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Nano-phases durcissantes
La phase β’’ : caractéristiques et évolution vers la phase β’
La formation des phases β’’, aussi appelées zones GPII [63], dépend de manière complexe des étapes de traitement thermique entre la trempe et le revenu autour de 170 – 180°C. Elles apparaissent sous la forme d’aiguilles de 4x4x50 nm que l’on retrouve en forte densité (~1022/m3). Elles sont dirigées suivant les axes <100> de la matrice d’aluminium [3]. Elles sont cohérentes avec la matrice le long de l’axe de l’aiguille et possèdent une relation d’orientation s’écrivant [3,64] :
(001)Al // (010)β’’, [310]Al // [001]β’’ et [-230]Al // [100]β’’
Grâce à l’analyse EDS, Andersen et al. [3] indiquent que le rapport atomique Mg:Si est proche de 1, voire inférieur à 1. En se basant sur les valeurs de distances interatomiques Mg-Mg, Si-Si (liaisons covalentes) et Mg-Si (liaison ionique), la phase β’’ serait de type Mg5Si6 et elle ne contiendrait donc pas d’aluminium. Cette affirmation est reprise par Derlet et al. [15]. Cependant, ces valeurs ont été mesurées pour un alliage à excès de Si. Murayama et al. [11] montrent que pour un alliage dit « stœchiométrique », les phases β’’ contiennent approximativement 17at% de Mg et 10at% de Si. Le rapport Mg:Si s’approche donc nettement de celui de la phase d’équilibre β. Même constat pour Maruyama et al. [7], le ratio atomique Mg:Si vaut selon eux 1,74 (analyse EDS). Plusieurs études se basant sur la sonde atomique tomographique (SAT), des simulations ab initio ou l’HAADF-STEM
suggèrent que la phase β’’ contiendrait également de l’aluminium [65–67]. Hasting et al. [66] montrent, grâce à la sonde atomique et des simulations ab initio, que la phase β’’ peut présenter entre 20 et 30% d’atomes d’aluminium avec un rapport Mg:Si valant 1,1. La substitution du Si par l’Al est le scénario le plus probable du fait de la faible enthalpie de formation de la phase Mg5Al2Si4 et ceci malgré le fait que le rayon covalent du Si est plus petit que celui de l’Al. Deux atomes d’Al se trouveraient alors dans le site Si3 du réseau de Si. Li et al. [68] ont étudié la chimie des phases β’’ dans un alliage contenant 1,15 at% Mg, 1,14 at% Si et 0.268 at% Cu par analyses en sonde atomique, EDX haute résolution et HAADF STEM. Ils ont montré que les β’’ contiennent en moyenne 28.6 at% Al, 38.7 at% Mg, 26.5 at% Si et 5.17 at% Cu. On constate donc qu’il n’existe pas une stœchiométrie type des phases β’’ mais que cette dernière dépend étroitement de la composition de l’alliage.
Les analyses en haute résolution ont permis à Zandbergen et al. [16] d’obtenir le motif de la phase β’’ observée suivant son axe b (le long de l’aiguille). La Figure 1.12.a. représente la reconstruction de l’image HR de la phase β’’ (HRTEM exit wave reconstruction) et un schéma de l’agencement atomique est présenté sur la Figure 1.12.b. Durant cette étude, Zandbergen et al. [16] ont ainsi pu parvenir à identifier la structure complète de la phase β’’. Elle est écrite dans le Tableau 1.2. Cependant, les paramètres et les groupes d’espace peuvent varier d’un auteur à l’autre [15,23,69]. De plus, les techniques de caractérisation des phases ayant évolué, de récents articles montrent que la structure des phases β’’ peut être très complexe. Saito et al. [27,36] ont utilisé l’HAADF STEM afin d’avoir accès à la fois à la chimie et la structure de la phase. Ils ont mis en évidence le fait qu’une phase β’’ peut présenter une partie monoclinique conforme à ce qui a été observé par Zandbergen et al.
[16] et une partie désordonnée. Dans les alliages Al-Mg-Si-Cu, le Cu se trouverait préférentiellement
dans la partie désordonnée de la phase et à l’interface précipité/matrice.
