Ce principe stipule qu’un champ magnétique changeant rapidement d’orientation produit un courant électrique dans un élément conducteur à proximité6 . Le premier stimulateur permettant de délivrer un courant secondaire dans des tissus excitables, notamment dans les réseaux neuronaux du cortex cérébral, a été développé par le chercheur A. Baker et son équipe en 1985. Il s’agit d’un appareil qui permet de produire des centaines de stimulations en séquence rapide. Il fait circuler un courant intense et bref dans une bobine conductrice et peu atténué par les tissus tels que le scalp, l’os du crâne, les méninges et les espaces liquidiens. Il induit un champ électrique capable de dépolariser les neurones corticaux, mais limité à des fréquences de 25 à 30 Hz. Les avancées technologiques ont contribué, au fur et à mesure, au développement des stimulateurs utilisés de nos jours en clinique et en recherche. Outre leur capacité d’atteindre jusqu’à 100 Hz, ils permettent une meilleure précision dans la détection des zones ciblées grâce aux systèmes de neuronavigation7 qui y est couplé. En effet, la neuronavigation permet d’intégrer à la technique des données d’imagerie cérébrale morphologique ou fonctionnelle afin de repérer le site de stimulation.
L’équipement et la fonctionnalité
En règle générale, l’appareil de stimulation magnétique transcrânienne comprend comme principaux équipements : Une bobine de stimulation : Au cours de la stimulation, elle est positionnée sur une région déterminée du sclap, suivant des coordonnées anatomiques ou fonctionnelles. Elle contient les bobines de fil permettant de générer le champ magnétique. Ces bobines déterminent la distribution, la capacité de pénétration, la résolution ou l’étendue spatiale du champ magnétique dans une région cérébrale donnée, ainsi que sa capacité à induire des courants intra-corticaux d’intensité faible ou élevée, sa localisation et les effets sortants moteurs, sensoriels et comportementaux. Il existe des bobines de stimulation de différentes tailles, formes, matériaux et modèles. Le choix repose sur le type de stimulation souhaité. Une unité centrale : Elle est destinée à paramétrer le pourcentage de courant nécessaire et à synchroniser sa charge à un instant déterminé. Des Capaciteurs : Ils ont la capacité d’accumuler des charges électriques très importantes, fournies par les blocs d’alimentation. Quand une stimulation est libérée, une commutation électrique est lancée permettant la transmission à la bobine d’une proportion de la charge accumulée dans les Capaciteurs. Cette charge électrique circule le long des bobines de fil et produit un champ magnétique. L’intensité de la stimulation est ajustée à un niveau suffisant pour l’obtention de l’induction effective dans le tissu neuronal. Elle engendre un changement significatif dans la performance de réalisation d’une tache cognitive donnée et dans laquelle la région corticale stimulée est supposée être impliquée.
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