Sexualité et déficience intellectuell

La préoccupation à l’égard de l’éducation sexuelle des personnes présentant des incapacités intellectuelles (PPII) s’est grandement intensifiée au cours des dernières décennies. Considérant leurs limitations aux plans cognitif et du comportement adaptatif qui affectent leurs habiletés conceptuelles, pratiques et sociales, cette éducation a surtout été abordée dans un premier temps sous l’angle des risques inhérents (p. ex., abus, grossesses non désirées, maladies transmises sexuellement, comportements inadéquats) (McCabe, 1999; Tremblay et al., 2014; Yacoub & Hall, 2008). Les PPII étaient alors considérées comme incapables d’assumer une vie affective, amoureuse et sexuelle (VAAS) (Dionne & Dupras, 2014) et de nombreux parents refusaient de reconnaître les besoins sexuels de leur enfant présentant des incapacités intellectuelles (Dupras & Dionne, 2014). Par la suite, cette éducation a évolué vers la conception de la VAAS des PPII comme faisant partie intégrante de leur bien-être physique et psychologique (Swango-Wilson, 2008), comme c’est le cas pour tout être humain (Kerbage & Richa, 2011; Leutar & Mihokovic, 2007; Scotti, Slack, Bowman, & Morris, 1996). Ce cheminement a conduit d’une part à l’élaboration de programmes diéducation à la VAAS spécifiquement conçus pour les PPII et, d’autre part, a mené à un changement dans les perceptions des parents (Dionne & Dupras, 2014). En effet, certains perçoivent leur enfant comme un être sexué, animé par des désirs affectifs et sexuels (Kerbage & Richa, 2011). Dans cet ordre d’idée, certaines recherches ont mis en lumière différents facteurs pouvant contribuer à une VAAS saine chez les PP II, parmi lesquels figurent des connaissances adéquates chez les PPII concernant la VAAS (Dionne & Dupras, 2014; Jahoda & Pownall, 2014) et des attitudes positives chez les proches (parents, fratrie, responsables de ressource de type familial) envers la VAAS des PPII (White & Bamitt, 2000). Certains auteurs (Brown & Pirtle, 2008; Cuskelly & Bryde, 2004; Cuskelly & Gilmore, 2007) ont d’ailleurs soulevé que les connaissances relatives à la VAAS chez les PPII sont influencées par les attitudes de leurs proches quant à celle ci. Toutefois, les données actuelles demeurent hypothétiques, car, à notre connaissance, la démonstration empirique de cette relation n’est pas retrouvée dans la documentation scientifique. L’objectif de la recherche était donc d’évaluer la possibilité d’une relation entre les attitudes des proches envers la V AAS des PPII et les connaissances en lien avec cette VAAS chez les PPII.

Lorsque l’on parle de cette condition, les principales appellations utilisées sont celles de déficience intellectuelle et d’incapacités intellectuelles (Büchel & Paour, 2005; Lussier & Flessas, 2005). Bien que plusieurs définitions soient présentes dans la documentation scientifique, celle adoptée par la plupart des organismes de services québécois est celle de l’Association américaine sur le retard mental (Deschênes & Dufour, 2005). Lorsqu’on parle de déficience intellectuelle (DI), on réfère à une incapacité apparaissant dans la période de développement qui se caractérise par des limitations significatives du fonctionnement intellectuel et du comportement adaptatif (American Association on Intellectual and Developmental Disabilities, 2013; Lussier & Flessas, 2005). Selon cette définition, trois éléments doivent être présents pour établir le diagnostic de déficience intellectuelle (Bouchard, Charest, & Laroche, 2007) :

1) un quotient intellectuel (QI) significativement inférieur à la moyenne, c’est-àdire à au moins 2 écarts-types sous la moyenne (70 et moins). Le fonctionnement intellectuel est habituellement mesuré par un test standardisé et normalisé;
2) une performance se situant à au moins 2 écarts-types sous la moyenne en ce qui concerne au moins un type de comportements adaptatifs (conceptuel, social ou pratique) évalué à l’aide d’un instrument normalisé;
3) que les limitations significatives du fonctionnement intellectuel et adaptatif se manifestent avant l’âge de 18 ans (Deschênes & Dufour, 2005)

Vie affective, amoureuse et sexuelle (VAAS) chez les personnes
présentant des incapacités intellectuelles (PPII) 