FIGURE 1.12 – Caractéristiques des phases β’’. (a) Phases β’’ suivant les directions <100>Al [65]. (b) Image haute résolution d’une phase β’’ reconstruite (exit wave reconstruction). (c1) représentation schématique de la
structure des phases β’’ observées le long de l’axe b (les atomes en position y=½ sont notés +, les autres sont en position y=0) ; (c2) superposition des atomes de la phase β’’ sur la maille de la matrice d’aluminium [16] ; (d) cartographies 3D de sonde atomique des éléments Mg et Si au sein d’un alliage Al-Mg2Si (prétraitement à 70°C puis revenu à 175°C) [11].
La coexistence des nano-phases β’’, semi-cohérentes, et des zones GP1, totalement cohérentes, induit un durcissement maximal de l’alliage [3,11,65]. Cette coexistence est visible sur les cartographies SAT de la Figure 1.12. Leur cohérence et semi-cohérence introduisent une distorsion élastique du réseau et des contraintes associées. Ces phases métastables agissent comme des obstacles au mouvement des dislocations [70]. Misumi et al. [71] ont observé au MET et modélisé l’interaction entre les phases β’’ et les dislocations. Le mécanisme de cisaillement de la phase β’’ est favorable, ce qui est attendu au vu de la petite taille et de la semi-cohérence des phases.
La phase β’’ est une phase métastable qui s’inscrit dans une séquence de précipitation. Ceci signifie qu’au-delà d’une certaine température elle est déstabilisée et disparait au profit de la phase qui la suit dans la séquence de précipitation, ici la phase β’. Le passage de l’état de précipitation β’’ à β’ est resté longtemps méconnu. Grâce à des analyses en température in-situ de SAXS (small-angle X-ray scattering) utilisant des photons de haute énergie depuis une source synchrotron de fort flux, Tsao et al. [72] montrent que les phases β’ précipitent au tout début de la dissolution des phases β’’ lors d’une montée en température de l’ambiante à 260°C. Ces deux phases coexisteraient à partir de 235°C et ce jusqu’à la dissolution des phases β’’. Afin de confirmer une telle transformation, il serait judicieux de confronter ces résultats avec ceux d’autres études utilisant d’autres techniques comme la microscopie électronique en transmission avec montée en température in-situ. Ce passage de la phase métastable β’’ à la phase β’ peut s’avérer être d’une grande importance dans la compréhension des mécanismes thermodynamiques mis en jeu lors de l’irradiation de l’alliage 6061 à l’état T6.
Autres phases présentes à l’état T6 dans les alliages Al-Mg-Si-Cu Dans le cas des alliages Al-Mg-Si-Cu avec plus de 0,1 wt% de Cu, l’état de précipitation après revenu T6 ne contient pas uniquement les phases β’’. Il peut également présenter d’autres phases dont certaines auraient une structure similaire à celle des phases Q’ et sont appelées précurseurs de Q’. Elles sont répertoriées dans le Tableau 1.3.
La phase L découverte par Sagalowicz et al [29], se trouve sous forme de lattes de section rectangulaire et de plan d’habitat {100}Al [31,32,73]. Sa structure n’est pour le moment pas identifiée et elle est dite désordonnée. Plus la quantité de Cu disponible dans l’alliage est grande plus la quantité de phases L est importante au profit du durcissement de l’alliage [30,73]. La phase L est observée à l’état T6 et persiste dans des conditions de sur-revenu. Celle-ci, ainsi que la phase Q’, peuvent se trouver dans une seule et même particule (intergrowth) suggérant que ces phases ont soit des énergies de formation similaires ou bien que L se transforme en Q’ [31]. D’autres précurseurs de la phase Q’ comme la phase C, très similaire à L, sont observés à l’état T6.
