S’inscrire dans la République pour le ministre (1792-1794) une exigence démocratique imposée par l’émergence d’une diplomatie d’assemblée

S’inscrire dans la République pour le ministre (1792-1794) une exigence démocratique imposée par l’émergence d’une diplomatie d’assemblée

Les développements qui précèdent ont établi, en fait et en droit, le ministre des Affaires étrangères dans le rôle de « valet »915 de l’Assemblée nationale à qui il rend des comptes bien plus souvent que ne le prévoit la lettre constitutionnelle. N’ayant aucune prise directe sur la gouvernance – à l’inverse des « Grands » ministres-secrétaires d’État de l’Ancien Régime – l’amplitude de son action est tributaire de la conjoncture politique du moment. Dans cette optique, certains faits peuvent peser plus lourdement que d’autres sur les posture est confirmée par la doctrine de la première moitié du XXème siècle, à cett nuance près que leur représentation est celle du chef de l’État et non celle du Gouvernement [Lire notamment, GENET (R.), Traité de diplomatie et de droit diplomatique, Tome I, A. Pedone, 1931, p. 90]. Elle serae remise en cause par la pratique internationale postérieure à la Seconde guerre mondiale : « [d]ans la conduite des relations entre États, (…), les obligations (…) assumées pour garantir la sécurité personnelle des diplomates et leur exemption de toute poursuite sont essentielles, [elles] sont inhérentes à leur caractère représentatif et à leur fonction diplomatique » (C.I.J., « Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran », ordonnance du 15 déc. 1979, Rec. 1979, p. 19). Commentant cette interprétation prétorienne, le Professeur Philippe CAHIER précise que c’est l’État et non le Gouvernement qui est en l’espèce représenté. Ce faisant, l’auteur réhabilite, sous la Vème République, la conception personnelle de la représentation internationale de l’Ancien Régime [lire CAHIER (Ph.), Le droit diplomatique contemporain, Droz, Genève, 1962, p. 133]. Fort de cette conception doctrinale et jurisprudentielle majoritaire, on ne saurait parler de « singularité » à proprement parler entre les régimes applicables au ministre des Affaires étrangères et aux agents diplomatiques – exception faite des consuls qui, au regard de l’État, n’ont « aucun caractère représentatif » [lire ROUSSEAU (C.), Droit international public, Sirey, Paris, Tome IV, 1980, p. 218] – si la distinction « État/Gouvernement » n’était obscurcie, en doctrine, par les descriptions que l’on donne des fonctions des ambassadeurs : « [il] représente le gouvernement de son pays vis- à-vis des autorités du pays où il est envoyé. Il est doté de l’autorité nécessaire pour parler en son nom (…) » [lire SERRES (J.), Manuel pratique de protocole, Éd. de la Bièvre, Courbevoie, 1992, n° 13, p. 24].

 Dans l’attente de l’avènement officiel de la République et de sa charte constitutive, ces décrets neutralisent « provisoirement » (art. 2 du premier décret) l’effectivité des sections I et II (Titre III, Chap. II) de la Constitution de 1791, relatives respectivement à la « royauté et au Roi » et à « la Régence ». On notera, toutefois, la prudence observée par l’Assemblée nationale dans le choix des termes employés, tant au niveau des intitulés que du contenu des textes. Officiellement, ils n’ont pour effet que de « suspendre » le Pouvoir exécutif et le Roi, et non de les évincer. Cette réserve nous amène à nuancer l’analyse proposée par le Professeur Michel VERPEAUX concernant la portée abusive du vocable « suspension ». L’auteur se limite uniquement à la lecture des deux premiers décrets du 4 août 1790 qui lient « la suspension du Pouvoir exécutif » (premier décret) à « la suspension du Roi » (deuxième décret). En réalité, la portée du premier décret est atténuée par les deux derniers décrets adoptés le même jour et qui traitent du sort des ministres. Si les hommes sont renouvelés, les fonctions restent. De fait, on ne saurait parler d’une abrogation des prérogatives constitutionnelles du Pouvoir exécutif dans son ensemble, comme le laisse entendre le Professeur VERPEAUX, mais uniquement des parties relatives à la royauté à qui le premier décret attribue la responsabilité « des maux » qui menacent la nation : « les dangers de la patrie [étant] parvenus à leur comble (…), y précise t-on, c’est pour le Corps-Législatif le plus saint des devoirs d’employer tous les moyens de la sauver ». La suspension de l’Exécutif royal se présente comme le moyen le plus légitime de tarir la source des maux en tant qu’ils « dérivent principalement des défiances qu’a inspirées la conduite du chef du pouvoir exécutif, dans une guerre entreprise en son nom contre la Constitution et l’indépendance nationale ; (…) ces déviances ont provoqué, des diverses parties de l’empire, un vœu tendant à la révocation de l’autorité déléguée à Louis XVI ». Mais, parce que le Corps législatif se défend de toute volonté d’ « usurpation » en vue d’agrandir sa propre autorité, il décide de s’en remettre au peuple. A cette fin, l’article Ier du décret l’invite « à former une Convention nationale ». Toutefois, et contrairement à ce qu’il a été parfois, soutenu en doctrine, ce décret n’est pas explicite sur la portée abrogatoire de ses dispositions. En effet, aux termes de l’article 2, la Convention nationale n’est pas convoquée par refondre la Constitution de 1791 mais pour « prononcer les mesures qu’elle croira devoir adopter pour assurer la souveraineté du peuple et le règne de la liberté et de l’égalité ». Sous des atours démocratiques, la transition constitutionnelle favorise l’avènement du premier régime d’assemblée de la France et avec lui, la pratique d’une diplomatie parlementaire (Voir infra). Il serait, même, le seul véritable qu’elle ait connu à ce jour pour certains auteurs [en ce sens lire PACTET (P.), Institutions politiques – Droit constitutionnel, A. Colin, 19e éd., 2000, Note (1), p. 142 ; de même, LECLERCQ (Cl.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Litec, 7e éd., 1990, pp. 216-217].

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