Simulation d’un télescope Wolter-I grande focale pour l’astronomie X-dur
Les détecteurs
On ne détecte jamais directement les photons X, on détecte les signes de leurs interactions avec la matière. Lorsqu’un photon X interagit avec la matière, il lui cède une partie de son énergie. Cette énergie va ensuite être convertie selon le détecteur : lumière pour les scintillateurs, signal électrique pour les semi-conducteurs et élévation de température pour les microbolomètres. En mesurant leurs variations, on évalue l’énergie des photons X incidents. Les détecteurs à semi-conducteurs Ces détecteurs sont composés de semi-conducteurs pour faciliter la collection des charges (paires électrons-trous) créés par les photons X dans le matériau. Les photons X étant très énergétiques, ils sont très pénétrants et leurs interactions avec la matière engendrent des charges très élevées. Les détecteurs doivent être assez absorbants pour que les photons ne puissent les traverser et posséder les caractéristiques nécessaires pour une collection rapide et précise des charges. Parmi les plus utilisés, on notera les détecteurs Silicium, les détecteurs Germanium ou encore les détecteurs Cd(Zn)Te ou CZT. Selon les propriétés du semi-conducteur, celui-ci peut fonctionner à température ambiante ou nécessiter un refroidissement. Ces détecteurs sont les plus utilisés dans les télescopes modernes, ils possèdent une très bonne résolution spatiale, spectrale et temporelle.
L’AVENIR DE L’ASTRONOMIE X
Les Calorimètres/Bolomètres Les calorimètres ou encore bolomètres mesurent la température d’un substrat impacté par les photons X. Ceux-ci vont légèrement changer sa température et donc sa résistance. En mesurant précisément les variations de cette résistance, on détermine l’énergie du photon incident. Afin de gagner en résolution spectrale, le substrat doit être refroidi proche de 0 degré Kelvin pour qu’il soit dans un état dit de supra-conducteur. De cette manière, une infime quantité d’énergie absorbée par le matériau modifie beaucoup sa résistance, faisant quitter le substrat de son état supra-conducteur, et donc améliore la précision de la mesure. Ces détecteurs possèdent une extrême précision spectrale mais une résolution spatiale et temporelle plus limitée. Leur fonctionnement à très basse température nécessite un système cryogénique complexe pour une application spatiale. ASTRO E2, alias Suzaku, est le premier télescope à avoir utilisé cette technologie. Malheureusement, ce détecteur ne fonctionna qu’un mois à cause d’un problème avec le gaz cryogénique.
L’avenir de l’astronomie X
Chaque nouvelle mission d’astronomie repousse les limites de la technologie pour gagner en performance. Les missions spatiales étant très onéreuses, elles ne sont intéressantes que si l’on gagne au moins un facteur dix pour une des caractéristiques de l’instrument en adéquation avec des besoins scientifiques forts. Actuellement de gros efforts sont apportés sur l’optique focalisatrice, notamment à travers le développement de nouveaux revêtements réfléchissants pour couvrir les miroirs classiques Wolter-I ou encore le développement de nouvelles optiques basées sur un assemblage de micro-canaux de Silicium (Silicon Pore Optics). Le défit consiste à étendre le principe de focalisation au delà de la dizaine de keV. La distance focale étant un facteur déterminant, de nouvelles technologies sont à l’étude pour augmenter celle-ci comme le vol en formation et les mats déployables. Les détecteurs ne sont pas en reste, de nombreux systèmes sont développés pour fonctionner à température ambiante et d’autres promettent une excellente résolution spatiale et spectrale dans une large bande continue d’énergie. Les technologies Silicon Pore Optics, le vol en formation et les micro-bolomètres X sont des technologies d’avant garde très prometteuses mais nécessitent encore beaucoup de développement. Les prochaines missions d’astronomie X sont donc plutôt construites autour de miroirs Wolter-I bénéficiant des dernières avancées en terme de substrat et de revêtements associés à des détecteurs semi-conducteurs, séparés d’une dizaine de mètres par un mat déployable. On notera par exemple les missions NuSTAR (NASA) et Astro-H (JAXA). Ce type particulier de télescopes est détaillé dans le chapitre suivant
Les télescopes Wolter-I grande focale
Depuis le premier télescope spatial Einstein, les miroirs Wolter-I ont été largement utilisés bénéficiant de constantes améliorations. Aujourd’hui encore, ce système est le plus adapté pour concentrer et imager les photons X. Coté détecteurs, les télescopes bénéficient également des dernières avancées en matière de semi-conducteurs. Par ailleurs, l’accès à de plus longues distances focales permet de repousser les limites de la focalisation à de plus hautes énergies. La mission NuSTAR, dont le lancement est prévu courant février 2012, est équipée de miroirs Wolter-I très légers, recouverts d’un revêtement multicouche et de détecteur semiconducteurs fonctionnant à température ambiante. Elle profite également d’un nouveau type de mat déployable pour atteindre la distance focale nécessaire pour focaliser les photons X-durs (cf. Figure 2.1). Dans ce chapitre, je détaille les différents composants de ce type de télescope ainsi que leur fonctionnement. Figure 2.1 – Schéma du télescope X-dur NuSTAR partiellement déployé. La distance focale nécessaire pour focaliser les photons X-durs est atteinte grâce à un mat déployable. Crédits NASA.
