Sources d’électrons polarisés de spin
Pompage optique dans les semi-conducteurs
De manière générale, le pompage optique décrit le transfert du moment angulaire de la lumière à la matière, qui s’accompagne d’un remplissage (hors équilibre) de niveaux d’énergie ayant une orientation préférentielle de moment angulaire (niveaux Zeeman). Dans les semiconducteurs, l’absorption de lumière polarisée circulairement se traduit par l’excitation d’électrons polarisés de spin dans la bande de conduction. Dans le GaAs par exemple, semiconducteur à gap direct dans lequel le temps de vie d’un électron dans la bande de conduction est du même ordre de grandeur que son temps de relaxation de spin, on peut mesurer la polarisation de spin des électrons photogénérés dans la bande de conduction à partir du taux de polarisation circulaire de la photoluminescence. La Figure II. 2. a) montre la structure de bandes de GaAs au voisinage du centre de la première zone de Brillouin et illustre les mécanismes d’absorption d’un photon de polarisation circulaire σ+ et d’énergie voisine de l’énergie du gap Eg. Pour des photons d’énergie proche de Eg, des électrons peuvent être promus depuis les bandes de valence Γ8 des trous lourds et des trous légers dans la bande de conduction Γ6. Les règles de sélection qui couplent les bandes Γ8 de moment angulaire J = 3/2 à la bande Γ6 de moment angulaire J = 1/2, imposent une variation du nombre quantique magnétique mJ de ±1 pour l’absorption d’un photon polarisé σ± . Le calcul des taux de transition entre les différents niveaux vérifiant mJ = +1 montre que la transition entre l’état Γ8 (J = 3/2, mJ = -3/2) et l’état Γ6 (J = 1/2, mJ = -1/2) est trois fois plus probable que la transition entre l’état Γ8 (J = 3/2, mJ = -1/2) et l’état Γ6 (J = 1/2, mJ = +1/2). Ainsi, la polarisation des électrons photogénérés dans la bande de conduction est de -50% pour des photons σ+ totalement polarisés.2 Pour des photons d’énergie supérieure à Eg+∆, où ∆ est l’énergie dont est découplée, par l’interaction spin-orbite, la bande de valence Γ7 des bandes de valence Γ8, les transitions à partir de la bande Γ7 deviennent possibles. L’excitation d’électrons depuis cette bande rend égales les probabilités de photogénérer des électrons de spin -1/2 ou +1/2 dans la bande de conduction Γ6. La polarisation de spin de ces électrons est donc une fonction décroissante de l’énergie des photons excitateurs. Ceci est mis en évidence par la mesure de la polarisation de la photoluminescence (Figure II. 2. b)3,4 qui présente une chute marquée à partir de l’énergie Eg+∆. Il est à noter que la courbe expérimentale de photoluminescence décroît sur toute la gamme d’énergie d’excitation et présente des valeurs plus faibles que les valeurs calculées. En réalité, les mécanismes de relaxation de spin dans la bande de conduction du semi-conducteur diminuent le taux de polarisation attendu théoriquement.
Photocathode en affinité électronique négative
La possibilité d’abaisser le travail de sortie de la surface d’un cristal de GaAs de type p en dessous du minimum de la bande de conduction en volume, a permis de réaliser des sources d’électrons polarisés de spin intenses, quasi mono-cinétiques, dont le signe de la polarisation peut être inversé facilement en inversant la polarisation de la lumière excitatrice.6 En effet, si le travail de sortie d’une surface propre de GaAs est d’environ 4 eV, il peut être diminué de plusieurs eV par adsorption en ultra-vide de quelques monocouches d’atomes alcalins électropositifs (Na, K, Cs) et d’atomes électronégatifs (F, O) (Figure II. 3).7 Tout électron excité avec une faible énergie cinétique dans la bande de conduction n’est alors plus nécessairement confiné dans le cristal et a une probabilité importante d’être émis dans le vide. On dit que la photocathode de GaAs est activée en affinité électronique négative (AEN).
Réalisation pratique d’une source d’électrons polarisés de spin
Si les mécanismes responsables de l’abaissement du travail de sortie des surfaces de GaAs activées en AEN ne sont encore de nos jours que partiellement compris, la préparation des surfaces est bien connue depuis de nombreuses années. Une attention particulière a été portée à la réalisation de sources d’électrons stables, homogènes et reproductibles. Les performances des photocathodes dépendent crucialement de la qualité du vide résiduel de l’enceinte, de l’homogénéité du dépôt d’atomes alcalins (césium) et du nettoyage préalable de la surface de GaAs. Comme nous l’avons déjà mentionné, la pression dans l’enceinte à ultravide est maintenue dans la gamme des 10-11 Torr, et le gaz résiduel est essentiellement composé d’hydrogène. En pratique, la surface de la photocathode est d’abord chauffée à 590 °C pendant 1 à 2 minutes. Elle est ensuite activée par un dépôt de césium évaporé à partir d’un générateur commercial. Une vanne micro-fuite permet d’ajouter de l’oxygène dans l’enceinte à ultra-vide à une pression partielle de quelques 10-9 torr. Le processus d’activation est contrôlé en mesurant le courant de photoémission pendant le dépôt.