Les personnes présentant des incapacités intellectuelles (PP II) passent par les mêmes stades émotionnels et relationnels du développement que celles sans déficience, et ce, de la petite enfance à l’âge adulte (Kerbage & Richa, 2011). Bien que les acquisitions se font à un rythme un peu plus lent et que les possibilités d’autonomie sont amoindries, les PPII présentent des sentiments, des besoins et des désirs semblables à ceux de la population générale (Cheausuwantavee, 2002; Chou, Lu, & Pu, 2015; 1sler, Beytut, Tas, & Conk, 2009; Kerbage & Richa, 2011; Leutar & Mihokovic, 2007; Scotti et al., 1996) et l’accès à une VAAS saine constitue une partie intégrante de leur bien-être physique et psychologique (Swango-Wilson, 2008). Cependant, étant donné leurs limites aux plans intellectuel et adaptatif, la VAAS des PPII a surtout été abordée au cours des 20 dernières années sous l’angle des risques inhérents afin d’éviter les abus, l’exploitation, les grossesses non désirées, les maladies transmises sexuellement et les comportements inadéquats (Tremblay et al., 2014; Yacoub & Hall, 2008) plutôt que de prendre en compte les besoins et le vécu des PPII (Dupras & Dionne, 2014). Selon Dionne et Dupras (2014), les normes sociales sont plus sévères envers les PPII, car la société doute de leur capacité à assumer une V AAS responsable. Par conséquent, elles sont vues comme des êtres vulnérables, peu autonomes et parfois asexuées, ce qui amène des attitudes infantilisantes et surprotectrices de la part de leurs proches (parents, intervenants) (Chou et al., 2015; Kerbage & Richa, 2011). Ces attitudes, reconnues comme étant un facteur d’influence important dans la VAAS des PPII (Kerbage & Richa, 2011; White & Barnitt, 2000), engendrent des comportements de contrôle et d’ignorance des proches par rapport aux besoins affectifs, amoureux et sexuels des PPII (Servais, 2006). Habitant pour la majorité avec leurs parents ou dans des milieux supervisés (p. ex., famille d’accueil, résidence de type familial), ayant peu d’opportunités de rencontres sociales (Bouchard & Dumont, 1996; Sullivan, Bowden, McKenzie, & Quayle, 2013) et d’accès aux réseaux sociaux (Jahoda & Pownall, 2014), peu d’occasions de développer des relations intimes (Chou et al., 2015; Desaulniers, Boutet, & Coderre, 1995; Servais, 2006) et de manifester des comportements relatifs à la sexualité (Swango-Wilson, 2008), les principales sources d’information des PPII concernant la VAAS demeurent les parents et les intervenants. En effet, les PPII ont très peu d’opportunités d’obtenir de l’information de leurs pairs par rapport à la VAAS et de de réaliser des apprentissages par l’observation de la VAAS d’autres personnes, ce qui nuit au développement de comportements sociaux et sexuels adéquats (Gürol, Polat, & Oran, 2014) et bloque l’accès des PPII à une autonomie affective et sexuelle (Kerbage & Richa, 2011). Cela engendre également un faible niveau de connaissances relatives à la VAAS (Galea, Butler, & Iacono, 2004; Jahoda & Pownall, 2014; Kerbage & Richa, 2011; McCabe, 1999; Murphy & O’Callaghan, 2004; Servais, 2006), des connaissances qui sont fausses (p. ex., la durée de grossesse est d’un an) (Jahoda & Pownall, 2014; Yacoub & Hall, 2008) et des attitudes plus négatives face à la VAAS chez les PPII que chez la population générale (Chou et al., 2015). Entre leur besoin de vivre une VAAS  aussi normale que possible et le peu d’opportunités de contacts intimes et d’accès à des situations favorisant les relations sociales, amoureuses ou sexuelles (Bouchard & Dumont, 1996; McCabe, 1999), il existe un écart important qui engendre de la solitude et nuit à leur autonomie affective et sexuelle (Kerbage & Richa, 2011). Bien qu’il y ait aujourd’hui une meilleure reconnaissance des besoins et des droits des PPII en lien avec la VAAS de la part de la communauté et de l’entourage (Kerbage & Ri cha, 2011; Tremblay et al., 2014), il n’en demeure pas moins que les PPII sont soumises à des obstacles issus de leur environnement qui influencent de manière négative le développement de la VAAS. En effet, des recherches démontrent que les PPII n’ont toujours pas la même autonomie que les personnes ne présentant pas de déficience intellectuelle en ce qui concerne la VAAS (Bernert, 2011; Healy, McGuire, Evans, & Carley, 2009).

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Table des matières

Introduction
Contexte théorique
Incapacité intellectuelle
Vie affective, amoureuse et sexuelle (V AAS) chez les personnes présentant des
incapacités intellectuelles (PPI!)
Déterminants pour une VAAS saine chez les PPII
Ontosystème ou caractéristiques personnelles
Microsystème ou environnement personnel
Mésosystème ou environnement communautaire
Exosystème ou environnement social
Macrosystème ou environnement culturel
Attitudes des proches (parents, fratrie) envers la vie affective, amoureuse et
sexuelle des PPII
Outils qua:ntitatifs visant l’évaluation des attitudes
Connaissances des PPI! sur la VAAS
Outils quantitatifs visant l’évaluation des connaissances
Lien entre les attitudes des proches envers la sexualité des PPII et les connaissances
relatives à la VAAS chez les PP II..
Obj ectif de l’étude et hypothèse
Méthode
Recrutement
Participants
Déroulement
Instruments de mesure
Mesure des attitudes chez les proches
Mesure des connaissances chez les PPII
Éthique et financement.
Résultats
Analyse descriptive
Analyse des données
Discussion
Absence de démarche empirique dans les études antérieures
Difficultés à mesurer les attitudes
Influence des autres variables de l’écosystème
Nature des instruments utilisés
Représentativité incertaine des deux échantillons
Forces de l’étude
Implications cliniques et pistes de recherche futures
Conclusion

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