LES TÉLESCOPES WOLTER-I GRANDE FOCALE
Figure 2.2 – La condition Abbe sine nécessaire à tout système optique pour éliminer la coma. Elle implique h/sinα = r avec r constant. Cela signifie que la surface principale doit être sphérique et centrée sur le point focal.
Les Miroirs Wolter-I
En 1952, Hans Wolter conçut plusieurs optiques à incidence rasante pour focaliser les photons X dans le but de construire un microscope à rayons X (Wolter, 1952b). Son modèle Wolter type I, caractérisé par une distance focale réduite, fut par la suite utilisé pour de nombreuses applications astrophysiques.
Géométrie
Les miroirs Wolter-I sont composés d’une section de paraboloïde suivie par une section d’hyperboloïde (cf. Figure 1.7). L’ensemble peut être schématisé par un entonnoir à l’intérieur duquel les photons sont déviés deux fois (sur chaque section), et ainsi focalisés. Cette double réflexion sur la surface interne d’un paraboloïde et d’un hyperboloïde est nécessaire pour imager des photons par incidence rasante. En utilisant un seul miroir parabolique en incidence rasante, un objet ponctuel en dehors de l’axe optique formerait un anneau autour du point focal. Ce défaut, appelé coma, apparaît lorsque le système optique ne remplit pas la condition Abbe sine. Afin d’approcher cette condition et réduire ce défaut, Hans Wolter proposa d’utiliser une seconde réflexion sur un miroir secondaire. Ainsi, la géométrie Wolter type I satisfait quasiment la condition Abbe sine en utilisant un couple de miroirs paraboloïde/hyperboloïde (cf. Figure 2.2). Un miroir Wolter-I se comporte alors comme une simple lentille sphérique. Afin de supprimer complètement la coma, Hans Wolter modifia le profil des miroirs pour satisfaire parfaitement cette condition (Wolter, 1952a). Cependant, cette géométrie Wolter-Schwarzschild
LES MIROIRS WOLTER-I
Figure 2.3 – Principe d’assemblage de miroirs Wolter-I pour obtenir une importante surface de collection. n’apporte qu’une faible amélioration de l’image et seulement pour des sources proches de l’axe optique. La géométrie Wolter-I, de par sa symétrie circulaire, élimine également l’astigmatisme et les aberrations sphériques. Cependant l’utilisation d’angles rasants conduit à une faible surface collectrice par miroir. Ceci est compensé par l’agencement de plusieurs miroirs de diamètre variable afin de couvrir l’ensemble de l’ouverture de l’optique (cf. Figure 2.3). Korsch (1979) étudia la dégradation d’imagerie si la surface parabolique était remplacée par une surface conique, qui rendrait par ailleurs la fabrication des miroirs plus simple. Actuellement, certains télescopes, comme NuSTAR, utilisent des miroirs dont chaque section est approximée par une conique. Ce design, appelé conical approximation, permet d’agencer les miroirs de manière plus compacte et donc d’augmenter la surface efficace. En effet, l’utilisation d’une forme conique permet de fabriquer des miroirs plus fins et donc de gagner en compacité. Ces miroirs sont également plus légers et moins chers à produire. L’inconvénient de ce type de miroir est leur résolution, moins bonne que les Wolter-I classiques. Quelle que soit la géométrie utilisée, Wolter-I, Wolter-Schwarzschild-I ou Wolter-I conical approximation, les miroirs une fois fabriqués et assemblés sur une structure présenteront des défauts. Ces défauts peuvent être classés en deux principales catégories : les défauts macroscopiques et les défauts microscopiques. Les défauts macroscopiques correspondent à une altération de la forme des miroirs et entrainent des perturbations sur la focalisation indépendamment de l’énergie du photon incident. Au contraire les défauts microscopiques, qui correspondent aux aspérités de la surface, entrainent une dispersion des photons autour de la direction spéculaire de réflexion, dépendante de leur énergie (X-ray scattering). La longueur d’onde d’un photon X étant de l’ordre de grandeur d’un atome, il est très difficile d’obtenir une surface plane à leur échelle. De ce fait, leur direction de réflexion n’est pas strictement dictée par la loi de Snell mais distribuée autour de celle-ci (cf. Figure 2.4). Selon Aschenbach (1985, 2005), cette dispersion peut être exprimée selon ∆ 2 = (2kσsinα) 2.
Introduction |