SOUFFRIR D’UN BURN OUT
Dans ce chapitre, j’évoque dans un premier temps, la manifestation du burn out, puis, la guérison, et enfin la prévention mise en place pour protéger les enseignants.
LA MANIFESTATION DU BURN OUT
L’épuisement professionnel se manifeste généralement en trois phases, appelées « trépied » du burn out. La première phase est l’épuisement émotionnel. A ce stade, la personne concernée présente les caractéristiques suivantes : des crises d’énervement et de colère, ainsi que certaines difficultés d’ordre cognitif comme la distraction et des difficultés à se concentrer (Delbrouck, 2007, p. 6). La seconde étape est la diminution du sentiment d’accomplissement personnel. Il mène à une impression d’insatisfaction et d’échec. Le dernier stade, la déshumanisation, se manifeste à travers une relation froide et distante avec les acteurs du travail, à savoir les parents, les élèves et les collègues (Doudin et al., 2011). Il faut savoir que c’est l’épuisement émotionnel qui influe sur les deux autres aspects et non l’inverse. En effet, un fort état d’épuisement émotionnel engendre un haut niveau de déshumanisation et un faible niveau d’accomplissement L’enseignant atteint d’un burn out ressent généralement une fatigue extrême, qui ne cessera pas, même avec beaucoup de repos. Il risque de rencontrer des difficultés au niveau de sa confiance en lui, ce qui entraînera une baisse de son estime de soi. Sa relation avec les autres va ainsi se détériorer. Comme le formule Lantheaume (2008), l’épuisement professionnel va se faire ressentir de la manière suivante : relations tendues avec les parents, sentiment d’être abandonné par une institution peu solidaire, usure, fatigue, sentiment d’échec. Chaque personne est singulière et c’est pour cette même raison que chaque personne réagit de manière différente face à cette situation. Il n’est de ce fait pas possible de généraliser les symptômes, c’est pourquoi le burn out doit être diagnostiqué par un spécialiste.
LA GUERISON
La voie de la guérison du burn out demande de mettre en place diverses stratégies. Selon Leupold (2007), quatre axes doivent être visés pour la guérison : l’activité physique, la détente, la connaissance de soi et la médication. Le soutien des personnes extérieures, que ce soit la hiérarchie, les collègues ou les proches de la personne concernée, est également essentiel. La guérison se fait lentement et progressivement. Il faut parfois plusieurs années pour se remettre totalement d’un burn out
SE PROTEGER
En tenant compte des diverses informations recueillies dans ce travail, il apparaît essentiel de se protéger du burn out dans la profession enseignante. D’après les sources consultées, il existe plusieurs moyens de prévention. Selon Leupold (2007), quatre piliers doivent être préservés pour rester en bonne santé. Il s’agit de la performance et du travail, des activités sociales et des relations, du corps et de l’esprit, ainsi que la culture, l’intellect et le vécu émotionnel. Le travail est associé à la profession de la personne, alors que la performance est étroitement liée à la confiance en soi. Les activités sociales concernent la relation à autrui, élément essentiel à la construction personnelle. A travers le corps et l’esprit sont compris la santé corporelle (alimentation, mouvement, sport, sommeil, etc.), ainsi que la santé mentale à travers des activités de détente. La culture, l’intellect et le vécu émotionnel reposent sur des éléments émotionnels provoqués par le passé, tels que les sentiments lorsque nous écoutons de la musique ou en lisant. Ils se reposent également sur les questions existentielles de la vie, les questions religieuses, etc. Si l’on se repose uniquement sur l’un des piliers, en ignorant les autres, alors les risques de maladie augmentent considérablement.
Les facteurs de risque
En écoutant des témoignages et en m’intéressant à la littérature, j’ai constaté que personne n’est jamais totalement à l’abri de l’épuisement professionnel. Il existe cependant des composantes qui font qu’une personne sera plus ou moins vulnérable au burn out. Le premier facteur de risque est, comme déjà évoqué, lié à la profession exercée. L’environnement, le mode de vie et la personnalité constituent les autres composantes de ce risque. Ces facteurs sont répartis dans deux catégories : les facteurs internes, propres à l’individu, également appelés facteurs endogènes, et les facteurs externes ou exogènes, qui sont eux liés au contexte environnemental et au relationnel.
