Simulation de l’impact climatique des aérosols en Europe
Propriétés optiques des aérosols
Indice de réfraction
L’indice de réfraction est une propriété importante car c’est le vecteur permettant de prendre en compte la composition chimique de l’aérosol. C’est un nombre complexe (m = n – ik), dépendant de la longueur d’onde, dont la partie réelle (n) détermine la vitesse de propagation de l’onde et dont la partie imaginaire (k) nous renseigne sur l’absorption des aérosols. Les différentes valeurs d’indice de réfraction utilisées dans notre étude sont indiquées dans les chapitres suivants. La partie imaginaire de l’indice est proche de zéro pour des aérosols diffusants comme le sulfate ou les sels marins mais peut être supérieure à 0.5 (dans le visible) dans le cas d’aérosol absorbant comme le carbone suie (Krekov, 1993; Fuller et al., 1999; Bond and Bergström, 2006b). Concernant les aérosols organiques longtemps considérés comme principalement diffusants (Krekov (1993) propose une partie imaginaire de l’indice proche de 0 dans le spectre visible), de nombreuses études récentes ont montré que certains composés organiques, appelé « brown carbon, Cbrown » (Moosmüller et al., 2009) ont un pouvoir absorbant non négligeable, notamment dans le spectre ultraviolet (Adler et al., 2009; Rincon et al., 2009; Shapiro et al., 2009; Yang and Omaye, 2009). Ce pouvoir absorbant est contrôlé, en partie, par la composition chimique de cet aérosol et notamment sa fraction en HULIS (Humik like substance) (Andreae and Gelencser, 2006; Hoffer et al., 2006). Des études ont estimé que la section efficace d’absorption du Cbrown (à 350 nm) était du même ordre de grandeur que celle du carbone suie à 400 nm (Barnard et al., 2008; Clarke et al., 2007). Actuellement, une large gamme de valeurs de la partie complexe de l’indice de réfraction du Cbrown, variant entre 0.002 et 0.27 (à 550 nm) (Hoffer et al., 2006; Alexander et al., 2008), a été reportée dans la littérature et est à comparer à la valeur de 0.71 (à 550 nm) estimée pour le carbone suie par Bond and Bergström (2006b). Étant donné que le carbone organique peut contribuer jusqu’à 20–50 % à la masse totale des aérosols dans les régions de moyennes latitudes (Saxena and Hildemann, 1996) et jusqu’à 90 % dans les zones de forêts tropicales (Andreae and Crutzen, 1997), ceci suggère que l’absorption due au Cbrown peut représenter une part importante de l’absorption totale due aux aérosols (Clarke et al., 2007) dans ces régions. Cependant, il faut noter qu’actuellement tous les modèles régionaux ou globaux intégrant le carbone organique ne prennent pas en compte cette possible caractéristique dans les simulations climatiques (Forster et al., 2007) et considère cette espèce particulaire comme principalement diffusante. L’humidité relative de l’atmosphère peut faire varier la valeur de l’indice de réfraction de la particule via les processus de condensation ou d’évaporation d’eau à sa surface. Cette variation peut être prise en compte à l’aide de lois empiriques comme les relations de Hänel (1976) ou de Gerber (1985) qui permettent de calculer la valeur de l’indice de réfraction à l’humidité ambiante à partir de la valeur de l’indice à l’état sec. Cependant, ces relations empiriques ne permettent pas de rendre compte de manière précise des différents processus thermodynamiques amenant à la condensation ou à l’évaporation d’eau liquide à la surface de l’aérosol. Dans notre étude, nous prendrons directement en compte le contenu en eau liquide calculé par le modèle d’équilibre ISORROPIA (Nenes et al., 1998) implémenté dans CHIMERE pour calculer l’indice de réfraction de la population de particules.