Table des matières
Introduction
Chapitre 1. L’alliage d’aluminium 6061-T6 : microstructure et stabilité
irradiation
1.1. Les alliages d’aluminium Al-Mg-Si-Cu
1.1.1. Généralités sur l’alliage d’aluminium
1.1.2. La séquence de précipitation dans les alliages Al-Mg-Si-Cu
1.2. L’alliage d’aluminium 6061-T6
1.2.1. Traitements thermomécaniques
1.2.2. Description des précipités en présence dans l’alliage à l’état T6
1.3. Effets d’irradiation sur les alliages Al-Mg-Si-(Cu)
1.3.1. Généralités sur l’irradiation : création de dommages et stabilité des phases
1.3.2. Stabilité de l’alliage 6061-T6 en condition réacteur
1.3.3. Comportement de l’alliage sous irradiation aux ions
1.4. Conclusions du chapitre 1
1.5. Références bibliographiques du chapitre 1
Chapitre 2. Matériau de l’étude et moyens expérimentaux
2.1. Matériau de l’étude
2.1.1. Composition et taille de grains
2.1.2. Traitements thermomécaniques à l’origine de la nuance J47
2.2. Conditions des irradiations expérimentales
2.2.1. Irradiation in-situ aux électrons
2.2.2. Irradiations aux ions
2.2.3. Irradiations aux neutrons
2.3. Caractérisation des précipités
2.3.1. Mesure de la taille et de la densité des précipités
2.3.2. Caractérisation de la structure des précipités
2.3.3. Caractérisation de la chimie des précipités
2.4. Références bibliographiques du chapitre 2
Chapitre 3. Stabilité des dispersoïdes sous irradiation aux ions et
électrons
3.1. Caractérisation des dispersoïdes à l’état non irradié
3.1.1. Taille et dispersion
3.1.2. Structure des dispersoïdes et de l’interface dispersoïde/matrice
3.1.3. Composition chimique des dispersoïdes
3.1.4. Hétérogénéité de distribution des éléments : Mise en coeur/coquille
3.2. Stabilité des dispersoïdes sous irradiation
3.2.1. Stabilité des dispersoïdes après irradiation aux ions (165 dpa)
3.2.2. Stabilité de la structure coeur/coquille sous irradiation aux électrons (150 dpa)
3.3. Conclusions du chapitre 3
3.4. Références bibliographiques du chapitre 3
Chapitre 4. Stabilité des nano-phases durcissantes sous irradiation
ions
4.1. Caractérisation des phases à l’état revenu et avant irradiation
4.1.1. Les phases dans la littérature
4.1.2. Taille et dispersion des nano-phases
4.1.3. Structure et orientation cristallographique des nano-phases
4.1.4. Composition chimique des nano-phases
4.2. Etude du comportement des phases β’’ au cours d’un recuit
4.2.1. Démarche adoptée pour le recuit
4.2.2. Résultats expérimentaux
4.3. Etude du comportement des nano-phases sous irradiation aux ions.
4.3.1. Irradiation in-situ jusqu’à 95 dpa à température ambiante
4.3.2. Irradiation ex-situ jusqu’à 165 dpa à température ambiante
4.3.3. Caractérisation structurale et chimique des nouvelles phases
4.4. Proposition d’un mécanisme d’évolution de l’alliage 6061 sous irradiation
ions
4.4.1. Etude de la précipitation des nouveaux objets par irradiation in-situ aux ions
4.4.2. Cinétique de croissance des nouveaux précipités
4.4.3. Effet des puits de défauts.
4.4.4. Comportement des nouveaux précipités durant une maturation à température ambiante
4.4.5. Proposition de mécanisme
4.4.6. Impact de ces précipités sur le durcissement de l’alliage
4.5. Conclusions du chapitre 4
4.6. Références bibliographiques du chapitre 4
Chapitre 5. Comportement de l’alliage 6061-T6 sous irradiation
neutrons
5.1. Comportement des dispersoïdes sous irradiation aux neutrons
5.2. Comportement des nano-phases β’’ sous irradiation aux neutrons
5.2.1. Evolution de la dispersion et de la taille des phases sous irradiation aux neutrons
5.2.2. Evolution de la structure des phases sous irradiation aux neutrons
5.3. Autres évolutions microstructurales observées en DNPA
5.4. Conclusions du chapitre 5
5.5. Références bibliographiques du chapitre 5
Synthèse et perspectives
Annexe A
Annexe B
Annexe C
Annexe D
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