LES FACTEURS ENDOGENES
Les facteurs endogènes sont souvent liés à un écart entre les idéaux de vie professionnelle et la réalité du travail au quotidien, ainsi qu’à l’investissement du travailleur dans la profession. Ils dépendent également des caractéristiques de la personne elle-même (Doudin, et al., 2011). Le rôle de la personnalité La personnalité du travailleur influence son travail, ainsi que l’éventuel sentiment d’usure qu’il peut ressentir. Le taux d’investissement dans son métier, la capacité à gérer les situations et les émotions et son aptitude à mettre de la distance dans son travail sont les points clés pour déterminer les personnes présentant de grands risques en terme d’épuisement professionnel. Comme le dit Audétat (2002), « les personnes qui, du point de vue de leur personnalité, sont dynamiques, investies, motivées dans leur travail et qui s’engagent sont des personnes à risque ». En plus de l’investissement dans la profession, il y a également l’image que la personne a de son métier, ce qu’elle attend de son travail, ainsi que ce qu’elle pense que l’on attend d’elle dans celui-ci. Ainsi, selon Delbrouck (2007), « quand le soignant attend trop de sa profession et notamment qu’elle lui rapporte en miroir une belle image de lui-même, un accomplissement personnel, de la reconnaissance ou de l’amour, il devient un individu à haut risque ». Ce cas de figure ne s’applique pas uniquement aux soignants, mais également aux autres corps de métiers sociaux. En d’autres termes, si la personne idéalise trop son travail ou est trop perfectionniste, elle est exposée de manière plus considérable au burn out. C’est par exemple le cas lorsqu’il y a un « décalage entre le but idéal que l’enseignant et l’enseignante poursuivent, leurs efforts pour l’atteindre, et des résultats […] » (Doudin et al., 2011, p. 16). Cet écart mène ensuite à une désillusion chez l’enseignant concerné et aura des conséquences sur son travail et sur sa santé mentale.
LES FACTEURS EXOGENES
Parmi les facteurs externes (exogènes) sont englobés, chez les enseignants, les tâches administratives conséquentes, la discipline, le manque de temps pour effectuer toutes les tâches, ainsi que la critique publique de l’école. Les métiers à risque Tous les corps professionnels ne sont pas égaux face au burn out. Brunet (cité par Piérard, 1996) souligne que les personnes exerçant des professions liées aux relations humaines y sont plus enclines. Cette thèse est également soutenue par d’autres chercheurs, qui mettent en avant ces domaines de travail comme étant les plus concernés par le burn out. Selon Munroe & Brunette (2001), cela viendrait du fait qu’ils sont « […] souvent exposés à des sources de stress au travail qui peuvent se manifester par une surcharge émotive» (p.14). L’enseignement étant un métier en lien avec la relation à autrui, les professionnels de cette branche ont des risques élevés d’être affectés par cette maladie. Ce constat est corroboré par les observations menées sur les enseignants actuellement sur le terrain, mais également au regard du nombre de retraites anticipées, ce qui peut être un indicateur d’épuisement professionnel. Un second indicateur est l’abandon du métier. A titre d’exemple, aux EtatsUnis, 50% des jeunes enseignants et enseignantes quitteraient la profession dans les cinq premières années d’exercice. Ceci peut être un signe d’épuisement, de difficulté et d’insatisfaction (Doudin, et al., 2011, p. 15). D’après plusieurs auteurs, « plus le travailleur est exposé à une forte demande de travail, à des exigences élevées de la part de l’employeur, plus la personne sera exposée à l’épuisement professionnel. Les exigences élevées peuvent autant être d’ordre psychique que d’ordre physique» (Piérard, 1996). On remarque donc que le plan physique n’est pas le seul à mener à l’épuisement professionnel, mais que la fatigue psychique joue également un rôle. Les métiers touchés ne sont donc pas seulement ceux qui sont physiquement éprouvants. Le monde de l’enseignement étant de plus en plus sollicité pour diverses exigences supplémentaires et subissant des changements majeurs, les professeurs perdent leurs repères et remettent l’identité même de l’enseignant en question (Lantheaume, 2008). Un facteur supplémentaire est celui de l’âge de l’enseignant, ainsi que son expérience. Selon Bryne, les enseignants les plus expérimentés seraient moins sensibles au burn out que les enseignants débutant dans le métier. En effet, celui-ci étant en changement, les tâches deviennent toujours plus lourdes à assumer et les échecs plus difficiles à accepter (1998, cité par Doudin et al., 2011, p. 16). Ces aspects sont explicités ci-dessous. Tension métier-profession Les enseignants sont des personnes très touchées par le burn out en raison de l’existence d’une tension entre le métier et la profession. Cette tension provient notamment de la charge de travail qui incombe aux enseignants en dehors des horaires de classe. 