Extinction du rayonnement par une particule : l’algorithme de Mie
Lorsqu’une onde électromagnétique traverse un milieu concentré en particules, l’intensité radiative du rayonnement interagit avec la matière ’aérosol’. Une partie du rayonnement est convertie en énergie thermique, retraduisant le phénomène d’absorption, tandis que l’autre partie est déviée de sa direction d’incidence, ce qui retraduit le phénomène de diffusion. Chapitre 2 : Notions fondamentales sur les aérosols atmosphériques 40 En utilisant la théorie de l’électromagnétisme de Maxwell, Gustav Mie fut le premier à résoudre le problème de l’interaction de la lumière avec une particule sphérique (Mie, 1908). Il a ainsi comblé le vide qui existait entre la théorie de Rayleigh, qui s’applique aux particules dont la taille est très petite par rapport à la longueur d’onde, et l’optique géométrique, qui s’applique aux particules dont la taille est très grande par rapport à la longueur d’onde incidente. De manière simplifiée, le principe est basé sur la méthode de séparation des variables, afin d’obtenir deux champs de vecteurs dont la combinaison linéaire des deux satisfait aux équations de Maxwell. De l’évaluation du champ diffusé à la surface de la particule (condition de continuité) et loin de la particule, on peut déterminer les valeurs des sections efficaces de diffusion (Qdif f ) et d’absorption (Qabs). A partir de ces section efficaces, on peut déduire, pour une longueur d’onde λ, les expressions des coefficients de diffusion (bdif f ) et d’absorption (babs) d’une population de particules caractérisée par une distribution en taille f(r) de rayons compris entre Rmin et Rmax et par un indice de réfraction m : bdif f /abs(m−1 ) = Z Rmax Rmin πr2Qdif f /abs(λ, m, f(r))f(r)dr (2.2) Le coefficient d’extinction (bext) est alors la somme de ces deux coefficients : bext = bdif f + babs (2.3) Nous allons introduire maintenant les trois paramètres optiques qui permettent de déterminer, à l’aide de l’équation de transfert radiatif, le champ de rayonnement en tenant compte de l’effet des particules : – L’épaisseur optique en aérosols – L’albédo de simple diffusion – Le paramètre d’asymétrie
Épaisseur optique en aérosols
L’épaisseur optique en aérosols (AOT pour Aerosol Optical Thickness) représente l’extinction du rayonnement par la couche d’aérosols intégrée le long de la colonne atmosphérique 4Z. Elle dépend de la longueur d’onde λ et est définie de la manière suivante : AOT(λ) = Z 4Z bext(λ, z)dz (2.4) L’épaisseur optique est une grandeur importante dans l’étude de l’impact radiatif des aérosols car elle nous renseigne à la fois sur la charge en aérosols et également sur le pouvoir d’extinction de la population de particules. Chapitre 2 : Notions fondamentales sur les aérosols atmosphériques 41 Le signe le plus marquant de la pollution atmosphérique en particules est sans doute la dégradation de la visibilité associée à des épaisseurs optiques en aérosols élevées. En Chine, l’augmentation des rejets en particules liée à l’industrialisation et à l’urbanisation rapide a entraîné une croissance rapide de l’épaisseur optique (Luo et al., 2001), expliquant probablement la baisse de la luminosité observée ces dernières décades au-dessus du pays (Qian et al., 2006). En Europe, les valeurs moyennes d’épaisseur optique sont généralement comprises entre 0.1 et 0.6 (à 550 nm) où les niveaux les plus forts correspondent aux zones densément peuplées et urbanisées comme le Benelux, la vallée du Pô ou le sud-est de la France (Schaap et al., 2008). Cependant, des valeurs plus élevées peuvent être atteintes ponctuellement, par exemple lors d’épisodes intenses de feux de biomasse (AOT(550 nm) = 1–1.2, Hodzic et al. (2007)), de transport de poussières sahariennes (AOT (873 nm) = 1, Elias et al. (2006)) ou lors d’accumulation de pollution particulaire en l’absence de dispersion (AOT (440 nm) = 0.7, Mallet et al. (2006)). La dépendance de l’épaisseur optique à la longueur d’onde est donnée par le coefficient d’Angström (α) (Angström, 1964). A partir des épaisseur optiques AOT(λ1) et AOT(λ2) données à deux longueurs d’ondes différentes λ1 et λ2, il est calculé de la manière suivante : α(λ1 − λ2) = − » log(AOT(λ1)/AOT(λ2)) log(λ1/λ2) # (2.5) Concrètement, il décrit la manière dont le rayonnement est atténué spectralement. Plus la taille des particules interceptrices sera petite, plus on se rapprochera d’une extinction de type moléculaire décrite par Rayleigh. Inversement, plus la taille des particules interceptrices sera grande, moins l’extinction deviendra sélective. Il est donc un bon indicateur de la taille moyenne de la distribution d’aérosols. Un aérosol fin sera associée à une valeur du coefficient d’angström supérieur à 1 correspondant à une efficacité d’extinction diminuant le long du spectre solaire de l’ultraviolet à l’infrarouge. Il sera compris entre 0 et 1 dans le cas d’un aérosol grossier correspondant à une efficacité d’extinction variant peu avec la longueur d’onde.
1 Introduction générale |