Situation d’obésité et ergothérapie : vécu des
occupations d’une personne en situation d’obésité
Les recommandations de prise en soin de l’obésité en France
Selon la Haute Autorité de Santé, l’obésité doit être prise en soin par le médecin généraliste, elle recommande également la prise en soin de l’obésité en éducation thérapeutique en lien avec la chronicité de celle-ci(1). Si au bout de 6 mois la personne n’a pas de résultats sur son poids, le médecin généraliste pourra étendre la prise en soin à d’autre professionnels de santé tel que des diététiciens, des kinésithérapeutes, des psychologues ou médecin nutritionniste(1). Il y a donc une proposition de prise en soin pluridisciplinaire. L’ergothérapeute n’est pas cité dans les professionnels de santé pouvant intervenir dans la prise en soin de l’obésité. L’HAS établi une liste de facteurs à l’origine de l’obésité, ces facteurs sont en lien avec l’hygiène alimentaire, l’activité physique, la consommation d’alcool, la consommation de médicaments en lien avec diverses pathologies métaboliques ou psychiatriques, les facteurs génétiques et antécédents d’obésité dans l’enfance, les troubles du comportement alimentaire, les troubles psychiatriques, les facteurs professionnels et les variations de temps de sommeil(1). L’obésité est plurifactorielle. Selon l’HAS les critères de diagnostics reposent sur le rapport poids taille de la personne en lien avec l’indice de masse corporelle. Les résultats de l’indice de masse corporelle seront déterminants dans l’orientation thérapeutique proposée au patient(1). L’HAS recommande d’évaluer les mesures anthropomorphiques, les paramètres sanguins, la qualité de vie de la personnes et les retentissements de l’obésité sur la vie sociale de la personne et son travail(1). Les objectifs thérapeutiques des recommandations sont centrés autour de la stabilisation et de la perte de poids (5% à 15%).(1) Depuis 2019 une feuille de route pour la prise en soin de l’obésité(19) a été établie sous la direction d’Agnès Buzyn ministre de la santé et de la solidarité de 2017 à 2020. La réflexion de 9 cette feuille de route s’articule autour du décloisonnement des systèmes de soins. La coordination des soins devra se faire dans la continuité entre le milieu hospitalier et la médecine de ville. Le parcours de santé sera gradué avec « le bon soin au bon moment » et « du plus simple au plus expert ». Les 37 centres spécialisés de l’obésité auront pour mission de piloter l’organisation du parcours de soin gradué avec la diffusion de bonne pratique. Les bonnes pratiques à diffuser aux professionnels de santé sont en lien avec la mise ne place du travail pluridisciplinaire y compris pour les cas complexes, la coordination des soins et la mise en place d’éducation thérapeutique. La ministre de la santé appui le développement de l’éducation thérapeutique dans la prise en soin de l’obésité avec l’objectif de placer le patient au cœur de sa prise en soin en lien avec les objectifs de « ma santé 2022 »(18). Elle met en avant l’intérêt des réunions pluridisciplinaires la prise en soin la plus pertinente pour le patient. La ministre soutient « les expérimentations innovantes » comme les programmes d’expérimentation qui abordent l’obésité d’une manière globale comme le programme OBEPEDIA pour les enfants en situation d’obésité de 3 à 8ans. Pour le moment les expérimentations innovantes concernent la prise en soin pédiatrique de l’obésité et s’axent sur la prévention. La prise en soin de la personne en situation d’obésité parait de plus en plus centrée sur le patient avec une approche globale et par la volonté de prise en soin pluridisciplinaire. Les politiques de santé ont pour objectif de faire reculer l’obésité en modifiant l’approche du système de santé. Mais cette vision globale inclut-elle le bien-être de la personne en situation d’obésité ? aura-t-elle un impact sur la qualité de vie de la personne en situation d’obésité ?