15 Dans l’enseignement, le métier serait l’activité de base, à savoir les heures passées dans la salle de classe avec les élèves. La profession, elle, concernerait toutes les activités supplémentaires que l’on demande aux enseignants. Il s’agit donc des tâches telles que l’administration, les séances, les réseaux, etc. Les enseignants ont, de nos jours, une charge de travail de plus en plus élevée. Ils ne peuvent plus se contenter uniquement du travail effectué, en classe, avec les élèves. En effet, les formations continues sont nombreuses et fréquentes. De plus, ils doivent régulièrement s’adapter à de nouvelles exigences, en s’appropriant de nouveaux moyens d’enseignement et de nouveaux programmes. Il leur faut également faire évoluer le collège dans lequel ils travaillent. Brunette & Munroe (2001, p. 170) l‘expriment comme suit: « […] l’épuisement professionnel comme une réaction à une situation stressante au travail. Que ce soit la cause d’une surcharge de travail, de rôles mal définis, de désaccords avec des collègues de travail ou de l’impossibilité de gravir les échelons, l’épuisement se manifeste par certains changements de comportements et d’attitudes envers le travail et le milieu de travail ». Les enseignants ont un stress supplémentaire dû à leur profession. En effet, ils ont au fond d’eux-mêmes un profond besoin de voir réussir leurs élèves. Lorsque l’un d’eux n’atteint pas les exigences fondamentales du programme du plan d’étude, l’enseignant aura tendance à se remettre lui-même en question, à douter de son travail ainsi que de sa manière de procéder et d’agir. Comme le soulignent Brunette & Munroe (2001), « les enseignants associent l’échec scolaire à leur propre échec professionnel et développent souvent un discours d’autodénigrement». De nos jours, les enseignants ont également plus de peine à intéresser les élèves lors des leçons, à attiser leur curiosité. Les élèves sont moins convaincus de l’utilité du travail, ce qui demande à l’enseignant toujours plus d’efforts afin que les élèves accomplissent ce qui leur est demandé (Lantheaume, 2008). La profession est également moins respectée que par le passé. En effet, l’enseignant n’a plus le même statut d’autorité et ses choix, ainsi que sa manière de fonctionner sont beaucoup plus discutés qu’auparavant. Le travail effectué par les enseignants est également plus dénigré, d’où le cliché du professeur qui a « peu de travail et beaucoup de vacances ». Toujours selon Lantheaume, les tensions vécues par les enseignants sont toujours plus fortes, notamment à cause des exigences supplémentaires demandées par les directions. Ils doivent redoubler d’efforts pour pouvoir répondre à toutes ces sollicitations. Lorsque nous regardons les points principaux soulevés par les différents auteurs, nous pouvons conclure que les principaux facteurs de stress dans l’enseignement sont les suivants : l’exercice de la discipline dans la classe, le surplus de travail, le manque de pouvoir sur les prises de décision, le manque de motivation des étudiants, les relations de travail, ainsi que la difficulté de réconcilier ses attentes avec celles des parents, des élèves, et de l’administration (Piérard, 1996). Au vu de tous ces différents éléments cités précédemment, nous pouvons en conclure qu’il n’est pas simple de différencier le métier de la profession. Cette constatation m’a amenée à me poser la question suivante : lorsque les enseignants se plaignent des changements, cela concerne-t-il uniquement la profession, ou également le métier ? Cette question sera partiellement traitée dans l’analyse (cf. chapitre 5, pt. 1, alinéa
L’environnement
L’enseignant doit entreprendre un travail sur soi pour se protéger de l’épuisement professionnel. Il n’est cependant pas seul dans sa lutte contre cette maladie. L’environnement professionnel de la personne a également un grand rôle à jouer. Ainsi, la direction de l’école, mais également les collègues, qui sont généralement les personnes les plus proches de l’enseignant, peuvent lui apporter leur soutien. Maslach précise : « Le soutien social, particulièrement celui qu’apportent les proches, semble être une parade efficace au danger de l’épuisement. Par ailleurs, une formation adaptée, prévoyant une certaine préparation face aux difficultés et situations professionnelles stressantes, permet aux travailleurs concernés de raffermir le sentiment de leur propre efficacité et de la maîtrise de leur rôle professionnel » (Maslach, s.d.). 17 Le mode de vie En plus des différents facteurs déjà cités dans ce travail, le mode de vie du travailleur va également peser dans la balance. En effet, chaque personne a droit et a besoin d’entretenir une vie extra-professionnelle. Il est essentiel de préserver un équilibre en séparant vie privée et vie professionnelle. La vie privée peut néanmoins avoir des conséquences sur l’épuisement professionnel. En effet, « les enseignants « en difficulté » ont, selon le discours majoritaire des experts, un passé, des caractéristiques psychologiques (infantilisme, caractère qualifié de « psychorigide »…), ou des difficultés d’ordre privé, qui expliqueraient les défaillances repérées » (Lantheaume, 2008, p. 51). Aussi, des loisirs et une bonne relation avec son entourage contribuent à maintenir une bonne santé mentale. Or, beaucoup d’enseignants disent ne pas avoir de temps pour des activités extra-scolaires, ce qui est évidemment problématique. Le stress La cause centrale du burn out est la gestion du stress. Selon certains auteurs, le burn out est causé par «une surcharge de travail, des rôles mal définis, des désaccords avec les collègues de travail ou l’impossibilité de gravir des échelons» (Cherniss, 1980, cité par Brunette & Munroe, 2001, p.7). Le stress peut devenir difficile à gérer, et ce pour deux raisons. La première concerne la durée d’un stress prolongé, qui peut se compter en semaines, en mois ou encore, en années. La seconde est que l’être humain ne prend plus suffisamment le temps de se dépenser physiquement. C’est à travers l’effort physique que les tensions se dissipent. La fatigue suite à ces tensions s’installe, d’abord au niveau physique, puis va également atteindre le moral, influençant la gestion des émotions (Vasey, 2012, p.22).