S’intéresser à l’arrière-plan quand la nourriture n’est pas le plat principal du menu journalistique

S’intéresser à l’arrière-plan quand la nourriture n’est pas le plat principal du menu journalistique

Dans son essai sur l’alimentation contemporaine, Roland Barthes cherche à définir la nourriture dans toute sa complexité et analyse la polysémie du terme « nourriture » : « Qu’est-ce que la nourriture ? Ce n’est pas seulement une collection de produits, justiciables d’études statistiques ou diététiques.

 

C’est aussi et en même temps un système de communication, un corps d’images, un protocole d’usages, de situations et de conduites ». Face à ce constat, le sémioticien 47 se pose une question très proche de notre problématique : « Comment étudier cette réalité alimentaire, élargie jusqu’à l’image et au signe ? ».

L’expérience du goût mobilise systématiquement les quatre autres sens : je vois, sens, touche, ce que je mange avant même de le goûter, et entend le son de l’aliment qui se détruit au moment où ses qualités gustatives m’apparaissent. La conjonction de ces sensations simultanées provoque nécessairement un flot d’émotions et convoque divers souvenirs.

Plusieurs niveaux d’interprétations sont donc mobilisés face à cette richesse sensorielle et la seule description du goût, même avec des formes stylistiques variées et du vocabulaire spécialisé, ne peut suffire à retranscrire la complexité de l’expérience gustative. Dès lors, superposer plusieurs récits semble être une technique journalistique efficace pour pouvoir parler de goût. A- Faire le récit de l’humain derrière la nourriture

Comme l’a remarqué Barthes, les récits sont innombrables et peuvent prendre des formes 49 très différentes, « presque infinies ». Le récit prend des formes toujours plus multiples et va jusqu’à s’immiscer dans les discours politiques, ou dans celui des marques avec l’exemple édifiant du « storytelling ». Dans un article consacré à ce phénomène, Salmon Christian explique que la superposition des récits s’exercent également au sein des médias

« ce récit à tout prix s’affirme dans tous les types d’émissions de télévision, tout d’abord dans les programmes de télé-réalité, 50 mais aussi plus largement dans les émissions de flux ». Nous l’avons vu, parler du goût n’est pas chose aisée, par conséquent, s’intéresser à ce qu’un plat dit du chef qui l’a élaboré, ou des producteurs qui ont cultivé ses ingrédients, apparaît comme un récit intéressant pour les journalistes gastronomiques.

Nous l’avons dit, le journalisme culinaire a beaucoup évolué et, si à l’origine celui ci ne parle pas, voire masque l’existence des artisans présents derrière le plat, les journalistes actuels fixent fréquemment leur objectif sur les producteurs, et opèrent ainsi une révolution dans la façon d’aborder le culinaire, du consommateur-roi, au producteur-star. Cette évolution journalistique est expliquée par Priscilla Ferguson :

« [À l’heure de] l’Ancien régime, la consommation, et le consommateur, dominent. La production, et surtout le producteur, sont à peu près escamotés. […] Des producteurs de ces biens, il n’est pas question, ni chez les élites qui se servent d’eux ni chez les critiques qui en parlent. Le poids de la consommation au sein du modèle est fonction d’une exclusion de la production comme fait essentiel.

L’ostentation d’un côté exige l’occultation de l’autre. Or, depuis un certain temps, nous assistons au renversement de ces rapports, renversement qui modifie sensiblement la structure du champ gastronomique ». 

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