Situer l’intervention de l’ergothérapeute dans la prise en soin de la personne adulte en situation d’obésité
Nielsen et Christensen ont situé l’intervention de l’ergothérapeute à travers une sélection d’études expérimentales concernant la prise en soin des adultes en situation d’obésité(20). Toutes les études avaient pour objectif de favoriser la participation de la personne en situation d’obésité, à des activités adaptées de perte de poids pour améliorer la santé, le bien-être et prévenir les incapacités(20). Dans les études où la description du rôle de l’ergothérapeute est imprécise, Nielsen et Christensen ont mis en évidence l’implication de l’ergothérapeute dans la planification des soins, la promotion de la santé, la modification des comportements en lien avec la nutrition et l’activité physique(20). Les objectifs établis par les ergothérapeutes sont la collaboration avec le patient et la mise en place d’objectifs individuels, l’éducation, le soutien de la pratique sportive par des aides techniques et de nouvelles technologies, le soutien social, 10 la promotion de l’apprentissage actif, le partage d’expérience et le fait d’être soutenant dans le transfert des acquis dans la vie quotidienne de la personne(20). Les articles de la revue de littérature avec une description plus précise du rôle de l’ergothérapeute ajoutaient l’éducation sur le rôle de l’activité, le plaisir d’être actif et l’approche holistique de la réadaptation impliquant l’entourage de la personne(20). Dans la prise en soin pluridisciplinaire, le renforcement de comportements sur l’auto-efficacité de la personne incombe au rôle de l’ergothérapeute(20). Par sa vision holistique, l’ergothérapeute met en place des moyens de prises en soin qui répondent à des objectifs signifiants et qui apportent une satisfaction à la personne en situation d’obésité sur le long terme. Les changements du mode de vie s’inscrivent durablement car ils ont un impact positif sur la performance occupationnelle de la personne. La satisfaction de la perte de poids ne permet pas de modification du mode vie durablement(20). Ici l’objectif n’est pas centré sur le poids mais sur les occupations de la personne. Ces résultats renforcent l’intérêt de l’intervention de l’ergothérapeute dans la prise en soin de l’adulte en situation d’obésité en tant qu’expert d’une approche centrée sur l’occupation. Le potentiel des interventions en ergothérapie visant à promouvoir l’occupation des personnes obèses a été reconnu. (20)(21)
La posture de l’ergothérapeute vis-à-vis de la prise en soin de l’obésité
Selon Nielsen et Christensen l’ergothérapeute possède des compétences en faveur de la prise en soin des patients atteints d’obésité et dans la promotion de la santé. Les ergothérapeutes possèdent des compétences pour identifier les activités signifiantes de la personne en situation d’obésité et s’en servir pour engager la personne dans des modifications d’habitudes de vie sur le long terme. Elle montre que la posture de l’ergothérapeute reste encore floue dans l’intervention de l’obésité chez l’adulte(20). Il y a une nécessité d’argumenter la contribution de l’ergothérapeute auprès du public adulte en surpoids et en obésité tous milieux confondus (20). La prise en soin de l’obésité requiert certaines connaissances spécifiques en nutrition et pour la préconisation d’activité sportive. Ces paramètres pourraient amener l’ergothérapeute à devoir expliquer l’intérêt de son intervention auprès du patient et des autres professionnels de santé(20). Les résultats de l’évaluation de l’atelier sur l’obésité, conçu pour les ergothérapeutes canadiens, montrent que l’atelier a révélé un changement dans les croyances vis à vis des personnes en situation d’obésité, mais pas de changement dans les attitudes(21). Les ergothérapeutes ayant participé à l’atelier ont déclaré « se sentir mieux informés sur l’obésité et 11 mieux préparés à travailler avec des clients obèses »(21). Le manque de clarté sur la posture des ergothérapeutes auprès des personnes en situation d’obésité est peut-être à mettre en lien avec un apport insuffisant de connaissances sur l’obésité. Forhan et Law ont évalué la connaissance des ergothérapeutes canadiens sur l’obésité. Sur les 853 répondants, 83% ont déjà travaillé avec des patients en situation d’obésité et 50% des 853 répondants estiment ne pas connaitre les besoins de cette population (21). Est-ce que le manque de connaissances sur l’obésité peut amener l’ergothérapeute à ne pas se sentir légitime dans la prise en soin de la personne en situation d’obésité lorsque l’approche est centrée sur le biomédicale ? Dans le cas d’une approche globale est ce que l’ergothérapeute pourrait mieux identifier l’intérêt de son intervention auprès de la personne en situation en situation d’obésité ?
Impact de la situation d’obésité
D’après Ziegler et all, l’obésité est une pathologie qui évolue lentement et silencieusement. Les complications n’apparaissent qu’à partir d’un certain excès de poids (22). « La perception de la corpulence est variable d’un individu à l’autre ; bien des études ont montré de fortes divergences, entre l’image corporelle perçue et la réalité »(22). Ce qui nous amène à penser qu’une difficulté à évaluer son état de santé peut entraîner une difficulté de la part du patient à s’engager dans le traitement de l’obésité. « L’idée que l’obésité est une maladie qui n’est pas encore très répandue. »(23) En effet officiellement l’obésité n’est pas reconnu comme une maladie en France (24). D’après la ligue contre l’obésité, les personnes en situation d’obésité éprouvent des difficultés quotidiennes en lien avec leur obésité, comme le fait de ne pas avoir accès à des parcours de soins remboursés par exemple pour la prise en soin de certains frais médicaux. Cela impacte leur qualité de vie. Cameron, Magliano et al(25), en 2012, font état de la relation qu’il existe entre la qualité de vie et l’obésité chez des adultes de plus 25 ans en Australie. Les personnes ont été suivies sur cinq ans ; celles qui ont vu leur IMC augmenter sur les 5 ans déclaraient avoir une baisse de leur qualité de vie liée à leur santé physique et mentale (25). Les résultats de l’étude font ressortir l’intérêt d’évaluer la qualité de vie liée à la santé comme étant un prédicateur de prise de poids future et met l’accent sur la qualité de vie liée à la santé : cela pourrait avoir des effets positifs dans les stratégies de gestion du poids. La qualité de vie évalue quatre grandes dimensions de la personne, le poids peut donc avoir une influence sur ces quatre dimensions (13) (physique, psychologique, somatique et sociale) donc impacter le poids de la personne ce qui renforce le caractère plurifactorielle de l’obésité
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